Politique : Les Chinois face au scrutin hexagonal

Les Chinois face au scrutin hexagonal

L’élection présidentielle en France passionne-t-elle les foules en Chine ? Rien de comparable au scrutin précédent, à en croire les statistiques du principal moteur de recherche Baidu, analysées par le cabinet shanghaien Daxue Consulting. En 2017, le suspense était presque total avant le second tour. Marine Le Pen (勒庞) et François Fillon captaient une majorité du trafic, devant un jeune candidat méconnu prénommé Emmanuel Macron (马克龙).

Un quinquennat plus tard, l’élection française est noyée médiatiquement par la guerre en Ukraine et surtout la situation sanitaire en Chine. Les quelques articles publiés par la presse officielle chinoise se contentent donc de donner les résultats du 1er tour et des derniers sondages, mais très peu s’avancent à livrer quelconque pronostic sur le duel final.

Néanmoins, le taux d’abstention élevé au 1er tour (26%) n’a pas échappé à certains observateurs. En une critique voilée du système démocratique, un chercheur affirme que de nombreux électeurs français ont abandonné l’idée de pouvoir changer le destin du pays en votant : « un moment d’apathie politique qui pourrait bien avoir plus d’impact sur le futur de la France que les résultats de ces élections le 24 avril », prédit Tian Dewen, vice-directeur à l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS).

Les autres universitaires et internautes qui démontrent un intérêt pour le scrutin hexagonal s’intéressent essentiellement au Président sortant. Très populaire parmi les milieux intellectuels chinois, Emmanuel Macron est apprécié pour avoir mis l’accent sur la coopération avec la Chine durant son mandat, quoique la question des relations de la France avec l’Empire du Milieu soit quasi absente du débat électoral en 2022. Lors de sa première visite officielle en 2018, le dirigeant faisait la promesse de revenir dans l’Empire du Milieu tous les ans. La pandémie aura malheureusement coupé court à ce projet et force est de constater que depuis lors, le ton du président français vis-à-vis de Pékin s’est progressivement durci (BRI, 5G, Covid-19…).

Néanmoins, ses efforts pour transformer la France en une « puissance d’équilibre », n’ayant pas peur d’engager le dialogue avec les ennemis historiques des Etats-Unis tels que la Russie ou l’Iran, séduisent en Chine, tout comme son désir d’accroître « l’autonomie stratégique » de l’Union Européenne – à l’inverse de sa rivale Marine Le Pen, connue pour ses politiques populistes et eurosceptiques. C’est la raison pour laquelle les experts chinois craignent qu’une victoire de Le Pen vienne perturber les relations, déjà tendues, entre Pékin et Bruxelles.

Mme Le Pen est déjà quelque peu connue du public chinois, qui l’associe à l’extrême droite. En 2017, elle avait fait des vagues en proposant un « Frexit » et en prônant un durcissement en matière d’immigration. Cette fois-ci, elle se fait remarquer positivement en Chine en souhaitant retirer la France du commandement intégré de l’OTAN ce qui lui vaut d’être comparée au Général de Gaulle – et en s’opposant aux sanctions qui frappent la Russie. La président du Rassemblement National (RN) propose également de se rapprocher de Moscou afin d’éviter de pousser la Russie dans les bras de la Chine – si ce n’est pas déjà fait … 

En fin de compte, les observateurs chinois ne sont pas si différents des électeurs français : ils jugent les candidats à ce qu’ils pourraient apporter à l’avenir de leur propre pays.

* Les candidats malheureux avaient eux aussi de quoi séduire l’opinion chinoise : le communiste/insoumis Jean-Luc Mélenchon qui a déclaré que la France n’a rien à faire dans le détroit de Taïwan ; Éric Zemmour, pour son programme nationaliste ; Valérie Pécresse pour ses multiples visites en Chine et sa bienveillance vis-à-vis du déploiement de Huawei en Europe…

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