Santé : P4, le laboratoire franco-chinois contre le dragon viral

Cube d’aluminium sans fenêtres, le P4 de l’Institut de virologie de Wuhan (Hubei), fait un peu prison de haute sécurité – il sert à confiner les virus les plus dangereux de la Terre. Le 26 février, devant le Premier ministre français Bernard Cazeneuve, le P4 recevait son certificat de conformité, avant de débuter ses missions de recherche à  l’été.

Sécurité oblige, quelques visiteurs privilégiés arpentaient les couloirs d’acier inox, sans jamais pénétrer dans les salles. A travers les vitres, on aperçoit les autoclaves de décontamination, batteries d’éprouvettes et appareils de test, les cages à cochons d’Inde de laboratoire… A l’intérieur, les opérateurs évoluent en scaphandre alimenté depuis le plafond en air respirable. Leur tenue étanche est en légère surpression atmosphérique, mais la salle ventilée en permanence est, elle, en légère dépression. De la sorte, même si un virus échappait au confinement, il n’aurait aucune chance de percer la cuirasse de l’opérateur lequel, avant sa sortie, est astreint à une douche de produit de désinfection.

En Chine, l’aventure du P4 commence en 2003, avec l’épidémie du SRAS. Sans doute transmis de la chauve-souris à l’homme, ce syndrome respiratoire aigu sévère révélait le retard de la Chine face à l’apparition d’un virus pathogène. Sans retard, Pékin créait de toutes pièces ses centres régionaux de prévention épidémiologique et cherchait à travers le monde des partenaires disposant de technologies préventives, et prêts à collaborer.

Parmi les pays équipés de laboratoires de type P4, la France disposait de celui de Lyon, conçu dans les années 90 par des PME françaises pour BioMérieux et associé ensuite à l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche médicale). Finalement, la partie française accepta de répliquer un P4 en Chine. 14 ans furent alors nécessaires, en échanges techniques et politiques, pour créer cet outil bénéficiant des évolutions technologiques du P4 de Lyon, réalisé par la même équipe de maîtres d’œuvre et d’équipementiers de France et d’Europe. Les 44 millions d’euros investis étant bien sûr à charge de la Chine. Le délai fut aussi nécessaire pour bâtir la confiance réciproque, vu le risque encouru – s’il tombait en de mauvaises mains, un P4 pourrait produire des armes bactériologiques. Les Etats-Unis, et d’autres pays possédant un P4, restent très sourcilleux face à la perspective de son transfert.
Aussi les conditions françaises, acceptées par Pékin, ont été strictes. Le haut personnel, comme le directeur Yuan Zhiming, a été formé à Lyon, en équipe avec des chercheurs français qui poursuivent le travail au P4 de Wuhan. Le programme de recherche sur les virus pathogènes, tels Ebola ou Zika, est coordonné avec celui du P4 de Lyon, de l’Inserm et des Instituts Pasteur de Paris et de Shanghai. Le laboratoire entre aussi dans la boucle des P4 mondiaux, échangeant leurs meilleurs chercheurs, à fins de tests, de conférences et de formation.

Le P4 de Wuhan arrive à temps. Aujourd’hui infectée sur la moitié de son territoire par la grippe aviaire H7N9, la Chine se retrouve aussi à risque aggravé par l’accélération des migrations animales et du réchauffement climatique. Grâce au P4 de Lyon, la France a su saisir sa chance d’être le partenaire n°1 avec la Chine, sur ce dossier engageant la santé de l’espèce humaine.

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