Editorial : La Chine persiste et signe dans sa stratégie «zéro Covid»

La Chine persiste et signe dans sa stratégie «zéro Covid»

Si bon nombre de voyageurs ont un temps espéré que la Chine rouvre ses frontières à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin du 4 au 20 février 2022, et Paralympiques du 4 au 13 mars, leurs espoirs ont été définitivement douchés par les premières mesures annoncées par les organisateurs le 29 septembre.

Plus inquiétante est la construction de « centres de quarantaine » dans toutes les villes accueillant des voyageurs venant de l’étranger, signalant que la Chine n’est pas prête d’abandonner sa stratégie « zéro Covid », à l’inverse d’autres pays ayant adopté une approche similaire (Singapour, Nouvelle-Zélande, Australie…) qui assouplissent aujourd’hui leurs restrictions.

« Ensemble pour un avenir commun » (« Together for a shared future », 一起向未来), c’est le slogan des Jeux d’hiver 2022. La réalité elle, sera toute autre : pendant toute la durée de la compétition, les milliers d’athlètes, juges, arbitres, officiels, journalistes, travailleurs locaux, ne seront pas autorisés à circuler en dehors du cordon sanitaire, conçu pour être encore plus étanche que celui de Tokyo. Les différents sites olympiques, de Pékin à Zhangjiakou (à 200 km de là) en passant par Yanqing, seront placés sous « bulle » pour éviter tout contact avec la population. Il faut néanmoins s’attendre à un contrôle strict des entrées et des sorties dans toute la capitale chinoise de mi-janvier à fin mars, englobant toute la période des olympiades.

Sans surprise non plus, les Jeux de Pékin, comme ceux de Tokyo, n’accueilleront pas de spectateurs venant de l’étranger. Seuls les résidents en Chine (étrangers y compris) pleinement vaccinés, seront en mesure d’assister aux 109 évènements de la compétition, pied de nez aux JO de Tokyo et ses gradins presque vides…

Premier pas vers la reconnaissance des vaccins étrangers, les athlètes ayant reçu l’un de ceux reconnus par l’OMS et toute autre organisation internationale, ou autorisés nationalement (comme le Sputnik russe) n’auront pas à s’isoler à leur arrivée. Les autres devront observer 21 jours de confinement, sauf « justificatif d’exemption médicale ».

À l’issue des Jeux, le personnel local et les sportifs chinois devront se confiner avant de réintégrer le « monde extérieur ». À Tokyo, les participants autorisés à quitter les sites olympiques durant la compétition, avaient été à l’origine des deux tiers des cas d’infections durant les JO.

Du propre aveu des organisateurs chinois, la pression est grande. Déjà menacés de boycott en réplique à la répression des minorités musulmanes au Xinjiang et à la mise au pas de Hong Kong, le succès de ces Jeux d’hiver – aux yeux des autorités chinoises – sera évalué au nombre de médailles bien sûr, mais surtout au nombre de cas de transmission, particulièrement en dehors du « circuit fermé ».

Alors que certaines épreuves tests (patinage de vitesse, luge, bobsleigh, hockey sur glace, ski et snowboard) ont débuté le 8 octobre, avec des participants coréens et néerlandais notamment, le gouvernement appréhende un éventuel mécontentement de la population face à une arrivée « massive » d’étrangers sur son territoire, même confinés dans des « bulles ». Pékin a donc tout intérêt à démontrer au public apeuré que ces JO ne représentent pas une menace sanitaire pour la nation.

Cependant, le durcissement du protocole d’isolement des voyageurs internationaux laisse penser le contraire. Alors que les cas de contamination pendant la quarantaine en Chine se multiplient, les municipalités ont reçu la consigne fin septembre de mettre à disposition au moins 20 chambres d’isolement « adaptées » pour 10 000 habitants d’ici fin octobre, notamment dans le cadre de « stations internationales de santé » (国际健康驿站) pour les mégalopoles.

Ce concept a été élaboré au mois de juin après que le variant Delta perce pour la première fois le bouclier sanitaire chinois dans la province du Guangdong. Il viendra à terme remplacer le confinement obligatoire à l’hôtel, réputé « inadapté » pour contenir les variants les plus contagieux, d’après l’expert de référence, le Dr Zhong Nanshan.

La station de Canton est la première à sortir de terre (cf photos), moins de trois mois après le début du chantier qui aura coûté 1,7 milliard de yuans (227 millions d’euros). Elle devrait entrer en opération juste avant le début de la foire internationale de Canton, le 15 octobre. Les arrivants seront transférés directement de l’aéroport au centre et y seront confinés entre 14 jours et 21 jours.

Chacune des 5074 chambres dispose de sa propre ventilation et climatisation pour éviter les contaminations croisées. À la pointe de la technologie, elles sont également équipées d’un capteur de température et d’un interphone vidéo, tandis que des robots seront chargés de la livraison des repas afin de limiter tout risque d’infection du personnel. Les employés resteront 28 jours d’affilés au centre, avant de se confiner eux-mêmes pendant trois semaines…

La province du Guangdong représenterait plus de 80% des arrivées internationales sur le territoire chinois, avec environ 30,000 personnes confinées chaque jour dans 300 établissements. Cette seule station devrait donc être insuffisante face aux besoins… Un deuxième site a déjà été choisi pour accueillir un second centre fermé. Selon les nouveaux critères, Canton et ses 18,68 millions d’âmes, devra préparer 37 350 chambres.

La ville voisine Dongguan aurait déjà lancé un projet de reconversion de bâtiments existants en un complexe de 2000 lits. Shenzhen devrait suivre… Dans le Fujian, récemment touché par une recrudescence du virus, la ville de Xiamen a annoncé l’ouverture d’un centre de 6000 chambres en mars 2022. Shanghai, Chengdu, Wuhan, Qingdao, Tianjin pourraient leur emboiter le pas.

Le déploiement sur le territoire de ces « centres de quarantaine » n’est pas une mesure provisoire, mais plutôt une manière pour le gouvernement d’institutionnaliser sa stratégie « zéro cas », faisant le pari que la pandémie risque de durer encore un bon moment…

Selon la dernière interview du Dr Zhong Nanshan le 3 octobre, la Chine pourrait assouplir ses restrictions aux frontières lorsque le taux de vaccination de sa population aura atteint les 80% voire les 85% (ce qui pourrait arriver d’ici la fin de l’année), mais surtout lorsque le nombre d’infections et la mortalité auront baissé dans le reste du monde… D’ici là, la Chine devrait poursuivre sa fuite en avant dans sa stratégie « zéro Covid-19 » . Jusqu’où ira-t-elle ?

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