A lire, à voir, à écouter : Les trois lauréats du festival « Écrans de Chine » 2021

Les trois lauréats du festival « Écrans de Chine » 2021

Écrans de Chine est un festival cinématographique organisé par l’association Écrans du Monde.

Les films sélectionnés se focalisent sur la vie quotidienne des citoyens chinois, quelles que soient leurs origines.

En proposant des films uniques réalisés pour l’essentiel par des cinéastes chinois indépendants, le festival s’est imposé comme une fenêtre incontournable pour apprécier le réel de la Chine, Chine, tout en témoignant de l’évolution du cinéma documentaire du pays. 

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Voici les trois lauréats de cette 11ème édition du festival qui a eu lieu du 29 septembre au 3 octobre 2021 :

Écrans de Chine d’or : « Un village en voie de disparition » (春去冬来) – de Liu Feifang (刘飞芳)

Dans le processus de transformation sociale de la Chine, l’urbanisation a profondément affecté et modifié les campagnes. Les changements sociaux en Chine influencent grandement le sort des agriculteurs et l’état du village. Les personnes âgées du village restent attachées à la terre et vivent de l’agriculture. Les jeunes s’échappent de la terre, essayant de survivre dans les villes, car le travail traditionnel ne peut plus leur assurer un salaire décent.

« Un village en voie de disparition » nous présente le village isolé de Heishuigetuo, qui a plus de 300 ans d’histoire et ne compte actuellement que 15 villageois. Ce village de montagne conserve les caractéristiques traditionnelles du nord-ouest de la province du Shanxi. Avec le changement des quatre saisons, les personnes âgées décèdent les unes après les autres. Et les vieux villageois laissés pour compte ne peuvent rien faire d’autre que d’attendre la fin de leur vie. Les maisons en ruine continuent de résister à la neige et à la pluie, mais combien de temps le village peut-il survivre si tous les liens familiaux ont été rompus ? Ce documentaire d’observation à long terme présente un regard engageant et exhaustif sur une année dans la vie de gens humbles qui aiment leur lieu de naissance malgré ses dures réalités.

Tous les membres du jury ont été d’accord pour dire que ce film sortait du lot aussi bien sur le fond que sur la forme. On excuse même sa durée de presque 3h tant il est magnifiquement filmé. Certaines images sont sublimes, sa réussite esthétique est incontestable et il y flotte un air de poésie, de désenchantement et d’abnégation qui appartient vraiment à la sensibilité chinoise. Éric Meyer – membre du jury – résume bien ce qui nous a séduit : l’auteur trouve des accents lyriques pour magnifier cette alliance éternelle entre hommes, bêtes et montagne. Dès les premières images, on est saisi par l’ambiance surpuissante de brume et de vent, et par la faiblesse de cette humanité du troisième âge, dos courbé par les années, devant ramasser son bois pour se chauffer. Sur le toit de la ferme délabrée, les cheminées glacées dans le ciel bleu renforcent l’impression de vulnérabilité et de mort annoncée…

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Écrans de Chine d’argent : « Le vent du Sud » (南风) de Zhang Zhiqiang (张志强)

Le camping-car flambant neuf de Xu Zhihui et Sun Yanping ne vous emmènera pas bien loin et pourtant, quelle aventure ! Bloqué dans la ville de Fangpo à cause de l’épidémie et échoué sur la plage, notre couple de retraités vous fera sourire malgré le tragique de la situation qu’il décrit. L’aventure est cocasse : stoppés net dans leur élan voyageur, Xu et Sun sont contraints de faire contre mauvaise fortune bon cœur et travaillent d’arrache pied à leur survie dans un environnement hostile qui leur est totalement étranger.

Attachants car maladroits, ils nous émeuvent et leur résilience hors du commun force le respect. Livrant un témoignage courageux sur un épisode qui aura bouleversé la planète entière, ce documentaire se veut avant tout intimiste. Le voyage auquel il nous convie est une introspection menant à un constat amer et douloureux : « Je suis devenu vieux trop vite ! », confie Xu. Aussi, le message de cette fable contemporaine est-il clair : il en faut peu pour être heureux ! Profitons du temps qui reste avant qu’il ne soit trop tard. Cette urgence est un hymne au voyage, à la découverte de l’Inconnu et de l’Altérité.

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Écrans de Chine de bronze : « Forêt écarlate » (绛红森林) de Jin Huaqing (金华青)

Quelque 20 000 nonnes bouddhistes vivent au monastère de Yarchen, sur les hauts plateaux du Tibet. Au cours des mois les plus froids (jusqu’à -40°C), nombre d’entre elles font une retraite dans de petits abris de bois, presque des huttes. Là-bas, là-haut, dans les bourrasques de neige, aux limites temporelles du monde vierge, ces femmes se livrent à la solitude, au recueillement. Elles interrogent, elles affrontent dans un combat inégal les forces de la spiritualité : le sens de la vie, le karma, les doutes de leurs actes, l’imprévisibilité de la mort, la réincarnation et tant d’autres vertiges. Au Tibet, la tradition veut qu’on entre au couvent jeune fille et qu’on y poursuive sa quête jusqu’à la fin de la vie.

Une prière ininterrompue, une pratique quotidienne, la mise en condition de tous les instants pour se mesurer aux “examens” monastiques dans le but ultime d’atteindre ou du moins d’approcher un état supérieur et d’espérer voir s’entrouvrir la porte de la glorification. Les plus jeunes comme les plus âgés du monastère sont soumises à ces épreuves, où l’exercice consiste à dominer le stress, les angoisses, les doutes, la notion de culpabilité…

Loin de leurs familles, sans repères affectifs des choses du domaine terrestre, les nonnes ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur la solidarité de leurs sœurs également retirées du monde. Seules mais ensemble, elles se vouent entièrement à un guide spirituel invisible qui a pour mission de les mener au salut éternel. Une mer de robes pourpres nous invite à effleurer, à toucher un peu ce qui anime ces êtres de foi et à ressentir la violence et la beauté de leur combat spirituel. Libre à nous, simples mortels et spectateurs d’un jour, de nous inspirer de la quête de ces femmes du bout du monde et, à notre tour, nous interroger sur le modèle de l’individualité et peut-être aussi remettre en cause nos certitudes.

Les images de Jin Huaqing sont stupéfiantes de beauté, de pudeur et de réalisme. Ayant réussi à se rendre pratiquement invisible au milieu des milliers de nonnes qui fréquentent le Yarchen et en y retournant pendant sept années de suite, ce jeune réalisateur parvient à nous transmettre l’émotion qu’il a ressentie en assistant à la quête religieuse de ces êtres immergés dans leur foi. 

Ces trois documentaires seront prochainement disponibles au visionnage sur la plateforme VOD d’Ecrans de Chine, sur abonnement.

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