Petit Peuple : Urumqi (Xinjiang) – Zeng Duozi, ou trop tricher nuit ! (2ème partie)

Urumqi (Xinjiang) – Zeng Duozi, ou trop tricher nuit ! (2ème partie)

À Urumqi, capitale du territoire autonome du Xinjiang, Zeng Duozi a eu une enfance aussi difficile qu’exaltante, et se voit à 21 ans en grande difficulté avec la justice…

Pour sa première grosse escroquerie, en 2004, Zeng Duozi s’était fait prendre, par manque d’expérience. En détournant quelques camions de farine, elle avait grugé la principale minoterie d’Urumqi, emportant dans sa fuite la recette des ventes de la farine à une cinquantaine de boulangers. Elle avait cru pouvoir jouer les filles de l’air, en traversant tout le pays sur 5000km en bus locaux jusqu’à Suzhou (Jiangsu), où elle s’était planquée dans une chambre à louer. Elle comptait faire ainsi profil bas durant quelques mois, avant de commencer à jouir des 200.000 yuans de son bien mal acquis – en faisant attention à ses dépenses, elle pouvait espérer tenir ainsi deux ans.

Mais ce sur quoi elle n’avait pas compté, était le fait qu’au cours de l’enquête, un inspecteur l’avait retrouvée sur la vidéo d’une caméra de sécurité passant à bord d’un bus. Dès lors, le filet se resserrait. La police avait bonne idée de son itinéraire, et son mode de déplacement était connu… Il n’eut fallu que deux semaines de plus pour l’arrêter, une autre pour la reconduire par avion sur sa ville natale, puis un mois pour la condamner à une lourde peine : 10 ans de prison, vu l’aspect délibéré du délit et l’absence de circonstances atténuantes.

C’est alors qu’un coup de théâtre s’était ensuivi au tribunal, qui allait laisser ses traces dans les annales. Le simulacre de procès, la lecture de l’acte ,d’accusation et la plaidoirie s’étaient; déroulées au tribunal intermédiaire d’Urumqi, à huis clos. Puis conformément à la pratique, le verdict avait été notifié quelques jours plus tard à l’accusé dans le bureau du magistrat, la peine d’une décennie à l’ombre. Mais c’est alors qu’elle lui avait asséné la nouvelle sur sa condition : elle était enceinte ! Pendant les trois mois où elle avait volé de ses propres ailes comme négociante de farines sur la place d’Urumqi, elle avait eu un nouvel amant, qui l’avait rendue mère.

Le juge, à cette nouvelle, avait senti la sueur perler à ses tempes comme une barre de glace. En effet, d’ordinaire très dure envers tout criminel ou toute personne en délicatesse avec la loi, la justice chinoise gardait ses origines révolutionnaires et sa prétention de réformer et éduquer les coupables, surtout s’ils venaient du prolétariat, savoir faire preuve de compassion dans ces cas, savoir les réorienter vers le droit chemin. Pour cette raison, la loi chinoise exemptait toute femme enceinte de la prison – coupable et condamnée, cette dernière gardait la latitude de purger sa peine hors des murs du cachot -concrètement parlant, en liberté, et chez elle ! Zeng Duozi le savait, bien sûr, et c’était sur un sourire futé et d’une petite voix flûtée qu’elle avait fait sa déclaration : le juge n’avait plus d’autre choix que de prononcer le sursis, le non-lieu de son propre jugement. Les menottes avaient donc été ôtées, et fière comme la reine de Sabbat, la jeune femme était sortie à pied, la tête haute du tribunal pour prendre un taxi et retourner vers chez elle, laissant greffier, avocat général et juge médusés, bouche bée dans sa direction.

Pour autant sa position n’était guère plus brillante, car les 200.000 yuans de sa carambouille confisqués lors de son arrestation l’avaient laissée sans moyen d’existence. Après ce scandale, retourner chez ses parents militaires était hors de question. D’ailleurs, à la retraite, ils étaient retournés à Shanghai, pour profiter d’un foyer pour vieux cadres auquel leur grade leur donnait droit.

Il fallait donc jouer serré. Dans l’urgence, Duozi commença par fréquenter un club de rencontres, et à chercher de riches protecteurs. Elle n’hésitait pas à jouer le compagnon de la veille contre celui du jour, sans la moindre tentation de fidélité. Non qu’elle fût diaboliquement amorale, mais à 21 ans, elle avait pleine conscience que son physique était son seul atout, et qu’il valait mieux exploiter les hommes, plutôt que de compter sur leur fidélité. Suivant une manière de pensée assez courante en Chine, elle se disait que seule elle était et resterait, et qu’il valait mieux ne compter que sur elle-même, pour s’imposer aux autres, même par des moyens déloyaux.

Un mois après sa relaxe en avril 2004, elle était passée à l’hôpital se faire avorter. Quelques petits billets de 100 yuans avaient fait s’éteindre toutes les questions…

Tout de suite après, elle recommença à mener un train de vie dissolu, profitant de la générosité de riches compagnons, pour des relations qui ne s’éternisaient jamais. Suivant le célèbre adage « 同床异梦(tóng chuáng yì mèng) », son compagnon du moment et elle, au lit, ne rêvaient jamais à l’unisson. Quand elle sentait la relation virer au tiède, elle prenait les devants et était toujours la première à partir. Paradoxalement, sa réussite face aux hommes comme face à la justice, avait décuplé son audace : elle avait désormais une confiance illimitée en sa capacité de se tirer de toute affaire…

Mais pour combien de temps pouvait durer ce jeu dangereux ? Vous le saurez la semaine prochaine !

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