Le Vent de la Chine Numéro 10 (2017)

du 13 au 19 mars 2017

Editorial : L’Europe, vue de l’Assemblée

Dans les débats de l’ANP, l’Europe est omniprésente – logique, s’agissant du premier client de la Chine, alors que l’Amérique de D. Trump entre dans une spirale protectionniste. Wang Yi le ministre des Affaires étrangères minimise la menace du Brexit : l’UE y trouvera la chance de mûrir, et la Chine compte sur elle comme partenaire de croissance, et de gouvernance multilatérale évitant populisme et repli sur soi.

Cependant Pékin nourrit ses propres démons protectionnistes, avec le plan Made in China 2025. La Chambre de Commerce Européenne l’épingle en publiant un rapport, en même temps que la tenue des deux Assemblées. Ce plan aurait tout d’une « boite à outils », dont chaque instrument viserait à spolier les industriels étrangers de leurs technologies de pointe, puis à leur prendre leurs marchés – en Chine et ailleurs. La stratégie sévit d’abord sur le marché de la voiture électrique : tout constructeur voulant opérer en Chine est soumis à « une pression intense de céder ses savoir-faire avancés, en échange d’un accès à court-terme au marché local ».

D’autres méthodes ne sont pas moins douteuses, probablement en infraction aux normes de l’OMC, comme les subventions aux modèles « tout-électrique » à batteries. Mais la Chambre redoute que ce type de défense ne s’avère stérile, vu les années d’enquête et d’instruction nécessaires, permettant au ministère d’appliquer sa stratégie en toute impunité pour casser l’avance dont peuvent encore jouir les groupes étrangers…

Certes, reconnaît Jörg Wuttke, Président de la Chambre, la Chine n’a pas le choix, vu le vieillissement de sa société et l’exacerbation de la concurrence planétaire. Elle doit à tout prix s’extraire d’un modèle économique de produits à faible technologie et bas coûts. Mais le choix des armes pour mener ce combat n’est pas le meilleur : le plan décennal chinois favorise les géants étatiques, alors que la Chine ferait mieux de soutenir ses vrais champions privés, Huawei ou Tencent, qui n’ont pas besoin de ce détournement forcé des technologies des concurrents.

C’est ce que dit la Commission de Bruxelles, par la voix de la Commissaire Cecilia Malström, en appelant Pékin à mettre en pratique ses slogans de liberté de marché et de globalisation : Pékin devrait autoréguler ses exports d’acier à prix cassés car subventionnés, et accepter l’ouverture de son marché financier et des services.
Un tel pas serait dans l’intérêt bien compris du pays : à travers des lois telles celle de la cybersécurité, son protectionnisme la prive de dizaines de milliards de dollars d’investissements sur son sol. En 2016, en dépit des fortes restrictions du pouvoir central sur les sorties de capitaux, les 28 Etats-membres ont reçu 37 milliards de $ de Chine, mais celle-ci n’a bénéficié que de 8,5 milliards de $ d’Europe – une misère par rapport à l’investissement européen direct ailleurs au monde. Mais tel est le prix à payer pour sa grande muraille protectionniste.

Reste un scandale qui éclate : l’office européen des 28 (OLAF) vient de détecter une des plus grosses fraudes de son histoire. De 2013 à 2016, 1,987 milliards d’euros en recettes de douanes et TVA ont été évitées par des consignataires chinois indélicats, avec l’assistance passive des douaniers anglais. Transitant par les ports britanniques, des lots de textiles et chaussures étaient sous-déclarés jusqu’à 1/10ème de leur valeur avant de repartir vers le continent, « dédouanés » par des services « constamment négligents ». Londres risque une amende égale au préjudice, mais se justifie en alléguant qu’ailleurs dans l’UE, « la plupart des procédures douanières sont inconsistantes avec la loi britannique ». Voilà en tout cas une affaire qui fera date : elle forcera Londres et Pékin à s’expliquer et à remettre à jour leurs accords douaniers avec l’UE.


Politique : Plenum de l’ANP – Silences et audaces

Etrange session 2017 des Deux Assemblées, où prudence et langue de bois sont de mise, en vue du crucial XIXème Congrès d’octobre. Une pression indicible s’exerce sur tous, parlementaires, hommes d’affaires et célébrités. Difficile alors d’émettre des idées spontanées : l’heure n’est pas à la confidence. Aussi, les trois les espoirs « de la 6ème génération », en lice pour la succession de Xi Jinping en 2022, Hu Chunhua (poulain de Hu Jintao), Sun Zhengcai (celui de Wen Jiabao), Chen Min’er (celui de Xi), restent muets comme des carpes à l’ANP – ce n’est pas le moment de compromettre leurs chances, par un mot imprudent !  

Cette année, la lutte contre la pauvreté conserve sa priorité – 10 millions de paysans doivent être tirés de leur misère vivant en-dessous du seuil de pauvreté annuel de 2300 ¥. Pour ce faire, 1700 experts sont envoyés dans les campagnes, pour vérifier le travail des fonctionnaires de la base.

Le monde de la santé marque un point sur le lobby du tabac, puissant au sein du Parti et du gouvernement : les cendriers ont été enlevés au Palais du Peuple et dans les chambres du très politique hôtel Jingxi, où est logée une partie des députés.

Les congés ont la cote : Lai Xiaomin, président de Huarong, firme publique de reprise des actifs faillis, propose de doubler à 15 jours les congés du Nouvel An chinois. 70% des Chinois sont du même avis, selon Xinhua.

Aux mandants du monde agricole, le vice-ministre Han Changfu évoqua la crise du maïs, en forte surproduction. Dès 2016, le Conseil d’Etat a invoqué ce surplus et ses coûts de stockage exorbitants,  pour éliminer le prix de soutien, incitant le paysan à passer à d’autres productions, ou bien à des types de maïs plus « bio ». Visant une stabilisation des stocks à 230 millions de tonnes, le ministère encourage la production d’isoglucose (sucrant de synthèse pour l’industrie pâtissière), d’éthanol, ou de film protecteur pour les serres. Certaines provinces subventionnent aussi la consommation du maïs chinois, compensant ainsi un prix supérieur à celui importé…

Le monde financier a débattu d’une directive de la CSRC, tutelle de la bourse : toute firme prête à « construire le Parti » en son sein, sera « invincible ». La clé du succès ne tiendrait donc plus au seul bon produit ou management, mais aussi à l’association aux décisions avec la cellule du Parti – curieuse théorie ! Pourtant, la consigne de la CSRC ne manque pas de sens, sous une autre perspective. Fin décembre, selon la Banque Centrale, l’encours bancaire national s’élevait à 26 000 milliards de ¥ (3700 milliards de $), 30% de plus que 12 mois auparavant, ce qui trahissait un emprunt hors-contrôle, des faillites en perspective, et une vague d’infractions aux consignes. Cette anarchie reflétait l’incohérence des quatre agences de contrôle financier (la Banque Centrale, les trois tutelles, bancaire, boursière et des assurances), chacune agissant en « franc-tireur » selon ses intérêts. Ceci laissant toute latitude aux consortia et provinces pour lever des fonds via leurs 17 000 véhicules financiers. Vu sous cet angle, le « conseil d’ami » de la CSRC signifie que ses contrôles seront sélectifs : pour les emprunts approuvés par la cellule, les sanctions en cas d’endettement seront moins lourdes.  

Côté législatif, une nouvelle loi du renseignement sécuritaire est annoncée par le Président de l’ANP Zhang Dejiang. Elle sortira cette année, et se rajoutera à quatre autres textes de loi directement liés au sujet de la sûreté du régime.

Beaucoup plus lourd, à l’initiative de Li Jianguo, vice-président de l’ANP, un préambule au Code civil doit être voté en clôture du Plenum, le 15 mars. La Chine n’a jamais pu se doter d’un tel texte, malgré quatre tentatives précédentes. Dans l’histoire seules la France (Napoléon) et l’Allemagne (Bismarck) ont pu adopter un tel texte. Il s’agit surtout d’un atelier juridique devant se traduire par le vote d’une série complète de lois sur les droits des citoyens, enfants ou vieillards abandonnés, bons samaritains, droits de propriété, droits des individus à leur santé, leur réputation, leur nom… C’est aussi un retournement de démarche puisque jusqu’alors, la loi a surtout défini les droits de l’Etat. Mais un tel code, pour avoir un sens, suppose aussi une liberté large pour les avocats, d’invoquer ces textes dans la défense de leurs clients. On en est encore loin. Une telle clé de voute d’une démocratie est-elle compatible avec la Chine actuelle ?

En marge de l’Assemblée, Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, évoquant la mer de Chine du Sud, annonce la conclusion d’un code de conduite avec l’ASEAN, sur cette mer de toutes les convoitises. Ce texte ambitieux inclurait un mécanisme contraignant de gestion des incidents en mer, une interdiction de militarisation des ilots occupés, et un soutien à la liberté de navigation. Reste à vérifier dans le texte, une fois publié, l’existence de ces beaux principes, et voir si tous les pays membres pourront y souscrire.

Enfin, au départ de Hainan, une 3ème ligne maritime de croisières à destination des îles Paracels, vient d’être lancée et une ligne aérienne attend son feu vert. Une telle initiative sera certaine de fâcher le Vietnam, qui fut délogé de cet archipel dans sa zone maritime exclusive, en 1987. C’est ainsi que Pékin prétend développer un « tourisme patriotique », réservé à  ses plus fidèles citoyens. Malgré le manque de distractions sur place, déjà 12 000 visiteurs avaient embarqué en 2016 !


Corées : L’embrasement menace

La paix se délite en péninsule Coréenne. Fragilisée en février par un test balistique nord-coréen, la stabilité a été mise à mal après le nouveau tir de quatre missiles le 6 mars, qui ont parcouru 1000km avant de s’abîmer près des côtes japonaises. La réponse des Etats-Unis ne tarda pas : promis depuis l’été à la Corée du Sud pour sa défense, les premiers éléments du dispositif antimissiles THAAD, ont été déployés en banlieue de Séoul.

Depuis l’annonce de la décision conjointe de déploiement du THAAD, la Chine avait fait pression pour tenter de le bloquer, mais le test balistique de février avait mis fin aux atermoiements. Le 28 février, la multinationale Lotte acceptait d’échanger son terrain de golf de Séoul avec un terrain militaire, créant ainsi les conditions pour ouvrir la base de l’US Army. Signe de la déstabilisation profonde suscitée dans l’opinion sud-coréenne par ces tests nordiques de missiles et de bombes atomiques, la décision de déploiement a pu avoir lieu, en dépit d’une forte opposition riveraine et de la destitution de la Présidente Park Geun-hye le 10 mars.

Chine et Russie s’unissent dans le refus de cette rampe THAAD à leurs portes. Elles redoutent surtout la capacité de ses radars, complétant le dispositif d’écoute américaine, qui nuit à leur secret défense.

Dès l’automne, Pékin avait commencé à punir Lotte, et le gouvernement sud-coréen. Une fois réalisé le transfert du terrain d’accueil pour le THAAD, sa « petite tape » se mua en « coup de poing » : sous prétextes dilatoires et sans faire de lien avec le litige, elle ferma 40 des 150 magasins Lotte, sa chocolaterie (en JV avec Hershey) à Shanghai, et son parc à thèmes à 2,6 milliards de $ en construction à Shenyang. Elle a incité au boycott des produits et de la chaîne Lotte, jusqu’alors pourtant plébiscités pour leur qualité. Weilong, fabriquant de snacks épicés, a fait retirer (2 mars) tous ses produits. Le site internet de Lotte a aussi été hacké. Cette campagne de bashing a déjà fait perdre à Lotte 20% en bourse.

D’autres intérêts sud-coréens sont frappés : des millions de touristes chinois renoncent à leurs vacances (vers l’île de Jeju par exemple), destination interdite au 15 mars. Les exports coréens en Chine baissent de 5 à 10% : autos Hyundai, smartpho-nes Samsung ou LG, cosmétiques du consortium AmorePacific. Jeju-Air se voit depuis des mois rejeter sa demande de charters supplémentaires.

Face à cette douche écossaise, Séoul, pieds et poings liés, verse des aides à ses PME (1 milliard de $ à ce jour), et menace Pékin de plainte à l’OMC pour « discrimination ». Pékin conclue sa salve en promettant des mesures contre Corée du Sud et USA, pour « défendre résolument ses intérêts de sécurité ».

Et face à Pyongyang, que fait la Chine ? Symptomatiquement, elle se tait. Dès le premier tir de missiles, elle avait coupé 30 à 40% des recettes extérieures du régime stalinien, bloquant « jusqu’à décembre » ses livraisons de charbon pour 1,2 milliard de $. Mais c’est pour faire pression, et la durée de la sanction est bien sûr négociable.

Cette discrétion chinoise est liée à la tempête que la Corée du Nord a attirée sur elle en faisant assassiner le 13 février à Kuala Lumpur le demi-frère Kim Jong-nam, du « cher leader » Kim Jong-un. Depuis, avec la Malaisie, la Corée du Nord est en rupture de relations : les ambassadeurs sont rappelés, et ces ex-alliés bannissent de sortie du territoire les nationaux de l’autre (9 Malais et 1000 Nord-coréens sont « otages » réciproques). Dans ce climat, Hoo Chiew-Ping de l’université de Malaisie, prévoit que les pays d’Asie du Sud-Est, hier parmi les rares au monde à traiter avec Pyongyang, vont geler leurs accords bilatéraux. La Corée du Nord verra de facto sa dépendance exacerbée envers la Chine qui seule, par sa frontière, alimente le « pays du matin calme » en carburant, riz, t-shirts, téléphones portables…

Or, la Chine se garde de remettre  en cause ces liens. En dépit des récents sarcasmes de Kim Jong-un sur Pékin (accusée de « danser à la musique des USA »), le dialogue reste ouvert–renforcé, même. Ri Kil-song, vice-ministre des Affaires étrangères recevait le 18 février à Pyongyang l’orchestre de Jilin, puis après le concert, s’envolait pour Pékin jusqu’au 4 mars – la plus longue visite bilatérale depuis juin, sur invitation de son homologue Wang Yi…Contre vents et marées, Pékin maintient son aide à son turbulent protégé.

Après la mise à feu des dernières fusées nordistes, Wang Yi a condamné, mais aussi tancé l’alliance USA-Séoul, lui reprochant des manœuvres conjointes tenues la semaine précédente. Il a aussi appelé « toutes les parties » à la réserve. Cette modération lui permet d’apparaître « neutre et arbitre » face aux négociateurs du pays du matin calme.

Enfin le 8 mars, Wang Yi jouait peut-être sa dernière carte en proposant à chaque pays de renoncer, l’un à son THAAD et aux manœuvres conjointes, l’autre à sa course aux missiles et à l’arme nucléaire. Wang Yi compare les frères ennemis à « deux trains-bolides » en route vers une collision meurtrière et insensée.  

Le souci chinois n’est pas feint : en 65 ans, de part et d’autre de la ligne de démarcation, le risque d’explosion n’a jamais été si élevé. Mais les bons offices de Pékin sont obérés par deux faits : dans la solution proposée, ses propres intérêts sont trop visibles, et de part et d’autre, la confiance en la Chine est amoindrie. La politique suivie depuis 20 ans, consistant à faire croire à chaque Corée qu’elle est de son côté, n’est plus tenable.

À la proposition de Wang Yi, les Etats-Unis ont illico répondu ‘non’. Mais c’est qu’un autre sommet se profile, entre D. Trump et Xi Jinping à Washington, cette année : le moment de toutes les relances.


Santé : P4, le laboratoire franco-chinois contre le dragon viral

Cube d’aluminium sans fenêtres, le P4 de l’Institut de virologie de Wuhan (Hubei), fait un peu prison de haute sécurité – il sert à confiner les virus les plus dangereux de la Terre. Le 26 février, devant le Premier ministre français Bernard Cazeneuve, le P4 recevait son certificat de conformité, avant de débuter ses missions de recherche à  l’été.

Sécurité oblige, quelques visiteurs privilégiés arpentaient les couloirs d’acier inox, sans jamais pénétrer dans les salles. A travers les vitres, on aperçoit les autoclaves de décontamination, batteries d’éprouvettes et appareils de test, les cages à cochons d’Inde de laboratoire… A l’intérieur, les opérateurs évoluent en scaphandre alimenté depuis le plafond en air respirable. Leur tenue étanche est en légère surpression atmosphérique, mais la salle ventilée en permanence est, elle, en légère dépression. De la sorte, même si un virus échappait au confinement, il n’aurait aucune chance de percer la cuirasse de l’opérateur lequel, avant sa sortie, est astreint à une douche de produit de désinfection.

En Chine, l’aventure du P4 commence en 2003, avec l’épidémie du SRAS. Sans doute transmis de la chauve-souris à l’homme, ce syndrome respiratoire aigu sévère révélait le retard de la Chine face à l’apparition d’un virus pathogène. Sans retard, Pékin créait de toutes pièces ses centres régionaux de prévention épidémiologique et cherchait à travers le monde des partenaires disposant de technologies préventives, et prêts à collaborer.

Parmi les pays équipés de laboratoires de type P4, la France disposait de celui de Lyon, conçu dans les années 90 par des PME françaises pour BioMérieux et associé ensuite à l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche médicale). Finalement, la partie française accepta de répliquer un P4 en Chine. 14 ans furent alors nécessaires, en échanges techniques et politiques, pour créer cet outil bénéficiant des évolutions technologiques du P4 de Lyon, réalisé par la même équipe de maîtres d’œuvre et d’équipementiers de France et d’Europe. Les 44 millions d’euros investis étant bien sûr à charge de la Chine. Le délai fut aussi nécessaire pour bâtir la confiance réciproque, vu le risque encouru – s’il tombait en de mauvaises mains, un P4 pourrait produire des armes bactériologiques. Les Etats-Unis, et d’autres pays possédant un P4, restent très sourcilleux face à la perspective de son transfert.
Aussi les conditions françaises, acceptées par Pékin, ont été strictes. Le haut personnel, comme le directeur Yuan Zhiming, a été formé à Lyon, en équipe avec des chercheurs français qui poursuivent le travail au P4 de Wuhan. Le programme de recherche sur les virus pathogènes, tels Ebola ou Zika, est coordonné avec celui du P4 de Lyon, de l’Inserm et des Instituts Pasteur de Paris et de Shanghai. Le laboratoire entre aussi dans la boucle des P4 mondiaux, échangeant leurs meilleurs chercheurs, à fins de tests, de conférences et de formation.

Le P4 de Wuhan arrive à temps. Aujourd’hui infectée sur la moitié de son territoire par la grippe aviaire H7N9, la Chine se retrouve aussi à risque aggravé par l’accélération des migrations animales et du réchauffement climatique. Grâce au P4 de Lyon, la France a su saisir sa chance d’être le partenaire n°1 avec la Chine, sur ce dossier engageant la santé de l’espèce humaine.


Hong Kong : Rappel à l’ordre

Hong Kong, perle de Chine du Sud, reste  assommée par l’échec de ses tentatives d’indépendance de 2014 (mouvement Occupy Central) et 2016 (l’éviction au Parlement local d’élus pour insulte à la nation durant leur prestation de serment).

Durant le Plenum de l’ANP à Pékin, le pouvoir central enfonce le clou. Li Keqiang ouvre le bal, rappelant aux insulaires que les velléités séparatistes « ne mèneront nulle part ». Zhang Dejiang le Président de l’ANP,  leur suggère  de penser plus à leur économie, pour éviter de voir leur PIB dépassé par celui de Shenzhen d’ici 2 ans (le PIB de Hong Kong est de  3,8% et celui de sa voisine Shenzhen, de 9%). 
Xi Jinping qui prépare pour juin sa visite de la ville pour le 20ème anniversaire de la rétrocession, a déjà choisi le patron de Hong Kong, que la ville devra « élire » au suffrage indirect le 26 mars. Contre son rival John Tsang, chouchou de la rue, il a notoirement désigné Carrie Lam, voyant en cette cadre chevronnée, un être capable de gérer la ville avec doigté, sans « maux de tête » pour Pékin… Pour autant, Li Keqiang croit toujours que selon la règle « un pays, deux systèmes », la Chine ne s’immisce pas dans les affaires de la Cité.
Enfin et surtout, Hong Kong démotivée et l’équivoque autonomiste dissipée, la Chine peut aller de l’avant : Yu Hongjun, ex-n°2 du département international du Parti affirme que 20 ans de transition, c’est assez ! Il est temps d’amender la loi fondamentale pour permettre plus « d’intégration ».

Entre Chine et Hong Kong, il faudrait pouvoir échanger plus de fonctionnaires, la ville devrait commencer à payer des impôts à Pékin, et les insulaires devraient pouvoir s’engager dans l’APL. Plus prudente, Elsie Leung, ex-secrétaire à la Justice hongkongaise répond : « révision, oui, mais pas à la légère »… C’est une nouvelle époque qui s’ouvre.


Petit Peuple : Yushutun (Heilongjiang) – David contre Goliath (1ère partie)

Un soir de janvier 2001, vers 19h, calfeutré derrière ses murs de brique près du poêle, Wang Enlin préparait la nuit du Nouvel an. Avec sa femme, il roulait et farcissait les traditionnels raviolis, s’arrêtant parfois pour siroter du thé vert et croquer des graines de tournesol avec les voisins en visite, quand soudain apparut une ligne blanche d’écume sous le rai de la porte, suivie par une marre d’eau fumante, qui monta de minute en minute. « De partout s’élevaient les cris des victimes du désastre » (āihóngbiàn, 哀鸿遍野). Tout Yushutun, village du Heilongjiang, était à l’eau ! Toute la nuit, tous durent s’activer à lessiver, mettre à l’abri leurs pauvres biens. Tous se mirent aussi à crier leur colère contre Qihua, l’usine chimique responsable de la catastrophe.

Depuis 20 ans, sur leurs terres, l’entreprise publique, l’« Usine Chimique de Qiqi’har » était spécialisée en bases industrielles telles que acide chlorhydrique, alcali, résines synthétiques et plus récemment en PVC, isolant électrique très en vogue en cette Chine en pleine expansion. En 2000, le Conseil de direction avait décidé d’en sextupler la production. Ne voyant en perspective que les futurs jobs à pourvoir, les villageois n’avaient pas protesté. Ce qu’ils ignoraient, était que la technologie fruste utilisée, rejetait dans la nature  10 tonnes d’eaux teintées d’acides et sels de mercure, pour 1 tonne de PVC produite. Ainsi, Qihua avait fait de 88 hectares de terre arable aux portes de Yushutun, qu’un cadre corrompu avait cédé pour une bouchée de pain, son champ d’épandage et bassin de décantation, sous les remugles fétides desquels la communauté avait dû vivre pendant 13 ans. Mais à présent, le filet de pollution venait de se muer en un tsunami de souillure jaillissant d’énormes tubes d’acier traité, soit 120.000 à 160.000 tonnes par an, sans renforcement du bassin ni précautions environnementales. Voilà pourquoi fumeroles et mousses acides débordaient dans les maisons et les lopins.

Le lendemain première heure, les familles s’ébranlèrent vers l’usine pour se plaindre à la direction – elles trouvèrent porte close. Elles tournèrent leurs pas vers le Maire et le Secrétaire du Parti, qui les reçurent. Mais ce fut pour leur signifier que Qihua était 100% dans son droit. Et puis au fond, elles devraient être heureuses qu’un si bel employeur enrichisse la région et fasse travailler leurs enfants… Indignés, elles mandèrent leurs délégués au bureau de l’Environnement, dont Wang Enlin.  Mais sourire en coin, le directeur les gratifia de la phrase assassine, « prouvez-moi que vous avez subi un dommage » ! Car c’était bien leur point faible : ces pauvres diables étaient à des années-lumière de savoir rédiger leur défense, avec des arguments techniques indéboulonnables, dans la langue et les formes recevables par les tribunaux. « Je savais qu’on était dans notre droit, se remémore  Wang, mais dans nos têtes, tout était flou, sur la loi et sur les effets précis de cette pollution sur nos champs, nos bêtes, notre santé ».

Quelques matins plus tard, enfonçant le couteau dans la plaie, la mairie, en collusion avec le pollueur, réveilla le village par cette nouvelle diffusée au réseau de haut-parleurs : « pour régulariser la situation », loin de mettre Qihua à l’arrêt, la mairie lui « prêtait » 28,5 hectares de terre communautaire pour 27 ans, et 86 hectares de terre arable et de prairies – l’usine à l’étroit, s’agrandissait.

Poussé par un sentiment d’indignation plus fort que tout, Wang Enlin prit alors les choses en main. Il réunit les autres chefs de famille, qui étaient restés figés dans la peur et l’indécision. Il les convainquit de se battre pour leurs droits. Avec la plume de l’instituteur, ils rédigèrent leurs doléances au Bureau des pétitions, à Pékin. Trois semaines plus tard, une réponse tomba, qui transmettait le dossier au Bureau de l’Environnement de Qiqi’har,  un niveau plus haut. L’instance réagit en un temps record. Trois jours plus tard, elle convoquait les plaignants pour leur signifier son verdict : oui, il y avait eu pollution, non, il n’y avait pas eu de dommages. Erga, vis-à-vis de Qihua, aucune mesure n’était nécessaire. Pire, le directeur prit à part Wang Enlin, l’homme qui lui avait été signalé comme l’auteur de la dissidence, et lui confia narquois : « vous pouvez vous plaindre jusqu’à Bouddha-même – mais à la fin, votre démarche aboutira toujours chez moi, et c’est toujours comme ça qu’elle va finir – tenez-vous le pour dit ! ». Sur ce, il prit sur son bureau la plainte du village et l’injonction du bureau pékinois, et les déchira en 1000 morceaux avant de les jeter à la poubelle – l’audience était terminée ! Ainsi, le cacique avait voulu désespérer les plaignants. Qihua était un poids lourd pesant 2 milliards de yuans, le plus gros contributeur aux impôts dans la région, avec plus de 120 millions de ¥ par an. Il était aussi filiale de ChemChina, n°2 chinois, 29ème mondial… Une telle baronnie rouge ne pouvait s’abaisser à barguigner avec une bande de cul-terreux !

Or, là, l’impensable eut lieu : Wang Enlin ne baissa pas les bras et décida de poursuivre la lutte, et d’en faire l’objectif de sa vie. A la librairie, il se mit à lire, l’un après l’autre, les traités de droit. Il y passa une ou deux heures par jour, des mois, puis des années durant – cela devint une obsession. Avec ses trois années d’école primaire, il n’y comprenait rien, mais au point où il en était, peu lui importait – c’était la longue marche glorieuse. Il investit dans un dictionnaire (ce fut le seul ouvrage qu’il acheta) pour décrypter les termes barbares qui émaillaient ces lois et commentaires. Le libraire sympathisait à sa cause, mais se plaignait de temps en temps : ce n’était pas une bibliothèque, ici ! Pour compenser, Wang Enlin lui apportait ce qu’il avait—un sac de maïs par-ci par là…

Pour connaître la suite des aventures de Wang Enlin, autodidacte juridique, nous vous invitons à lire l’épilogue la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 13 au 19 mars 2017
Semaine du 13 au 19 mars 2017

14-16 mars, Shanghai : ELECTRONICA China, en parallèle avec PCIM China, Salon international des composants électroniques, des technologies d’assemblage et de production, de la photonique

14-16 mars, Shanghai : LASER PHOTONICS China, Salon asiatique de la photonique

14-16 mars, Shanghai : SEMICON China, Salon de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs

15-17 mars, Shanghai : CHIC, Salon international de la mode, de l’habillement et des accessoires

15-17 mars, Shanghai : INTERTEXTILE, Salon professionnel international des tissus d’habillement et des accessoires

16-19 mars, Suzhou, Salon international de l’industrie de Suzhou

16-19 mars, Pékin : PET Supplies Exhibition : Salon international spécialisé de l’alimentation et des produits des animaux de compagnie

17-19 mars, Shanghai : ASIA GOLF Show/ PGA Merchandise Show Asia, Salon international de l’industrie du Golf en Chine et en Asie

18-20 mars, Pékin et Shanghai :  CHINA ATTRACTIONS Expo, Salon chinois des parcs d’attraction