Politique : Plenum de l’ANP – Silences et audaces

Etrange session 2017 des Deux Assemblées, où prudence et langue de bois sont de mise, en vue du crucial XIXème Congrès d’octobre. Une pression indicible s’exerce sur tous, parlementaires, hommes d’affaires et célébrités. Difficile alors d’émettre des idées spontanées : l’heure n’est pas à la confidence. Aussi, les trois les espoirs « de la 6ème génération », en lice pour la succession de Xi Jinping en 2022, Hu Chunhua (poulain de Hu Jintao), Sun Zhengcai (celui de Wen Jiabao), Chen Min’er (celui de Xi), restent muets comme des carpes à l’ANP – ce n’est pas le moment de compromettre leurs chances, par un mot imprudent !  

Cette année, la lutte contre la pauvreté conserve sa priorité – 10 millions de paysans doivent être tirés de leur misère vivant en-dessous du seuil de pauvreté annuel de 2300 ¥. Pour ce faire, 1700 experts sont envoyés dans les campagnes, pour vérifier le travail des fonctionnaires de la base.

Le monde de la santé marque un point sur le lobby du tabac, puissant au sein du Parti et du gouvernement : les cendriers ont été enlevés au Palais du Peuple et dans les chambres du très politique hôtel Jingxi, où est logée une partie des députés.

Les congés ont la cote : Lai Xiaomin, président de Huarong, firme publique de reprise des actifs faillis, propose de doubler à 15 jours les congés du Nouvel An chinois. 70% des Chinois sont du même avis, selon Xinhua.

Aux mandants du monde agricole, le vice-ministre Han Changfu évoqua la crise du maïs, en forte surproduction. Dès 2016, le Conseil d’Etat a invoqué ce surplus et ses coûts de stockage exorbitants,  pour éliminer le prix de soutien, incitant le paysan à passer à d’autres productions, ou bien à des types de maïs plus « bio ». Visant une stabilisation des stocks à 230 millions de tonnes, le ministère encourage la production d’isoglucose (sucrant de synthèse pour l’industrie pâtissière), d’éthanol, ou de film protecteur pour les serres. Certaines provinces subventionnent aussi la consommation du maïs chinois, compensant ainsi un prix supérieur à celui importé…

Le monde financier a débattu d’une directive de la CSRC, tutelle de la bourse : toute firme prête à « construire le Parti » en son sein, sera « invincible ». La clé du succès ne tiendrait donc plus au seul bon produit ou management, mais aussi à l’association aux décisions avec la cellule du Parti – curieuse théorie ! Pourtant, la consigne de la CSRC ne manque pas de sens, sous une autre perspective. Fin décembre, selon la Banque Centrale, l’encours bancaire national s’élevait à 26 000 milliards de ¥ (3700 milliards de $), 30% de plus que 12 mois auparavant, ce qui trahissait un emprunt hors-contrôle, des faillites en perspective, et une vague d’infractions aux consignes. Cette anarchie reflétait l’incohérence des quatre agences de contrôle financier (la Banque Centrale, les trois tutelles, bancaire, boursière et des assurances), chacune agissant en « franc-tireur » selon ses intérêts. Ceci laissant toute latitude aux consortia et provinces pour lever des fonds via leurs 17 000 véhicules financiers. Vu sous cet angle, le « conseil d’ami » de la CSRC signifie que ses contrôles seront sélectifs : pour les emprunts approuvés par la cellule, les sanctions en cas d’endettement seront moins lourdes.  

Côté législatif, une nouvelle loi du renseignement sécuritaire est annoncée par le Président de l’ANP Zhang Dejiang. Elle sortira cette année, et se rajoutera à quatre autres textes de loi directement liés au sujet de la sûreté du régime.

Beaucoup plus lourd, à l’initiative de Li Jianguo, vice-président de l’ANP, un préambule au Code civil doit être voté en clôture du Plenum, le 15 mars. La Chine n’a jamais pu se doter d’un tel texte, malgré quatre tentatives précédentes. Dans l’histoire seules la France (Napoléon) et l’Allemagne (Bismarck) ont pu adopter un tel texte. Il s’agit surtout d’un atelier juridique devant se traduire par le vote d’une série complète de lois sur les droits des citoyens, enfants ou vieillards abandonnés, bons samaritains, droits de propriété, droits des individus à leur santé, leur réputation, leur nom… C’est aussi un retournement de démarche puisque jusqu’alors, la loi a surtout défini les droits de l’Etat. Mais un tel code, pour avoir un sens, suppose aussi une liberté large pour les avocats, d’invoquer ces textes dans la défense de leurs clients. On en est encore loin. Une telle clé de voute d’une démocratie est-elle compatible avec la Chine actuelle ?

En marge de l’Assemblée, Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, évoquant la mer de Chine du Sud, annonce la conclusion d’un code de conduite avec l’ASEAN, sur cette mer de toutes les convoitises. Ce texte ambitieux inclurait un mécanisme contraignant de gestion des incidents en mer, une interdiction de militarisation des ilots occupés, et un soutien à la liberté de navigation. Reste à vérifier dans le texte, une fois publié, l’existence de ces beaux principes, et voir si tous les pays membres pourront y souscrire.

Enfin, au départ de Hainan, une 3ème ligne maritime de croisières à destination des îles Paracels, vient d’être lancée et une ligne aérienne attend son feu vert. Une telle initiative sera certaine de fâcher le Vietnam, qui fut délogé de cet archipel dans sa zone maritime exclusive, en 1987. C’est ainsi que Pékin prétend développer un « tourisme patriotique », réservé à  ses plus fidèles citoyens. Malgré le manque de distractions sur place, déjà 12 000 visiteurs avaient embarqué en 2016 !

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