![L’annonce surprise de la mise sous enquête du ministre de l’Agriculture](https://www.leventdelachine.com/wp-content/uploads/bfi_thumb/tang-renjian-scaled-qoee97conjrrpqm9asuy6c4pv8np68gxtaadwozppk.jpg?x58463)
Jamais deux sans trois. Après Qin Gang, ministre des Affaires étrangères, Li Shangfu, ministre de la Défense, voici le tour de Tang Renjian, ministre de l’Agriculture de tomber dans les griffes des inspecteurs de l’anti-corruption. Une annonce surprenante, d’autant que sa dernière apparition publique remontait à seulement trois jours avant l’annonce de sa mise sous enquête le 18 mai.
Tang occupait le poste de ministre depuis décembre 2020 et avait été maintenu dans ses fonctions lors de la session parlementaire de mars 2023, la première post-20ème Congrès du Parti.
Âgé de 61 ans et économiste de formation, Tang Renjian a passé la grande partie de sa carrière au sein du système des affaires agricoles, ce qui en fait un expert de ces questions. Au début des années 2000, l’homme, originaire du Chongqing, fera la connaissance de celui qui deviendra plus tard l’économiste-en-chef de Xi, Liu He. Les deux hommes travailleront ensemble jusqu’en avril 2014, date à laquelle Tang se fait parachuter au Guangxi pour sa première expérience de terrain. Ceci dit, après seulement 14 mois en poste, Tang est rappelé à Pékin par Liu He pour devenir directeur adjoint du Groupe central directeur du travail agricole (sous Wang Yang) et directeur adjoint de l’unité de travail du Groupe central directeur des affaires économiques et financières (sous Liu He). Neuf mois plus tard, Tang est parachuté une fois de plus sur la scène provinciale, au Gansu où il devient gouverneur. Enfin, en 2020, toujours sous l’impulsion de Liu He, Tang est nommé ministre de l’Agriculture et des affaires agricoles, en remplacement de Han Changfu. Il prendra également la tête de l’unité de travail du Groupe central directeur du travail agricole.
Quelles sont les raisons qui ont pu précipiter sa chute ? Il faut savoir qu’en sa qualité de ministre de l’Agriculture, Tang est devenu l’un des responsables de la lutte contre la pauvreté – cheval de bataille de Xi Jinping – et de la « revitalisation rurale ». Il s’est donc retrouvé dans une position où il avait accès à d’importantes ressources financières tout en étant sous étroite surveillance des associés de Xi Jinping. A savoir que sa mise sous enquête coïncide avec celle de plusieurs cadres de l’Agricultural Bank of China.
Cependant, l’accusation de corruption – même si elle fera sans doute partie des chefs d’accusation officiels – paraît insuffisante pour que Xi donne le feu vert pour arrêter un ministre en exercice – d’autant que c’est le 3ème en moins d’un an ! En effet, avant d’avaliser la mise sous enquête d’un ministre qu’il a lui-même approuvé en 2020, le leader chinois a dû longuement réfléchir aux implications qu’aurait une telle annonce et notamment sa capacité à (bien) s’entourer.
Il est probable que Tang, en tant qu’associé de Liu He (qui a pris sa retraite en 2022), ait fait les frais des luttes intra-Parti portant sur le contrôle de l’économie chinoise. En ce sens, il y a fort à parier que He Lifeng, remplaçant de Liu He, et également celui qui s’impose de plus en plus comme étant le nouveau tsar du secteur économique, ait voulu se débarrasser de Tang et ainsi s’affranchir un peu plus de l’influence de Liu He. Pour He, l’objectif est de pouvoir contrôler l’économie, mais aussi de pouvoir livrer à Xi la victoire qu’il désire depuis longtemps en matière de lutte contre la pauvreté.
En outre, il est possible que Tang ait joué le rôle de fusible, dans le sens où les récents développements dans le secteur agricole (le retour de l’extrême pauvreté dans certaines provinces, alors qu’elle avait soi-disant été éradiquée, ou encore le comportement douteux des officiers des brigades des « nongguan »), présentaient Xi sous un bien mauvais jour…
C’est donc probablement une combinaison de différents facteurs qui ont eu raison de Tang Renjian. Le futur ex-ministre se verra d’ailleurs probablement retirer son poste de membre du Comité Central durant le Troisième Plénum de juillet.
Sommaire N° 18 (2024)