Editorial : L’échec de « l’expérience » shanghaienne

L’échec de « l’expérience » shanghaienne

Hier encore considérée comme ville modèle en matière de lutte épidémique, Shanghai fait face à une recrudescence du virus inédite depuis son apparition à Wuhan fin 2019. En une seule journée, la mégalopole de 25 millions d’habitants a enregistré près de 25 000 cas de Covid-19 – un record. Au total, plus de 180 000 cas ont été détectés depuis le 1er mars, la plupart « asymptomatiques » et donc non recensés dans le décompte officiel.

Selon toute vraisemblance, les autorités locales ont tardé à réagir, inquiètes pour l’activité économique et surtout embarrassées d’avoir à déclarer de tels chiffres… Après avoir tenté une mise en quarantaine de certaines résidences seulement, elles ont vite été contraintes de décréter un confinement de la ville en deux temps (ouest, est), finalement prolongé pour une durée indéterminée avec multiples dépistages à la clé. Les résidents prédisent un retour à la normale au mois de mai.

La situation sanitaire a été jugée suffisamment préoccupante pour que Pékin dépêche sur place l’infatigable vice-première ministre Sun Chunlan, en charge de la coordination de la lutte contre l’épidémie depuis plus de deux ans. Cette intervention signifie que les autorités locales n’ont plus le dernier mot en la matière.

Shanghai ne s’est pas uniquement mis Pékin à dos. En tentant – sans succès – de trouver sa propre voie sanitaire, la ville s’est attirée les foudres des internautes nationalistes, l’accusant de faire preuve d’arrogance et de manquer de patriotisme. En comparaison, Shenzhen fait figure de bonne élève, ayant réussi à endiguer le virus rapidement en optant pour un confinement total de la ville pour une semaine.

A Shanghai, au contraire, le recours à la manière forte s’est retourné contre les autorités. De manière générale, l’opinion publique chinoise est globalement favorable à la stratégie « Covid dynamique », instiguée par le Président Xi Jinping en personne, qui en a fait l’une de ses principales réalisations politiques (au même titre que l’éradication de la grande pauvreté, de la campagne anti-corruption et dans une moindre mesure, de l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver 2022).

Cependant, les Shanghaiens se sont massivement indignés sur les réseaux sociaux des problèmes d’approvisionnement alimentaire, des difficultés d’accès aux soins pour les urgences non liées à la Covid-19, de la séparation d’enfants (en bas âge) testés positifs de leurs parents, de l’insalubrité des centres de confinement, qui rassemblent des dizaines de milliers de lits de camp dans des parcs d’exposition, voire de la mise à mort de leurs animaux de compagnie…

Aux yeux du leadership, c’est le second échec de Shanghai : n’avoir pas su contenir le mécontentement des habitants (parmi les plus riches et les mieux éduqués du pays) et injecter suffisamment « d’énergie positive » sur la toile.

Face à ce tollé, les autorités locales ont reconnu ne pas avoir pleinement saisi la nature extrêmement contagieuse d’Omicron et être insuffisamment préparées à une hausse significative des infections.

Cette gestion calamiteuse coûtera-t-elle à Li Qiang, secrétaire du Parti de Shanghai et ancien bras droit de Xi Jinping au Zhejiang (2004-2007), son siège au Comité Permanent, voire le poste de Premier ministre, en remplacement de Li Keqiang ? Difficile à dire à ce stade…

En tout cas, cet aveu de faiblesse pourrait servir de leçon aux autres grandes villes : disposer d’abondantes ressources médicales ne suffit pas pour faire face au virus.

Si Shanghai a raté son confinement, va-t-elle réussir son déconfinement ? Cela reste à voir. En effet, il est fortement probable qu’Omicron perce à nouveau les défenses chinoises, à Shanghai ou ailleurs. Les foyers seront plus importants ; les confinements toujours aussi stricts ; les perturbations économiques plus sévères ; et le mécontentement de la population plus prononcé.

Malgré tout, Pékin n’est pas près de renoncer à son approche sanitaire, persuadé qu’une réouverture prématurée conduirait à une crise encore plus grande.

Cela ne devrait pas empêcher les autorités de s’y préparer activement, en améliorant leur stratégie vaccinale par exemple.

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