Editorial : L’économie chinoise, victime collatérale de la stratégie « zéro Covid »

L’économie chinoise, victime collatérale de la stratégie « zéro Covid »

Rarement l’annonce du taux de croissance trimestriel du PIB chinois n’a été aussi attendue que celle du 18 avril. Il s’agit de l’évaluation préliminaire de l’impact du confinement des mégalopoles de Shanghai et de Shenzhen, principaux centres économiques et financiers du pays.

D’après le bureau national des statistiques, le PIB aurait progressé de 4,8% au 1er trimestre par rapport à un an plus tôt, dépassant ainsi les 4% du dernier trimestre 2021.

Ce résultat est imputable à un solide démarrage économique en début d’année avant d’enregistrer un recul de l’activité en mars, à cause des mesures sanitaires imposées un peu partout à travers le pays.

Selon les analystes de la banque Nomura, la Chine est confrontée à un risque croissant de récession au printemps, avec 45 villes en confinement total ou partiel, soit 40% du PIB chinois et plus d’un quart de la population (373 millions d’habitants).

D’ailleurs, presque tous les indicateurs économiques reflètent un environnement économique dégradé : les importations sont en recul, le rythme des exportations ralentit, la production industrielle se contracte, les perturbations logistiques s’aggravent, le prix des denrées agricoles augmente, la consommation est en berne, les ventes de logements neufs et de véhicules sont en baisse…

Ce sont tous ces signaux qui ont poussé le Premier ministre Li Keqiang à émettre pas moins de trois avertissements en une semaine. Le patron du Conseil d’Etat a exhorté les dirigeants provinciaux à mettre en place des mesures de soutien à la croissance « en fonction des conditions locales », mais aussi à ne pas ériger de barrages routiers de manière à maintenir la stabilité des chaînes d’approvisionnement.

Début avril, le Conseil d’Etat s’était engagé à réduire la durée de quarantaine centralisée de 14 à 10 jours pour les voyageurs internationaux dans huit villes pilotes, dont Shanghai. Une décision étonnante dans le contexte actuel, rapidement éclipsée par de nombreux commentaires publiés dans la presse officielle rappelant que la stratégie « zéro Covid » instituée par le Président Xi Jinping ne peut pas être remise en question. Cela a suffi à alimenter de nouvelles rumeurs de désaccord entre le n°1 et le n°2 du gouvernement (pour quelques mois encore) : le premier estime que la priorité est d’ordre sanitaire, le second, d’ordre économique.

Dans la foulée des déclarations de Li Keqiang, la Banque Centrale a abaissé le taux des réserves bancaires (15 avril) – la troisième fois depuis juillet 2021 – injectant ainsi 530 milliards de yuans de liquidités dans l’économie. Cette coupe, plus modeste que prévue, indique que la marge de manœuvre dont dispose la Banque Centrale s’amenuise. En sus, certains analystes mettent en doute son efficacité : le seul moyen de stimuler l’économie réelle serait de permettre aux entreprises de reprendre la production, d’accepter les commandes et de livrer leurs clients. Mais pour cela, il faudrait assouplir les restrictions sanitaires qui nuisent à la mobilité… 

Au plan fiscal, le gouvernement s’est également engagé à accélérer l’émission d’obligations locales spéciales pour financer des projets d’infrastructures, au risque que les fonds soient alloués à des projets redondants ou non-rentables.

Pékin a également promis des réductions d’impôts aux (petites) entreprises. Cependant, rien ne vient compenser la perte d’activité engendrée par les confinements. Or, sans rentrées d’argent, cette baisse d’impôts n’a que très peu d’effet… 

Il devient donc de plus en plus clair que le gouvernement sera amené à choisir entre son intransigeante stratégie sanitaire et son ambitieux objectif de croissance du PIB de 5,5% cette année. Or, Pékin ne semble disposé à abandonner ni l’un ni l’autre. Mais jusqu’où est-il prêt à aller ? Cédera-t-il aux sirènes d’un stimulus massif, à la mode de « 2008 » ? C’est la question qui est sur toutes les lèvres. En attendant, les économistes ne cessent de revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour la seconde économie mondiale en 2022.

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