Diplomatie : Mer de Chine du Sud – double rebondissement

Dans la dispute entre la Chine et les 10 pays de l’ASEAN (Association des pays du Sud-Est asiatique) pour le contrôle en mer de Chine du Sud, deux événements forts viennent d’émailler l’actualité. 

– L’un fut le sommet ASEAN-Etats-Unis (15-16 février) à Sunnylands (Californie), le premier sur sol américain, sans présence chinoise. Ce fut pour Barak Obamal’occasion de marteler l’héritage de son mandat : assurer le retour des USA dans la région après 20 ans de césure, et faire de l’Asie du Sud-Est un contrepoids « pivot » au géant chinois – avec l’aide de la Corée, du Japon et de l’Inde. A Sunnylands, l’absence chinoise encouragea visiblement une partie de ces pays à oser un peu plus d’audace, et d’union… 

Le premier jour fut dédié à la « coopération économique » : Obama promit d’installer des centres d’innovation et d’investissement à Singapour, Jakarta et Bangkok. Pour Ben Rhodes, conseiller à la Maison Blanche, il s’agit d’attirer dans la région, en alternative aux « routes de la soie » chinoises, des fonds et projets américains « de qualité », et d’émuler l’esprit d’entreprise. Il s’agit surtout d’attirer Thaïlande et Indonésie, aux économie montantes, vers le TPP, partenariat des pays riverains du Pacifique (40% du Produit Mondial Brut, avec 30.000 milliards de $ par an), tout en laissant pour l’instant la Chine à l’écart. 

Très attendu, le second jour fut celui de la « coopération politique ». Obama avait désamorcé d’avance tout risque de dérapage polémique en interdisant au Sénat US de rebaptiser à Washington le square devant l’ambassade chinoise « Place Liu Xiaobo », d’après le Prix Nobel de la paix en prison depuis 2008. Obama refusait ainsi toute provocation envers un pays avant tout partenaire. 

Mais après cette courtoisie, les 10 de l’ASEAN et les USA réaffirmèrent leur partenariat stratégique, et appelèrent au respect de la « souveraineté et de l’intégrité territoriale » de chacun. Toute dispute devrait se régler selon l’Etat de droit, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de 1982, ratifiée par la Chine. Et Obama de conclure, sans viser personne : « les Etats-Unis continueront à naviguer, survoler et opérer partout où le permet la loi internationale ». USA et ASEAN ne concéderont donc aucune reconnaissance à la tentative d’appropriation de la mer de Chine du Sud. Ce sont des paroles fortes, même si le Cambodge, allié fidèle de Pékin dans l’ASEAN, s’en distanciait en invitant la marine de l’APL dans ses eaux dès cette semaine, à des exercices conjoints.

– La Chine de son côté, réservait au monde une surprise. Dans l’archipel des Paracels, alors que les photos satellite (Imarsat) de l’île Yongxing (« Woody ») chinoise montraient le 3 février une plage vide, celles du 14 février dévoilaient deux batteries de 8 missiles sol-air HQ9 (clones du modèle russe S300) de 200 km de portée, et une série de radars !

Un peu floue dans ses réponses successives, la Chine ne confirme, ni ne nie avoir procédé à cette installation. En tout cas, elle refuse d’y voir une « militarisation » de cette île, qui romprait la promesse faite en janvier par le ministre Wang Yi au Secrétaire d’Etat John Kerry : ces outils serviraient exclusivement à la « défense », et seraient donc « non-militaires ». 

Sinon la raison, du moins la cause de cette apparition subite serait, fin janvier, la traversée des Paracels (seconde fois en 6 mois) par un croiseur de l’US Navy. A l’époque, Pékin avait avancé que l’incident ne resterait pas sans suites. 

Sous l’angle stratégique, Li Jie, membre d’un Centre de recherche de la marine chinoise, nous rapproche peut-être le plus de la réalité en prédisant que les forces chinoises installeront des missiles dans les Spratley, 1000 km plus au sud, « selon le degré de provocation des USA ou d’autres pays…et nos besoins ». Ce qui peut se traduire ainsi : la Chine fait un test d’acceptabilité par la communauté internationale, de l’armement – inéluctable dans son esprit – de ces îles. Selon la vivacité de la réaction, elle poursuivra, ou bien attendra. Installée sur ces îlots stratégiques qui contrôlent une route maritime mondiale et des ressources pétrolières importantes, sa position est pour l’instant imprenable—le droit viendra plus tard. 

Atout supplémentaire pour la Chine, les 10 de l’ASEAN n’ont pas pu s’entendre sur une réaction commune face à son expansion maritime, et le « code de conduite » dont ils discutent depuis 10 ans avec Pékin, reste introuvable – cette dernière refusant qu’y figure une quelconque provision d’arbitrage des conflits… 

Un dernier aspect de ce litige est en cours d’apparition : pour occupation de plusieurs îles et irrespect de leur zone économique exclusive, les Philippines ont porté plainte contre la Chine auprès de la Cour d’arbitrage internationale de la Haye.
Apparemment peu sûre de voir sa cause triompher, la Chine a fait savoir a priori qu’elle ignorerait le verdict. Mais les Etats-Unis et l’Union Européenne viennent de lui « conseiller » d’en tenir compte, sous peine d’isolement mondial croissant voire de rétorsions économiques « créatives ». 

Cependant, Manille tend la main : si la cour de la Haye lui donne raison, elle pourrait régler le contentieux avec la Chine en tête-à-tête, et non en multilatéral, comme se proposaient de le faire les autres requérants jusqu’alors. 

Or, un tel arrangement pourrait permettre à la Chine de négocier en position de force, et lui offrir cette chance, peut-être la plus importante pour elle : celle de sortir la tête haute de ce conflit avant de ne plus savoir le maitriser.

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