Industrie : L’aciérie (dé-)rouille

Le 15 février à Bruxelles, 5000 métallos de l’Union Européenne protestaient contre les importations chinoises d’acier. Second sidérurgiste après la Chine avec 177 millions de tonnes par an, l’UE perdrait 211.000 emplois sur ses 3,5 millions, craint la Commission. En 2015, la Chine exportait 112,4 millions de tonnes, soit +19,9%. 

Par suite, Bruxelles ordonnait trois « enquêtes préliminaires » anti-dumping contre différents produits chinois (tubes sans soudure), laminés lourds et à chaud. Le ministère du Commerce chinois déplorait alors 37 procédures européennes contre ses aciéries en 2015, et sa « tendance à privilégier le protectionnisme sur le dialogue ». En 2015 pourtant, pour la première fois en 30 ans, la production baisse (-2,3%) : janvier 2016 voyait une baisse à l’export, 9,74 millions de tonnes et un million de tonnes de moins en un mois…

Le problème n’est pas nouveau : en 2008, pour épargner à la Chine la crise mondiale qui déferlait, Wen Jiabao le Premier ministre, déversait 600 milliards de $ sur les usines publiques. Le résultat pour l’aciérie avait été une hausse de production de 42,7% en 5 ans. En 2015, la capacité atteignait 1,2 milliard de tonnes, la production 804.000 tonnes, mais la consommation seulement 664.000 tonnes – le programme d’équipement touche à sa fin. D’ici 2030, la CISA, l’association sidérurgiste prévoit la poursuite de l’érosion de la demande à 500.000 tonnes. Or face à cette situation déséquilibrée, l’actuel Premier ministre Li Keqiang ne peut espérer qu’une baisse de 150 millions de tonnes d’ici 2020, soit 13% – trop peu, puisqu’il restera une capacité de 1,05 milliards de tonnes face à une demande de 600.000 tonnes…

La nouveauté, c’est l’effondrement des prix. Un groupe comme Anyang (Henan) aux 30.000 métallos produisant 10 millions de tonnes par an, perd 100 yuans par tonne produite et sans doute 1,5 milliard de yuans l’an passé. Pour éviter les conflits sociaux, il a pu encore payer la prime aux salariés, cette année, sans doute la dernière… Plus de la moitié des fonderies chinoises sont dans « le rouge ». Depuis trois ans, les prix ne cessent de chuter : -6% en 2013, -16% en 2014, et -32% en 2015. 

A présent, les pays étrangers se ferment —l’Inde resserre ses frontières, et Mittal, n°1 mondial, accuse les Chinois de ses 8 milliards de $ de pertes. Et vu l’endettement des provinces, l’ère des subventions semble proche de donner son dernier coup de gong. Dès maintenant, en contre-point aux manifestations de Bruxelles, 2000 métallos cantonais, impayés, font grève.

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