Le Vent de la Chine Numéro 6 (2016)
Le 9 février, le ministère de l’Education ordonna aux écoles et aux universités de renforcer partout l’enseignement du patriotisme – même à l’étranger où 1,7 million sont aux études (dont 300.000 partis en 2015, +11%). La consigne complète celle de janvier 2015, où les écoles devaient renforcer l’enseignement marxiste et du socialisme aux couleurs de la Chine.
Pendant les congés du Nouvel An lunaire, un net renforcement de la censure sur internet eut lieu, bloquant les VPN. Selon la rumeur, les nouvelles entraves visaient moins les expatriés que l’opinion locale : la jeunesse urbaine, formée par 20 ans de jeu constant « au chat et à la souris », force l’Etat à un effort de contrôle toujours plus lourd pour étouffer la critique.
Xi Jinping fait passer sa consigne au sein du Parti, « unifier la pensée et l’action ». Cette campagne, d’une force inédite depuis des décennies, n’est pas acceptée de gaieté de cœur. Mais la vague d’arrestations pour « fautes disciplinaires graves », même parmi les tigres (hauts cadres) est là pour inspirer l’obéissance : déjà la moitié des dirigeants des provinces a signifié son adhésion à la campagne de fidélité à Xi. Le recadrage s’étend tous azimuts.
Dans l’ armée, un site web de délation est ouvert, pour enrayer la corruption, mais aussi pour ranimer l’esprit de discipline par la crainte. Les militaires se voient aussi recommander de ne pas commander leur taxi par application sur leur smartphone, afin d’éviter d’être localisable. La tutelle de l’ internet rappelle l’interdiction, dès le 10 mars, aux producteurs étrangers ou en JV de quelque contenu créatif que ce soit (jeux vidéos, animations, BD…), de publier directement sur internet, au nom du respect de la « gouvernance nationale ». De son côté, le procureur suprême prétend frapper plus dur la mafia, la corruption et les infractions à la sécurité du travail ( suite à la catastrophe industrielle à Tianjin en août 2015). On constate aussi le recul des prérogatives du Conseil d’Etat et des ministères (MAE, Finances, Agriculture…) au profit du cercle rapproché du Président.
Tout ceci sert de préparatifs aux Assemblées de l’ANP et de la CCPPC (3 et 5 mars) : un nouveau plan de relance devrait y être discuté sous la direction du Premier ministre Li Keqiang et surtout du Président Xi Jinping avec sa doctrine Xikonomics aux contours encore flous, mais présupposant l’adhésion totale des cadres politiques, financiers et industriels. Le durcissement prépare aussi le XIX Congrès d’octobre 2017, qui renouvellera 5 sièges sur 7 au Comité Permanent, et 11 sur 25 au Bureau Politique. Xi Jinping fait face à l’héritage de son prédécesseur Hu Jintao, qui a placé dans les rouages une majorité de ses fidèles, souvent issus de la Ligue de la jeunesse. Pas par hasard, on constate une attaque contre cette ligue, dite « tuanpai » (团派), ses ténors étant accusés d’« aristocratie » et d’arrivisme.
D’autres offensives vont contre la faction de Jiang Zemin dont l’ex-dauphin Zeng Qinghong est visé : cet ancien allié de Zhou Yongkang, l’ex-patron de toutes les polices, serait une clé de voûte de la résistance à Xi. Enfin, le recadrage en cours érode forcément la popularité du Président : en filigrane sur la toile, de nombreuses critiques marquent la fin de l’état de grâce. Mao Zedong, Deng Xiaoping tiraient leur légitimité du combat révolutionnaire. Jiang et Hu avaient été adoubés par Deng. Pour la première fois dans l’histoire du régime, Xi est seul aux commandes, sans légitimité inconstestée. Pour cela, il a été défié par des rivaux comme Bo Xilai ou Zhou Yongkang. Ceci explique son obligation de s’imposer toujours plus fort. Mais son action contre toute objection affaiblit le soutien à ses réformes.
Dans la dispute entre la Chine et les 10 pays de l’ASEAN (Association des pays du Sud-Est asiatique) pour le contrôle en mer de Chine du Sud, deux événements forts viennent d’émailler l’actualité.
– L’un fut le sommet ASEAN-Etats-Unis (15-16 février) à Sunnylands (Californie), le premier sur sol américain, sans présence chinoise. Ce fut pour Barak Obamal’occasion de marteler l’héritage de son mandat : assurer le retour des USA dans la région après 20 ans de césure, et faire de l’Asie du Sud-Est un contrepoids « pivot » au géant chinois – avec l’aide de la Corée, du Japon et de l’Inde. A Sunnylands, l’absence chinoise encouragea visiblement une partie de ces pays à oser un peu plus d’audace, et d’union…
Le premier jour fut dédié à la « coopération économique » : Obama promit d’installer des centres d’innovation et d’investissement à Singapour, Jakarta et Bangkok. Pour Ben Rhodes, conseiller à la Maison Blanche, il s’agit d’attirer dans la région, en alternative aux « routes de la soie » chinoises, des fonds et projets américains « de qualité », et d’émuler l’esprit d’entreprise. Il s’agit surtout d’attirer Thaïlande et Indonésie, aux économie montantes, vers le TPP, partenariat des pays riverains du Pacifique (40% du Produit Mondial Brut, avec 30.000 milliards de $ par an), tout en laissant pour l’instant la Chine à l’écart.
Très attendu, le second jour fut celui de la « coopération politique ». Obama avait désamorcé d’avance tout risque de dérapage polémique en interdisant au Sénat US de rebaptiser à Washington le square devant l’ambassade chinoise « Place Liu Xiaobo », d’après le Prix Nobel de la paix en prison depuis 2008. Obama refusait ainsi toute provocation envers un pays avant tout partenaire.
Mais après cette courtoisie, les 10 de l’ASEAN et les USA réaffirmèrent leur partenariat stratégique, et appelèrent au respect de la « souveraineté et de l’intégrité territoriale » de chacun. Toute dispute devrait se régler selon l’Etat de droit, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de 1982, ratifiée par la Chine. Et Obama de conclure, sans viser personne : « les Etats-Unis continueront à naviguer, survoler et opérer partout où le permet la loi internationale ». USA et ASEAN ne concéderont donc aucune reconnaissance à la tentative d’appropriation de la mer de Chine du Sud. Ce sont des paroles fortes, même si le Cambodge, allié fidèle de Pékin dans l’ASEAN, s’en distanciait en invitant la marine de l’APL dans ses eaux dès cette semaine, à des exercices conjoints.
– La Chine de son côté, réservait au monde une surprise. Dans l’archipel des Paracels, alors que les photos satellite (Imarsat) de l’île Yongxing (« Woody ») chinoise montraient le 3 février une plage vide, celles du 14 février dévoilaient deux batteries de 8 missiles sol-air HQ9 (clones du modèle russe S300) de 200 km de portée, et une série de radars !
Un peu floue dans ses réponses successives, la Chine ne confirme, ni ne nie avoir procédé à cette installation. En tout cas, elle refuse d’y voir une « militarisation » de cette île, qui romprait la promesse faite en janvier par le ministre Wang Yi au Secrétaire d’Etat John Kerry : ces outils serviraient exclusivement à la « défense », et seraient donc « non-militaires ».
Sinon la raison, du moins la cause de cette apparition subite serait, fin janvier, la traversée des Paracels (seconde fois en 6 mois) par un croiseur de l’US Navy. A l’époque, Pékin avait avancé que l’incident ne resterait pas sans suites.
Sous l’angle stratégique, Li Jie, membre d’un Centre de recherche de la marine chinoise, nous rapproche peut-être le plus de la réalité en prédisant que les forces chinoises installeront des missiles dans les Spratley, 1000 km plus au sud, « selon le degré de provocation des USA ou d’autres pays…et nos besoins ». Ce qui peut se traduire ainsi : la Chine fait un test d’acceptabilité par la communauté internationale, de l’armement – inéluctable dans son esprit – de ces îles. Selon la vivacité de la réaction, elle poursuivra, ou bien attendra. Installée sur ces îlots stratégiques qui contrôlent une route maritime mondiale et des ressources pétrolières importantes, sa position est pour l’instant imprenable—le droit viendra plus tard.
Atout supplémentaire pour la Chine, les 10 de l’ASEAN n’ont pas pu s’entendre sur une réaction commune face à son expansion maritime, et le « code de conduite » dont ils discutent depuis 10 ans avec Pékin, reste introuvable – cette dernière refusant qu’y figure une quelconque provision d’arbitrage des conflits…
Un dernier aspect de ce litige est en cours d’apparition : pour occupation de plusieurs îles et irrespect de leur zone économique exclusive, les Philippines ont porté plainte contre la Chine auprès de la Cour d’arbitrage internationale de la Haye.
Apparemment peu sûre de voir sa cause triompher, la Chine a fait savoir a priori qu’elle ignorerait le verdict. Mais les Etats-Unis et l’Union Européenne viennent de lui « conseiller » d’en tenir compte, sous peine d’isolement mondial croissant voire de rétorsions économiques « créatives ».
Cependant, Manille tend la main : si la cour de la Haye lui donne raison, elle pourrait régler le contentieux avec la Chine en tête-à-tête, et non en multilatéral, comme se proposaient de le faire les autres requérants jusqu’alors.
Or, un tel arrangement pourrait permettre à la Chine de négocier en position de force, et lui offrir cette chance, peut-être la plus importante pour elle : celle de sortir la tête haute de ce conflit avant de ne plus savoir le maitriser.
On a vu la semaine passée comment la Chine, prenant le monde par surprise, fit racheter par son groupe « privé » ChemChina (n°6 mondial de l’agrochimie), son homologue helvétique Syngenta (n°2). L’acquisition s’insère dans un plan à long terme pour consolider la capacité chinoise à se nourrir, en volume et en qualité. On y voit 4 aspects, tous annonciateurs d’une nouvelle donne :
1° Réforme politique : Ce rachat a été imposé par l’entourage de Xi Jinping. Constatant l’incapacité du pays à créer une filière fiable et légale d’OGM, ce milieu a retiré le dossier au ministère de l’Agriculture, pour le confier à Syngenta, devenu filiale de ChemChina. Ce choix peut être lu comme un avertissement aux ministères, de s’arracher à l’immobilisme et à satisfaire les intérêts de la nation plutôt que leurs privilèges corporatistes. C’est apparemment un premier fruit des Commissions Centrales « Sécurité publique » et « Approfondissement de la réforme » , créées par Xi Jinping dès son arrivée aux affaires…
2° Agriculture conventionnelle : Avec Syngenta, la Chine a pris le n°1 mondial de l’agrochimie « blanche », des biofertilisants et micro-organismes de biocontrôle. Syngenta est aussi le troisième semencier pour grandes cultures (céréales, coton) et cultures potagères. Le marché chinois fait déjà 10,4 milliards de $, mais il va exploser à l’avenir, sous la conjonction des technologies nouvelles (y compris celles d’une agriculture épargnant l’eau), de la réforme foncière (portant les fermes familiales de 0,64 hectares aujourd’hui à 5 ha en 2030), par remembrement des terres laissées par les migrants. Le document Central n°1 sur l’agriculture, qui vient de sortir, prétend « accélérer la réforme de l’offre ». Il s’agit de déréguler l’organisation socialiste de stockage –laisser faire le marché, accélérer la transformation et ramener les coûts de production vers les cours mondiaux (1/3 plus bas, pour les céréales). Le pouvoir met toute priorité dans cette modernisation : de 2008 à 2014, selon l’OCDE, le soutien aux 200 millions d’exploitations chinoises est passé de 39 à 327 milliards de $ – presque le décuple !
3° Introduction des OGM : Réitéré en 2014 par Xi Jinping, l’objectif national est d’« audacieusement maîtriser les techniques OGM », à commencer par licencier des souches à la culture et à la consommation. Avec l’acquisition de Syngenta, trois raisons de reporter la mise en vente de produits OMG disparaissent : le risque de procès en piratage par Monsanto, celui de faute de manipulation dans les souches génétiquement modifiées par les universités locales, et celui de rejet par l’opinion, influencée par la mauvaise image des OGM en Europe.
4° La Chine, puissance d’agrobusiness internationale : La frénésie d’achats chinois dans l’agro-alimentaire planétaire ne s’arrête pas là. COFCO rachète 51% des groupes internationaux Nidera (Pays-Bas) et Noble Agri (Hong Kong), qui étendent sur les cinq continents leurs filiales de stockage et de transformation. COFCO a aussi racheté Longping Hightech, le roi du riz hybride. D’autres groupes tels Tunyu Seeds, Dehai, Bright et Sinochem se profilent aussi sur ces marchés.
Pékin compte sur toutes ces entreprises pour concurrencer les quatre groupes américains et européens dont Cargill et Dreyfus, notamment via les « routes de la soie » (selon le principe « une ceinture, une route ») qui se mettent en place – cette semaine, la première liaison ferroviaire vers l’Iran était ouverte. Sous l’angle de l’agrobusiness, la Chine s’apprête à devenir un acteur majeur, acheteur, transformateur entre Iran, Asie Centrale, Amérique Latine, Afrique, Union Européenne, partout où se produiront les aliments de demain !
Restent dans cette perspective, des inconnues essentielles :
– Comment réagiront les Etats-Unis et Monsanto à cette remise en cause de leur hégémonie agro-alimentaire ? Si la Chine octroie le monopole de son marché à Syngenta, ce dernier perdra probablement celui des Etats-Unis, soit 25% de son chiffre d’affaires en OGM. Mais le gain compensera probablement la perte…
– ChemChina dispose-t-il des experts (financiers, agronomes, experts « interculturels ») pour gérer Syngenta ? Pour dialoguer avec cette entreprise aux traditions différentes, concilier sa liberté de création et sa perception des besoins de la Chine et de ses clients du tiers monde ? C’est toute une culture d’entreprise qui est à réinventer.
– Demain, que rachètera la Chine à l’étranger pour consolider son agriculture, ses approvisionnements en céréales et oléoprotéagineux et se doter d’une industrie agroalimentaire moderne ? De nouveaux fournisseurs tel le Kazakhstan sont déjà aux portes, prêts à relayer les USA…
– A l’horizon 2030, l’agroalimentaire chinois revivifié sera-t-il un danger pour les agricultures matures ? Vu la résilience de son monde rural et son soutien étatique, la réponse, dès maintenant, est probablement positive !
Les réponses à ces questions conditionneront la recomposition d’une agriculture mondiale qui, pour nourrir deux milliards d’humains en plus, d’ici 2050, devra avoir (selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) gagné 60% en productivité—malgré l
Le 15 février à Bruxelles, 5000 métallos de l’Union Européenne protestaient contre les importations chinoises d’acier. Second sidérurgiste après la Chine avec 177 millions de tonnes par an, l’UE perdrait 211.000 emplois sur ses 3,5 millions, craint la Commission. En 2015, la Chine exportait 112,4 millions de tonnes, soit +19,9%.
Par suite, Bruxelles ordonnait trois « enquêtes préliminaires » anti-dumping contre différents produits chinois (tubes sans soudure), laminés lourds et à chaud. Le ministère du Commerce chinois déplorait alors 37 procédures européennes contre ses aciéries en 2015, et sa « tendance à privilégier le protectionnisme sur le dialogue ». En 2015 pourtant, pour la première fois en 30 ans, la production baisse (-2,3%) : janvier 2016 voyait une baisse à l’export, 9,74 millions de tonnes et un million de tonnes de moins en un mois…
Le problème n’est pas nouveau : en 2008, pour épargner à la Chine la crise mondiale qui déferlait, Wen Jiabao le Premier ministre, déversait 600 milliards de $ sur les usines publiques. Le résultat pour l’aciérie avait été une hausse de production de 42,7% en 5 ans. En 2015, la capacité atteignait 1,2 milliard de tonnes, la production 804.000 tonnes, mais la consommation seulement 664.000 tonnes – le programme d’équipement touche à sa fin. D’ici 2030, la CISA, l’association sidérurgiste prévoit la poursuite de l’érosion de la demande à 500.000 tonnes. Or face à cette situation déséquilibrée, l’actuel Premier ministre Li Keqiang ne peut espérer qu’une baisse de 150 millions de tonnes d’ici 2020, soit 13% – trop peu, puisqu’il restera une capacité de 1,05 milliards de tonnes face à une demande de 600.000 tonnes…
La nouveauté, c’est l’effondrement des prix. Un groupe comme Anyang (Henan) aux 30.000 métallos produisant 10 millions de tonnes par an, perd 100 yuans par tonne produite et sans doute 1,5 milliard de yuans l’an passé. Pour éviter les conflits sociaux, il a pu encore payer la prime aux salariés, cette année, sans doute la dernière… Plus de la moitié des fonderies chinoises sont dans « le rouge ». Depuis trois ans, les prix ne cessent de chuter : -6% en 2013, -16% en 2014, et -32% en 2015.
A présent, les pays étrangers se ferment —l’Inde resserre ses frontières, et Mittal, n°1 mondial, accuse les Chinois de ses 8 milliards de $ de pertes. Et vu l’endettement des provinces, l’ère des subventions semble proche de donner son dernier coup de gong. Dès maintenant, en contre-point aux manifestations de Bruxelles, 2000 métallos cantonais, impayés, font grève.
Derniers avatars de la campagne anti-corruption, des normes sur la taille correcte des noces et des funérailles fleurissent partout en Chine.
En tradition confucéenne, célébrer solennellement ces dates familiales est une façon d’honorer les ancêtres. Mais cette occasion permet trop souvent au cadre local d’imposer à ses centaines d’invités une contribution mal vécue. Ainsi en décembre à Pékin, Wang Cizhao, président du Conservatoire Central de musique, fut limogé pour avoir imposé à un centre artistique filiale, une ristourne imposante pour le mariage de sa fille.
Le 17 février, sur son site internet, la Commission de Discipline du Parti (CCID) appelle à normaliser à ces fêtes de famille. Son appel tente d’harmoniser les règles car, d’une province à l’autre, en parfaite cacophonie, chacune fixe ses propres plafonds.
A Jinyang au Sichuan, pour tout résident, membre du Parti ou non, la somme des cadeaux de mariage ne doit pas dépasser 60.000 ¥. Un seul banquet est licite, et ne doit pas dépasser 69 tables – ce qui permet quand même, mine de rien, d’inviter 800 personnes. La colonne de véhicules fleuris doit se limiter à 6 limousines. Pour les rites funéraires, pas plus de 10 vaches peuvent être abattues – tandis que confettis ou « monnaies de l’enfer » (billets à brûler au cimetière) sont bannis, symbole d’un ancien régime superstitieux et révolu.
À Harbin cependant, les invités aux noces ne peuvent dépasser 200, et ceux aux funérailles, la moitié.
Dans un village du Shaanxi, en novembre, le secrétaire du Parti, voulant marier son fils, se vit refuser le nombre d’invités qu’il souhaitait – il avait beaucoup d’amis. Il finit par obtenir sa fête mémorable, mais à un prix exorbitant : il dut démissionner; sonnant ainsi le glas de sa carrière politique au nom de l’honneur familial !
Dans son article, la Commission de Discipline tente laborieusement de réconcilier tradition et équité : les futures normes des noces et funérailles ne doivent pas nuire à l’« intérêt national, local, ou des particuliers ». Par leur importance, ces fêtes ne doivent entraver ni « la production, ni l’éducation, la recherche ou la circulation ».
Hélas, en dépit de ces précautions, cette campagne est vécue comme intrusion dans les vies privées. Un internaute va jusqu’à même soupçonner qu’elle permettra aux cadres indélicats d’imposer aux administrés d’offrir des cadeaux, sans être invités au banquet en contrepartie…
C’est ainsi que cette tentative du gouvernement, de protection des citoyens contre la rapacité du hobereau rouge, finit par aboutir à une levée de boucliers des personnes concernées. Cette réaction trahit la lassitude face à la pression autoritaire toujours plus forte. Elle ajoute aussi une preuve, si besoin était, que l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions !
En 1969, à Wu’an (Hebei), Li Lijuan naquit dans l’aisance, avec un père Secrétaire du Parti de la mine de fer municipale. Le jour de 1980 où Deng Xiaoping voulut privatiser des milliers de PME, unités de travail peu rentables, son père était au premier rang pour empocher l’affaire contre 1¥ symbolique.
Dès lors ce qui partout en Chine avait été mal géré sous le socialisme, se mua comme par miracle en « mine d’or » sous régime ultralibéral. En 1984, à 15 ans, Lijuan, fille unique, était l’héritière de 4 millions de ¥, une forte somme pour l’époque. La famille s’était ensuite diversifiée dans le textile, créant une usine de 300 cousettes qui produisait 30.000 t-shirts et pantalons par mois, destinés à l’export. La vie était belle.
Quand on est née millionnaire, en Chine comme ailleurs, on estime instinctivement mériter ce bonheur. Seule une minorité va s’interroger, s’estimer co-responsable du sort de l’humanité, du fait de cette fortune. Cela peut arriver sous le coup d’un drame personnel, qui traverse le (ou la) millionnaire comme un coup de gong, en forme de rappel de soi.
Chez Lijuan, ce coup dur se produisit à 21 ans, en 1990, quand ses parents, croyant bien faire, la marièrent contre son gré à un autre jeune né la baguette en argent dans la bouche. Vite cependant, ce mari gâté devait s’avérer violent, joueur et alcoolique. Même la naissance en 1991 d’un fils, Xiaowen, n’arracha pas le vaurien à ses démons. Il battait sa femme pour en tirer de quoi payer ses verres. Il rentrait tard ivre, imprégné de parfums à cent sous. Il se vautrait près d’elle, et la refrappait si elle s’avisait de protester. Reconnaissant leur erreur, les parents de Lijuan l’aidèrent en 1992 à négocier son divorce, mais celui-ci fut obtenu sous des conditions draconiennes : en tradition chinoise, Xiaowen devait rester avec le clan du mari.
Éprouvée mais combative, la mère appela dès lors chaque jour son petit garçon, pour garder le lien. Un après-midi de 1993, elle tomba au bout du fil sur son mari déjà à demi-saoul : d’un ton goguenard, il lui confia qu’il venait de vendre le petit à des passeurs, qui s’apprêtaient à l’emmener au bout du pays ! Vite, empoignant par liasses toute son épargne, elle fonça à la gare routière et racheta leur fils – une fortune. Agrippant convulsivement son garçonnet sauvé des eaux, tremblante, elle prenait conscience de sa chance dans l’épreuve, et de l’inanité d’une vie sans amour. Ce fut la première étape de son parcours initiatique de type bouddhiste.
Deux ans passèrent. Un jour de 1995, alors qu’elle déambulait dans une artère de Wu’An, elle fut attirée par un attroupement autour d’une fillette en robette sale et déchirée. Un bonimenteur au rictus de travers la tenait en laisse, à quatre pattes, et la menaçait pour la forcer à aboyer. Ni une ni deux, Lijuan s’interposa : en dialecte grossier, le métèque lui expliqua qu’ainsi, il obtenait plus d’aumônes, pour cette orpheline qu’il avait rachetée à sa mère, à la mort de son mari. « Faut ben vivre, ma p’tite dame » !
Sur ce, Lijuan négocia, et pour une bonne somme, repartit avec la petite qui se pendait à son cou. Au moins à présent, Li voyait avec clarté sa destinée, et le chemin de son héritage : il irait aux enfants déshérités. Elle avait en tête l’éblouissant modèle de son grand-père Li Zirong, médecin réputé qui soignait et nourrissait ses patients bénévolement !
Dès lors, les choses allèrent vite. Dans sa villa, elle rassembla par douzaines les enfants dont nul ne voulait, garçons aux handicaps divers, filles, à qui l’on reprochait leur sexe. Rapidement, presque chaque semaine, elle découvrait à l’aube devant sa porte un bébé au bec de lièvre vagissant, ou aux yeux mal formés.
Ainsi va la roue de la fortune : comme irritée de voir la richesse assister la misère, la chance capricieuse commença à tourner. Rattrapée par la ville, la mine fut fermée en 2008, privant la famille de sa grande ressource. Longtemps négligée par Lijuan (qui était en permanence surmenée, dépassée par ses orphelins, leurs opérations chirurgicales, leur école), l’usine avait depuis belle lurette fait le deuil de ses marchés à l’export. Lijuan dut tout vendre pour une bouchée de pain et se replier avec sa troupe sur Shangquan (Hebei). Il lui restait un peu de terre pour produire des légumes et élever des poules, et un modeste magasin de chaussures. Avec cela, comment payer les charges, les salaires des 20 infirmières et éducatrices, les besoins de ses 75 protégés ?
Le comble du guignon se présenta en 2011 : les médecins lui détectèrent un début de lymphome et l’internèrent. Mais le coût des soins était si élevé, et ses moyens si bas qu’après 7 jours, elle préféra sortir pour mettre toute la gomme sur tout ce qui comptait, les petits. En 2014 encore, Xiao-wen, son fils biologique fut opéré d’une rupture de la colonne vertébrale. Il en sortit diminué, irascible – et brouillé avec sa mère, jusqu’à ce jour.
Enfin, dépensant en permanence plus qu’elle ne gagnait, elle avait accumulé en juin 2015, deux millions de ¥ de dettes.
Ouh là là, que de misères pour une mère divorcée, seule face à son destin ! Etait-ce pour elle la fin qui approchait, le « dernier rayon du soleil couchant » (回光返照, huí guāng fǎnzhào) ?
On verra la semaine prochaine la suite de l’histoire !
29 février –3 mars, Canton : Prolight+Sound, Soundlight Guangzhou, Salon international des technologies du son et des éclairages
1-3 mars, Shanghai : PCHI, Salon des soins personnels et des cosmétiques
1-3 mars, Shanghai : SPINEXPO, Salon des fibre, fils, tricots & tissus tricotés
2-4 mars, Canton : PACKINNO, Salon international de l’emballage et du packaging
2-4 mars, Canton : Printing South China, Salon international des industries d’imprimerie
2-4 mars, Canton : SINO PRINT, SINO LABEL, SINO PACK, Salons internationaux de l’imprimerie, des machines et matériaux pour l’emballage
2-4 mars, Jinan : Jinan International Industrial Automation, Salon international des technologies d’automation industrielle et de contrôle
2-5 mars, Canton : Dental South China, Salon et Conférence sur les équipements et technologies dentaires
2-5 mars, Canton : Music Guangzhou, Salon international des instruments de musique
Pendant les congés du Nouvel An chinois (7 au 12 février), 32,1 milliards d’enveloppes rouges (« hongbao ») virtuelles furent échangées via WeChat (groupe Tencent), 10 fois plus que l’an passé. Rien qu’au seul 7 février, veille du Nouvel An chinois, 8,08 milliards d’enveloppes rouges virtuelles (« hongbao ») furent envoyées, 8 fois plus que l’an passé. Pas mal pour une technologie qui n’a que deux ans !
Son grand rival, Alipay, du groupe Alibaba, qui était partenaire du gala de la CCTV cette année, reporta 800 millions de hongbao virtuels envoyés via sa plateforme durant le show.
10 729, c’est le nombre d’étudiants français en Chine en 2014, premier pays européen devant l’Allemagne (8 193 étudiants) et le Royaume-Uni (5 920).
La France se classe ainsi 10ème, précédée par le Kazakhstan (9ème avec 11 764 étudiants) et suivie du Vietnam (11ème avec 10 658). C’est la Corée du Sud qui envoyait le plus de jeunes étudier en Chine (62 923), les Etats-Unis se classant n°2 (24 203), la Thaïlande n°3 (21 296), et la Russie 4ème (17 202)…pour un total de 377 054 étudiants étrangers en Chine. L’Empire du Milieu en vise 500 000 d’ici 2020.
En 2015, les Chinois ont acheté à l’étranger presque la moitié des produits de luxe mondiaux (vêtements, bijoux, maroquinerie, cosmétiques, et smartphones inclus), ce qui représente un total de 116,8 milliards de $, soit 46% (source : Fortune Character Group, basé à Pékin).
Hong Kong a moins la cote que l’an dernier auprès des touristes chinois, qui furent 11,65% de moins à choisir l’île comme destination de vacances pendant le Nouvel An chinois. Même tendance du côté des groupes touristiques, qui furent 70% de moins !
Cette baisse est attribuée à la dégradation des relations sino-hongkongaises, mais aussi à la concurrence accrue d’autres destinations qui ont assoupli leurs conditions de visa.