Editorial : Recadrage pour tous

Le 9 février, le ministère de l’Education ordonna aux écoles et aux universités de renforcer partout l’enseignement du patriotisme – même à l’étranger où 1,7 million sont aux études (dont 300.000 partis en 2015, +11%). La consigne complète celle de janvier 2015, où les écoles devaient renforcer l’enseignement marxiste et du socialisme aux couleurs de la Chine.  

Pendant les congés du Nouvel An lunaire, un net renforcement de la censure sur internet eut lieu, bloquant les VPN. Selon la rumeur, les nouvelles entraves visaient moins les expatriés que l’opinion locale : la jeunesse urbaine, formée par 20 ans de jeu constant « au chat et à la souris », force l’Etat à un effort de contrôle toujours plus lourd pour étouffer la critique. 

Xi Jinping fait passer sa consigne au sein du Parti, « unifier la pensée et l’action ». Cette campagne, d’une force inédite depuis des décennies, n’est pas acceptée de gaieté de cœur. Mais la vague d’arrestations pour « fautes disciplinaires graves », même parmi les tigres (hauts cadres) est là pour inspirer l’obéissance : déjà la moitié des dirigeants des provinces a signifié son adhésion à la campagne de fidélité à Xi. Le recadrage s’étend tous azimuts. 

Dans l’ armée, un site web de délation est ouvert, pour enrayer la corruption, mais aussi pour ranimer l’esprit de discipline par la crainte. Les militaires se voient aussi recommander de ne pas commander leur taxi par application sur leur smartphone, afin d’éviter d’être localisable. La tutelle de l’ internet rappelle l’interdiction, dès le 10 mars, aux producteurs étrangers ou en JV de quelque contenu créatif que ce soit (jeux vidéos, animations, BD…), de publier directement sur internet, au nom du respect de la « gouvernance nationale ». De son côté, le procureur suprême prétend frapper plus dur la mafia, la corruption et les infractions à la sécurité du travail ( suite à la catastrophe industrielle à Tianjin en août 2015). On constate aussi le recul des prérogatives du Conseil d’Etat et des ministères (MAE, Finances, Agriculture…) au profit du cercle rapproché du Président. 

Tout ceci sert de préparatifs aux Assemblées de l’ANP et de la CCPPC (3 et 5 mars) : un nouveau plan de relance devrait y être discuté sous la direction du Premier ministre Li Keqiang et surtout du Président Xi Jinping avec sa doctrine Xikonomics aux contours encore flous, mais présupposant l’adhésion totale des cadres politiques, financiers et industriels. Le durcissement prépare aussi le XIX Congrès d’octobre 2017, qui renouvellera 5 sièges sur 7 au Comité Permanent, et 11 sur 25 au Bureau Politique. Xi Jinping fait face à l’héritage de son prédécesseur Hu Jintao, qui a placé dans les rouages une majorité de ses fidèles, souvent issus de la Ligue de la jeunesse. Pas par hasard, on constate une attaque contre cette ligue, dite « tuanpai » (团派), ses ténors étant accusés d’« aristocratie » et d’arrivisme. 

D’autres offensives vont contre la faction de Jiang Zemin dont l’ex-dauphin Zeng Qinghong est visé : cet ancien allié de Zhou Yongkang, l’ex-patron de toutes les polices, serait une clé de voûte de la résistance à Xi. Enfin, le recadrage en cours érode forcément la popularité du Président : en filigrane sur la toile, de nombreuses critiques marquent la fin de l’état de grâce. Mao Zedong, Deng Xiaoping tiraient leur légitimité du combat révolutionnaire. Jiang et Hu avaient été adoubés par Deng. Pour la première fois dans l’histoire du régime, Xi est seul aux commandes, sans légitimité inconstestée. Pour cela, il a été défié par des rivaux comme Bo Xilai ou Zhou Yongkang. Ceci explique son obligation de s’imposer toujours plus fort. Mais son action contre toute objection affaiblit le soutien à ses réformes.

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