Aviation : Atterrissage d’urgence pour HNA ?

Il y a quelques semaines, Chen Feng, le président de HNA, était encore persuadé de pouvoir gagner la guerre des liquidités : « 2020 sera une année cruciale » déclarait-il dans ses vœux pour la nouvelle année. Pourtant, le conglomérat originaire de l’île de Hainan va probablement succomber à l’épidémie du COVID-19. En janvier, le fleuron du groupe, la compagnie aérienne Hainan Airlines embarquait seulement 4,6 millions de passagers (35% de moins qu’en 2019). Le mois de février devrait être plus dur encore…

Selon le cabinet OAG Aviation Worlwide, les compagnies étrangères ont supprimé 1,7 million de sièges vers la Chine (soit 80% de leurs vols), tandis que celles chinoises en ont annulé 10,4 millions sur les vols domestiques. A cause de l’épidémie, l’association du transport aérien international (IATA) estimait le manque à gagner à 27.8 milliards de $ sur toute la région Asie-Pacifique, dont 12,8 milliards de $ pour le seul marché chinois. Si la situation perdure, 2020 serait la première année depuis la crise financière de 2008-2009 à subir une baisse de nombre de réservations aériennes dans le monde.

Avant l’épidémie, HNA présentait déjà des symptômes inquiétants. En 2016-2017, le groupe fut pris d’une fièvre acheteuse pour 45 milliards de $ (Hilton, Deutsche Bank, ou encore Aigle Azur, Aéroport de Toulouse, Pierre & Vacances). Suite à quoi, le gouvernement chinois lui administrait un traitement de cheval pour éponger ses dettes monumentales. HNA était donc contraint de se séparer d’une longue liste d’actifs, pour se reconcentrer sur son cœur de métier historique : le transport aérien. Mais en se délestant de ces actifs, HNA réduisait aussi ses liquidités : dès 2018, Hainan Airlines avait du mal à payer le kérosène de ses avions et ses taxes aéroportuaires. Plusieurs livraisons d’Airbus restaient d’ailleurs en souffrance… Cet été là, la chute mortelle en Provence du cofondateur de HNA Wang Jian, mettait en lumière le fonctionnement opaque du groupe… Début 2019, les deux crashs successifs de nouveau modèle Boeing 737 MAX, forçaient Hainan Airlines à clouer au sol ses 11 appareils de ce type – pour son malheur HNA en détenait la 3ème  flotte du pays.  Au 30 juin 2019, sa dette totale était encore de 706.7 milliards de yuans (100.5 milliards de $). Face à des problèmes de liquidités de plus en plus pressants, le groupe cherchait à se séparer de la société de leasing irlandaise Avolon (8,5 milliards de $) ainsi que du groupe suisse de maintenance aéronautique SR Technics (entre 700 millions et 1 milliard de $). En parallèle, afin d’homogénéiser sa flotte d’appareils, Hainan Airlines passait commande le 23 décembre de 40 A330 neo pour une valeur catalogue de 12 milliards de $. Fin janvier, la compagnie opérait 357 appareils, contre 470 en 2019.

Pour éviter une banqueroute retentissante, le gouvernement provincial de Hainan, où HNA a son siège, s’apprêterait à reprendre le contrôle du conglomérat, incapable de faire face à ses créanciers. Le 19 février, Shen Danyang, vice-gouverneur, rencontrait Chen Feng pour établir un plan de sauvetage. L’administration chinoise de l’aviation civile (CAAC) pourrait permettre aux trois plus grandes compagnies aériennes (contrôlées par l’Etat) « d’absorber de plus petites qui souffrent le plus de l’effondrement des voyages ». La rumeur voudrait que Hainan Airlines soit récupérée par Air China, tandis que le reste de HNA serait réparti entre China Eastern et China Southern. Une des filiales de HNA, Surparna Airlines, serait vendue au gouvernement du Jiangsu. Rien ne fuitait concernant Hong Kong Airlines, compagnie aérienne créée par HNA en 2006, qui traverse aussi une zone de turbulences, après avoir souffert des manifestations dans la RAS. Début février, elle annonçait le licenciement de 400 employés.

 « Depuis plusieurs mois déjà, le futur est un peu plus incertain chaque jour », confie un capitaine étranger de Hainan Airlines. « Il y a eu les arriérés de salaires, puis la mise en congés sans solde fin janvier suite à l’épidémie. Même si Air China nous absorbe, pas sûr que la compagnie reprenne tous les employés de Hainan Airlines. Et bien sûr, les pilotes étrangers ne seront pas la priorité… De plus, les autres transporteurs aériens chinois mettront du temps avant de réembaucher, car eux aussi souffrent de l’épidémie. Pour moi, il est donc l’heure de chercher un nouvel employeur. Mes collègues chinois eux, garderont peut-être leur travail. Mais en attendant, ils ne gagnent presque rien, étant donné qu’ils sont rémunérés au nombre d’heures de vol ».

En 2019, Air China, China Eastern et China Southern détenaient 63% du marché chinois en capacité. Avaler Hainan Airlines permettrait donc de les consolider, récupérer des parts de marché et réduire leur concurrence. Mais pas sûr que la disparition de Hainan Airlines soit une bonne nouvelle pour les voyageurs. Enfin, si la reprise de HNA par le gouvernement se confirme, ce ne serait pas la première chute d’un colosse aux pieds d’argiles (les assurances Anbang), ni la dernière…

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