Aviation : La discrète certification du C919

La discrète certification du C919

Ce n’était plus qu’une question de temps : le 29 septembre, le constructeur aéronautique chinois Comac a enfin décroché la certification de type de son C919, monocouloir présenté comme le concurrent local du A320neo et du Boeing 737 MAX. C’est l’une des dernières étapes avant l’entrée en service commercial courant 2023 du premier moyen-courrier « made in China »*.

L’annonce n’a pas été particulièrement médiatisée auprès du grand public : seules quelques photos de l’évènement ont été publiées sur les réseaux sociaux le jour-J tandis qu’une cérémonie officielle a été organisée le lendemain en petit comité au Grand Palais du Peuple à Pékin, en présence du Président Xi Jinping (cf photo) qui en a profité pour saluer les efforts du pays en matière d’auto-suffisance technologique.

Rien à voir donc avec l’importante couverture médiatique de la présentation du prototype du C919 en novembre 2015 ou celle de son premier vol d’essai au printemps 2017. À l’époque, le gouvernement caressait encore l’espoir que plusieurs C919 volent sous les couleurs des compagnies aériennes nationales d’ici le XXème Congrès du Parti en 2022.

Aujourd’hui, ces ambitions ont été revues à la baisse. Après le vol inaugural du C919, 64 mois ont été nécessaires avant de certifier l’appareil, un délai qui trahit des problèmes de conception qui ont dû être résolus avant que la tutelle de l’aviation civile (CAAC) – très exigeante en matière de sécurité, il en va de sa réputation et de celle de la Comac – ne puisse donner son feu vert.

Dans le meilleur des cas, un seul appareil sera livré à China Eastern d’ici la fin de l’année pour une mise en service en 2023. Par la suite, le C919 devra encore obtenir une seconde certification avant que la Comac puisse espérer augmenter ses cadences de production. Pour mémoire, le constructeur avait dû patienter deux ans et demi avant d’obtenir le précieux sésame pour l’ARJ21, le prédécesseur régional du C919, avec pour conséquence de ralentir sa pénétration sur le marché.

En clair, même si le C919 a la faveur des autorités chinoises et donc la priorité dans le carnet de commandes des compagnies aériennes locales (815 au total, dont une majorité d’intentions d’achats), la Comac ne sera pas en mesure de répondre aux besoins des transporteurs chinois pendant encore plusieurs années.

Cela peut expliquer les 330 appareils de la gamme A320 commandés à Airbus par China Eastern, China Southern, Air China et sa filiale Shenzhen Airlines depuis le 1er juillet.

Boeing ne profite pas autant de la situation : faute de voir les livraisons du 737 MAX débloquées par Pékin, l’avionneur américain s’est résolu à remettre sur le marché certains appareils destinés au marché chinois…

Vu sous cet angle, le C919 de la Comac ne constitue pas une menace immédiate pour le duopole Airbus/Boeing. Néanmoins, son décollage imminent représente une importante avancée de l’industrie aéronautique chinoise et l’émergence d’un nouvel adversaire à ne pas sous-estimer.

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* S’il arbore fièrement le drapeau chinois, les gènes du C919 sont loin d’être 100% « rouges ». Selon un rapport de Zhongtai Securities, le taux de localisation des pièces de l’appareil ne serait que de 60%. En effet, le système de commandes de vol est fabriqué par l’américain Honeywell, ses réacteurs sont ceux de CFM International (consortium franco-américain regroupant General Electric et Safran) et son train d’atterrissage a été conçu par l’allemand Liebherr, pour ne citer que ceux-là !

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