Portrait : Yann Layma ou « la capture de l’éphémère »

Yann Layma ou « la capture de l’éphémère »

Plusieurs fois au cours de sa carrière, les photos-reportages de Yann Layma ont fait la une des grands media d’Europe et d’Amérique.

A la fois journaliste de l’image et artiste, Yann se revendique « chasseur de l’éphémère » et passionné de « transmettre l’émerveillement éternel ». Si cet homme de 54 ans a sa place au Vent de la Chine, c’est surtout en raison de son sujet d’étude : le Céleste Empire, qu’il arpente depuis 32 ans.

Passionné de grands voyages, Yann part à 18 ans pour l’île déserte de Nias (Indonésie), encore peuplée de chasseurs de têtes. A son retour, « Photo Reporter » publie son 1er reportage.
Suit une année à Langues’O où il étudie le chinois, avant de passer un an à Taiwan en apprentissage de la langue, et en reportage.
 De retour à Paris, coup du destin : à 20 ans seulement, le Président François Mitterrand lui confie la réalisation d’un album sur sa vie au quotidien. Ainsi, il le suit dans son intimité pendant une année. Cette mission permet à Yann Layma de rencontrer les plus grands photographes de son époque, tels Marc Riboud, H. Cartier-Bresson ou Raymond Depardon, et de progresser grâce à leurs conseils. Yann suit le précepte de Confucius, de « se choisir des maîtres comme des champs à cultiver ».
Ce reportage connait un succès retentissant, qui lui permet alors de s’installer en janvier 1985 à Pékin. Il en profite pour parcourir l’Asie, et se rend cette même année pour 15 jours en Corée du Nord. Il y récolte 8000 photos pour un reportage publié à travers les 5 continents – le pays, à l’époque, est totalement inconnu.

En 1986, avec les trois artistes du groupe graphique Kaltex, Yann sillonne la Chine. Ils tirent de leur périple un ensemble de peintures et photos exposées six mois au Musée d’Art moderne de la ville de Paris, quatre films de 50 minutes sur Canal+, et un livre photos de référence.

Des ennuis se profilent cependant, avec la police chinoise, du fait du livre de son épouse Niu-Niu (« Pas de larmes pour Mao ») suivi d’un film, une œuvre engagée contre le régime, lequel fait porter la responsabilité de cette dissidence sur Yann Layma. Interdit de séjour depuis 1986, il se rend pourtant en Chine, illégalement à plusieurs reprises.

En 1989, durant six mois, entre Guangxi et Guizhou, il met au point une méthode de journalisme ethnographique, partageant sa vie dans divers villages de l’ethnie Dong, peuple qui plébiscite l’architecture en bois et s’exprime en chansons. En plus de ses reportages, il en tire un beau livre, ainsi qu’une exposition au Palais de la Découverte à Paris.

En 1991, il est arrêté à deux reprises : en plein reportage sur le Grand Canal, (qui deviendra un nouveau scoop mondial), puis à la fin de son enquête sur les rizières Yuanyang (Yunnan), dont ses photos feront le tour du monde. Vingt ans plus tard, ce site sera inscrit « Patrimoine mondial de l’Unesco ».

Chaque fois, Yann Layma parvient à recouvrer sa liberté – mais en 1992, un passage à Hong Kong avec un faux passeport, lui vaut une semaine de prison dans la colonie de la Couronne. Dès lors, de retour à Paris, il prend contact avec l’ambassade de Chine, explique que les actes et œuvres de son ex-femme Niu-Niu n’engagent qu’elle. Il devient alors  « vieil ami de la Chine », son casier est effacé.

Cette péripétie permet à Yann de préciser son rapport de neutralité avec le régime : « je suis là comme ami de la Chine, pas pour critiquer, mais pour m’émerveiller ». Les 25 ans qui suivent sont partagés entre la Chine et 80 autres pays, vendant ses sujets directement dans les rédactions à Paris, New York, Madrid, Milan, Londres, et publiant notamment chez La Martinière.

Au 21ème siècle, la crise de la presse occidentale force Yann à se reporter vers un public nouveau : la Chine-même, où il est reconnu « le meilleur auteur photo des années d’avant 2000 ». Constamment en reportage à travers le pays, il y publie plusieurs livres par an (cf « La Chine d’hier » retraçant des photos depuis 1985 à 1998) et fait des conférences. Depuis 2011, avec sa nouvelle épouse chinoise et sa fille, il partage son temps entre France et Chine : réconcilié, restant dans la voie qu’il s’est choisie.

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