Politique : Shanghai et Pékin, entre « victoire » et polémiques

Shanghai et Pékin, entre « victoire » et polémiques

L’annonce est presque passée inaperçue à l’international, et pourtant ! Devant plus de 800 cadres réunis lors du congrès municipal du Parti à Shanghai, son secrétaire Li Qiang, a officiellement déclaré le 25 juin que la ville avait « remporté la bataille contre la Covid-19 », après le confinement strict de ses 25 millions d’habitants pendant deux mois. Le dirigeant a également affirmé que la stratégie de prévention et de contrôle sanitaire était « totalement appropriée » et que cette « victoire » venait démontrer que « le socialisme aux caractéristiques chinoises dispose d’avantages institutionnels incomparables ». Le protégé du Président Xi Jinping n’a pas non plus manqué de saluer « les instructions importantes du Secrétaire général du Parti », manière de prouver à nouveau sa fidélité au leader et de le créditer personnellement pour ce « succès ».

Ce ton triomphant, également employé par la presse officielle lors de la « libération » de la ville le 1er juin, semble éloigner les demandes d’excuses formulées par les habitants et surtout la question de la responsabilité portée par les autorités pour leur gestion calamiteuse de la crise (820 milliards de yuans de PIB perdus en 70 jours de confinement, mécontentement de la population face aux problèmes d’approvisionnement alimentaire et d’accès aux soins…).

Jusqu’à présent, seuls quelques « petits » cadres ont été démis de leurs fonctions. À titre de comparaison, aux débuts de l’épidémie à Wuhan, le secrétaire de la province du Hubei et celui de Wuhan avaient été limogés dès le mois de février 2020, tandis que le maire de la ville avait été évincé un an plus tard. Lors des inondations meurtrières dans le Henan à l’été 2021, le secrétaire du Parti de Zhengzhou, capitale provinciale durement touchée, avait été puni quelques mois plus tard, tout comme le maire de la ville, rétrogradé…

Qu’en sera-t-il des hauts dirigeants shanghaiens tels que Li Qiang (candidat potentiel au Comité Permanent voire au poste de Premier ministre) et le maire Gong Zheng (un autre allié de Xi Jinping), tous deux réélus lors du Congrès local ? Échapperont-ils aux sanctions ? Si c’est le cas, ce sera un signe assez clair de l’étendue de l’influence du Président Xi au sein du Parti.

1200 kilomètres au Nord, à Pékin, un autre secrétaire du Parti s’est retrouvé sous le feu des projecteurs après son discours au Congrès municipal le 27 juin. D’après un article du Beijing Daily, Cai Qi (encore un fidèle de Xi) aurait déclaré que les mesures sanitaires seraient normalisées « durant les cinq prochaines années » (“未来五年”). Une précision qui a fait bondir le public, interprétant ce message comme le maintien de la politique « zéro Covid » pendant toute cette période. « Le compte à rebours pour fuir le pays a commencé », a déclaré un internaute.

Face au tollé, toute référence « aux cinq prochaines années » a été supprimée de la toile. Tentant de désamorcer la polémique, l’ancien rédacteur en chef du Global Times, Hu Xijin, a expliqué que le manque de professionnalisme d’un journaliste – qui avait préparé à l’avance son texte sans le retoucher par la suite – était à l’origine du malentendu. « Personne n’espère que Pékin ne va vivre pendant les cinq prochaines années comme ces deux derniers mois », a-t-il ajouté. En effet, les Pékinois ont certes échappé à un confinement strict « à la mode de Shanghai », mais se sont vu imposer de lourdes restrictions pendant près de six semaines.

Ces explications laissent dubitatifs certains internautes, arguant qu’une chaîne TV pékinoise a fait la même « erreur » et soulignant que d’ordinaire les articles des médias officiels sont relus plusieurs fois avant publication.

Quoi qu’il en soit, la réaction suscitée par seulement quatre petits caractères révèle un scepticisme croissant du public vis-à-vis des déclarations du gouvernement et surtout la profonde lassitude de la population ainsi qu’une certaine impatience. « Cela démontre à quel point les gens en ont marre de la politique de contrôle épidémique – si vous voulez savoir ce que les gens pensent, voilà ce qu’ils pensent », conclut un internaute. Encore faut-il que le leadership soit prêt à l’entendre.

En visite officielle le 28 juin à Wuhan, ville où le virus a fait son apparition, le Président Xi Jinping a une nouvelle fois martelé que, malgré un impact économique « temporaire », la politique « zéro Covid » reste l’approche « la plus économique et efficace » pour la Chine, mais aussi la plus représentative « de la nature et des objectifs » du Parti Communiste Chinois. Cela a le mérite d’être clair.

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