Consommation : Un « 315 » sous le signe de la protection des données

Un « 315 » sous le signe de la protection des données

Chaque année, la journée internationale des droits des consommateurs (15 mars) revêt une importance particulière en Chine. L’évènement est célébré depuis 1991, par un show télévisé de 2h diffusé par la CCTV dénonçant diverses arnaques et produits défectueux.

Surnommé le « 315 », le gala, parfois plus attendu que celui du Nouvel An chinois, est plébiscité par le public pour son journalisme d’investigation. Les reporters de la CCTV exercent toutefois sous quelques contraintes, se devant de choisir des cas illustrant les priorités du moment du gouvernement, et d’éviter soigneusement de dévoiler des scandales impliquant des firmes d’État ou qui pourraient mettre les autorités dans une position inconfortable.

Aux côtés des firmes chinoises, des entreprises étrangères sont systématiquement épinglées, en un rappel plus ou moins subtil que l’accès au marché chinois se mérite. Cela a été le cas de la chaine américaine de cafés Starbucks accusée de facturer plus cher ses clients en Chine qu’aux États-Unis, du fabricant automobile allemand Volkswagen pour ses pièces défectueuses, de la marque de vêtements de sport Nike pour publicité mensongère, ou encore du japonais Muji pour avoir vendu des snacks irradiés par la catastrophe de Fukushima… Mais personne n’a oublié l’édition 2013, qui avait conduit le PDG d’Apple, Tim Cook, à faire des excuses publiques pour avoir offert aux clients chinois une garantie plus courte que dans d’autres pays.

Ainsi, avant la date fatidique du 15 mars, les groupes retiennent leur souffle, préparant des communiqués de presse en prévision d’une éventuelle accusation de la CCTV. Car les conséquences sont loin d’être anodines pour les « lauréats » du 315 : l’an passé, la critique adressée à l’application d’agrégation de contenu Qutoutiao avait fait décrocher de 23% son cours en bourse de New York…

Cette année, l’émission a mis l’accent sur la question des données privées. Une vingtaine d’enseignes ont été pointées du doigt pour avoir installé des caméras à reconnaissance faciale dans leurs boutiques à l’insu de leurs clients, en violation de la loi. Si les firmes n’ont pas tardé à se repentir, à expliquer que les informations n’ont été recueillies qu’à des fins commerciales (détecter le sexe du client, son âge, s’il est déjà venu ou non, voire son humeur…) et qu’elles n’ont pas été conservées, le fait que des marques étrangères (Kohler, BMW, MaxMara) soient impliquées, a suscité le sarcasme de certains internautes : « l’Occident ne cesse d’accuser la Chine de voler les données de ses citoyens, mais leurs entreprises font la même chose. Quelle ironie ! ». D’autres n’ont pas manqué de relever que les groupes privés ne sont pas les seuls à installer de tels équipements, les autorités chinoises faisant de même, prétextant des raisons de sécurité…

Autres cibles du 315 : les sites de recrutement Zhaopin.com, Liepin.com, 51.com, mis en cause pour avoir autorisé leurs membres payants à télécharger des CV puis de les monnayer 7 yuans l’unité sur le marché noir. Deux moteurs de recherche web, UC Browser et 360 Search, ont également été pris en faute à diffuser des publicités médicales douteuses.

Étrangement, les géants de l’internet, Alibaba et consorts (Tencent, JD.com, Meituan, Pinduoduo…), accusés de pratiques anti-concurrentielles, ont été globalement épargnés par le gala… C’est que le bouquet final leur était adressé par l’autorité de régulation des marchés (SAMR) en la forme d’une nouvelle règlementation du e-commerce, interdisant la concurrence déloyale, les fausses transactions, les promotions fallacieuses, et le fait de gonfler artificiellement son trafic en ligne. Selon le bureau national des statistiques, les ventes sur internet de biens physiques ont atteint les 9760 milliards de yuans en 2020, soit un quart du total des ventes de détail. Le live-streaming fait l’objet d’une attention particulière, les plateformes étant désormais dans l’obligation de conserver un enregistrement de ces sessions virtuelles de télé-achats pendant trois ans. L’an passé, plus 25 000 plaintes liées au live-streaming ont été enregistrées par la hotline 12315 – une hausse de 357% par rapport à 2019. Et la cause des consommateurs est loin d’être gagnée, à en croire un internaute : « si je devais appeler le 12315 pour me plaindre d’un produit ou d’un service, je devrais le faire tous les jours » !

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