Le Vent de la Chine Numéro 12 (2021)

du 22 mars au 3 avril 2021

Editorial : Rencontre glaciale en Alaska
Rencontre glaciale en Alaska

Pour la première fois depuis la prise de fonction du Président Joe Biden en janvier, les représentants américains ont rencontré leurs homologues chinois pour deux jours de discussions (18-19 mars). Ils se sont retrouvés à Anchorage, petite ville de 300 000 habitants en Alaska, située à mi-chemin entre Pékin et Washington. Le symbole était beau, mais la température glaciale, à l’image des relations sino-américaines, au plus bas depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques en 1979.

Si la Chine a consenti à ce que ce « dialogue stratégique » (selon ses termes) ait lieu sur sol américain, c’est qu’elle espérait briser la glace avant que la nouvelle administration américaine n’élabore en détail sa stratégie vis-à-vis de la Chine. C’est la raison pour laquelle plusieurs observateurs américains ont estimé que ce face-à-face aurait pu attendre… Quoi qu’il en soit, ce sommet a eu valeur de baptême du feu pour l’équipe américaine, face à une équipe chinoise rompue à l’exercice par une administration Trump particulièrement véhémente. 

Comme pour annoncer la couleur à la veille du sommet, les Américains ont décrété une série de mesures à l’encontre de la Chine, sanctionnant notamment 24 hauts fonctionnaires de Pékin et de Hong Kong en réaction à la réforme électorale de la région « semi-autonome » entérinée par le Parlement chinois. Pékin n’est pas resté impassible, annonçant 24h avant le rendez-vous en Alaska que les deux Canadiens accusés d’espionnage par Pékin seraient jugés dans les jours à venir – les « deux Michael » avaient été arrêtés quelques jours après l’interpellation à Vancouver fin 2018 de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, sur mandat américain.

À peine installés dans une salle de conférence de l’hôtel du Capitaine Cook à Anchorage, les diplomates chinois et américains se sont donc engagés dans une joute verbale de plus d’une heure devant des journalistes médusés. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, a d’abord subtilement rappelé sa récente visite aux alliés japonais et sud-coréens, mais aussi le sommet virtuel qui a eu lieu une semaine plus tôt à l’initiative des États-Unis, réunissant Japon, Australie et Inde. Le chef du département d’État américain a ensuite fait part de ses profondes inquiétudes à propos « du Xinjiang, de Hong Kong, de Taïwan, des cyberattaques contre les États-Unis et de la coercition économique contre les alliés des États-Unis (Australie en tête) ».

En guise de réponse, Yang Jiechi, conseiller aux Affaires étrangères du Parti, d’ordinaire soucieux de l’étiquette, s’est lancé dans une diatribe de 16 minutes (au lieu des 2 minutes convenues), dans laquelle il dénonça la posture « condescendante » et la « mentalité de guerre froide » d’une Amérique « raciste et belliqueuse ». Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères, renchérit en dénonçant les sanctions américaines annoncées la veille de la réunion et remettant en cause la sincérité de Washington : « ce n’est pas comme cela que l’on accueille ses invités ».

Cette passe d’armes aurait ensuite donné lieu à des échanges à huis clos plus « constructifs » au sujet de l’Iran, la Corée du Nord, l’Afghanistan et du climat, relançant les spéculations autour d’une éventuelle rencontre à Washington des Présidents américain et chinois à l’occasion de la Journée de la Terre le 22 avril…

S’il est tentant d’interpréter ce premier sommet sino-américain sous l’ère Biden comme un échec de bien mauvais augure pour la suite de la relation, les deux délégations ont pourtant atteint leurs objectifs auprès de leurs opinions publiques respectives.

Côté américain, la délégation se devait de faire preuve de fermeté vis-à-vis de la Chine, le Président sortant, Donald Trump, n’ayant eu de cesse de clamer que son opposant Joe Biden serait incapable de tenir la dragée haute à Pékin.

Côté chinois, les impératifs de la rencontre étaient similaires. Face à sa population, Xi Jinping doit se montrer intransigeant face à des États-Unis qui « s’acharnent injustement » sur son pays. Mission accomplie : la longue tirade de Yang Jiechi (que l’interprète chinoise a traduite sans broncher) a été largement reprise sur les réseaux sociaux, tandis que certains internautes ont comparé ce rendez-vous au « banquet de la porte Hong » durant lequel un chef rebelle en invita un autre à festoyer avec la ferme intention de l’assassiner en 206 av. J.-C.…

Au-delà de cette rencontre, les enjeux de la relation sino-américaine sont grands pour le Président chinois : il s’agit de démontrer à son peuple que la Chine peut aujourd’hui traiter avec la première puissance mondiale d’égal à égal, et cela, grâce à lui. À trois mois et demi du 100ème anniversaire du Parti et à l’approche du XXème Congrès de 2022 qui devrait avaliser son 3ème mandat, le Secrétaire Général doit surtout convaincre qu’il est le seul dirigeant capable de tenir tête aux États-Unis, mais aussi qu’il est temps de le faire, « l’Occident étant en déclin systémique ». Mais au sein du Parti, il se pourrait bien que tout le monde ne soit pas persuadé que la Chine soit devenue « assez forte », que le moment soit réellement« bien choisi », et surtout, que cette méthode « combative » soit la meilleure…


Consommation : Un « 315 » sous le signe de la protection des données
Un « 315 » sous le signe de la protection des données

Chaque année, la journée internationale des droits des consommateurs (15 mars) revêt une importance particulière en Chine. L’évènement est célébré depuis 1991, par un show télévisé de 2h diffusé par la CCTV dénonçant diverses arnaques et produits défectueux.

Surnommé le « 315 », le gala, parfois plus attendu que celui du Nouvel An chinois, est plébiscité par le public pour son journalisme d’investigation. Les reporters de la CCTV exercent toutefois sous quelques contraintes, se devant de choisir des cas illustrant les priorités du moment du gouvernement, et d’éviter soigneusement de dévoiler des scandales impliquant des firmes d’État ou qui pourraient mettre les autorités dans une position inconfortable.

Aux côtés des firmes chinoises, des entreprises étrangères sont systématiquement épinglées, en un rappel plus ou moins subtil que l’accès au marché chinois se mérite. Cela a été le cas de la chaine américaine de cafés Starbucks accusée de facturer plus cher ses clients en Chine qu’aux États-Unis, du fabricant automobile allemand Volkswagen pour ses pièces défectueuses, de la marque de vêtements de sport Nike pour publicité mensongère, ou encore du japonais Muji pour avoir vendu des snacks irradiés par la catastrophe de Fukushima… Mais personne n’a oublié l’édition 2013, qui avait conduit le PDG d’Apple, Tim Cook, à faire des excuses publiques pour avoir offert aux clients chinois une garantie plus courte que dans d’autres pays.

Ainsi, avant la date fatidique du 15 mars, les groupes retiennent leur souffle, préparant des communiqués de presse en prévision d’une éventuelle accusation de la CCTV. Car les conséquences sont loin d’être anodines pour les « lauréats » du 315 : l’an passé, la critique adressée à l’application d’agrégation de contenu Qutoutiao avait fait décrocher de 23% son cours en bourse de New York…

Cette année, l’émission a mis l’accent sur la question des données privées. Une vingtaine d’enseignes ont été pointées du doigt pour avoir installé des caméras à reconnaissance faciale dans leurs boutiques à l’insu de leurs clients, en violation de la loi. Si les firmes n’ont pas tardé à se repentir, à expliquer que les informations n’ont été recueillies qu’à des fins commerciales (détecter le sexe du client, son âge, s’il est déjà venu ou non, voire son humeur…) et qu’elles n’ont pas été conservées, le fait que des marques étrangères (Kohler, BMW, MaxMara) soient impliquées, a suscité le sarcasme de certains internautes : « l’Occident ne cesse d’accuser la Chine de voler les données de ses citoyens, mais leurs entreprises font la même chose. Quelle ironie ! ». D’autres n’ont pas manqué de relever que les groupes privés ne sont pas les seuls à installer de tels équipements, les autorités chinoises faisant de même, prétextant des raisons de sécurité…

Autres cibles du 315 : les sites de recrutement Zhaopin.com, Liepin.com, 51.com, mis en cause pour avoir autorisé leurs membres payants à télécharger des CV puis de les monnayer 7 yuans l’unité sur le marché noir. Deux moteurs de recherche web, UC Browser et 360 Search, ont également été pris en faute à diffuser des publicités médicales douteuses.

Étrangement, les géants de l’internet, Alibaba et consorts (Tencent, JD.com, Meituan, Pinduoduo…), accusés de pratiques anti-concurrentielles, ont été globalement épargnés par le gala… C’est que le bouquet final leur était adressé par l’autorité de régulation des marchés (SAMR) en la forme d’une nouvelle règlementation du e-commerce, interdisant la concurrence déloyale, les fausses transactions, les promotions fallacieuses, et le fait de gonfler artificiellement son trafic en ligne. Selon le bureau national des statistiques, les ventes sur internet de biens physiques ont atteint les 9760 milliards de yuans en 2020, soit un quart du total des ventes de détail. Le live-streaming fait l’objet d’une attention particulière, les plateformes étant désormais dans l’obligation de conserver un enregistrement de ces sessions virtuelles de télé-achats pendant trois ans. L’an passé, plus 25 000 plaintes liées au live-streaming ont été enregistrées par la hotline 12315 – une hausse de 357% par rapport à 2019. Et la cause des consommateurs est loin d’être gagnée, à en croire un internaute : « si je devais appeler le 12315 pour me plaindre d’un produit ou d’un service, je devrais le faire tous les jours » !


Environnement : Quand Pékin vire à l’orange
Quand Pékin vire à l’orange

Où était donc passé l’habituel ciel bleu durant la session du Parlement (4-11 mars) à Pékin ? Pendant près de deux semaines, la capitale a suffoqué sous la pollution avant de subir de plein fouet une impressionnante tempête de sable, donnant à la ville une inquiétante couleur sépia. Une atmosphère de fin du monde que n’ont pas tardé à détourner les internautes (cf photo).

Si ce genre d’évènement climatique est fréquent au printemps dans le nord de la Chine, l’intensité de cette tempête venue du désert de Gobi était inédite depuis une décennie, recouvrant de sable et de poussière pas moins de 3,8 millions kilomètres carrés, soit 40% de la superficie du pays.

Pour pallier ce phénomène météorologique en partie causé par la déforestation et la sécheresse, la région Pékin-Tianjin-Hebei a encore reboisé 9 millions d’hectares l’an dernier. Des efforts qui ont conduit les tempêtes de sable à se raréfier, mais qui n’ont pas suffi à stopper celle-là, qui a fait 6 morts et 81 disparus en Mongolie. Ses effets ont même été ressentis jusqu’en Corée du Sud, et le fait que les médias coréens aient affirmé que la tempête soit venue de Chine, a suscité l’indignation des internautes chinois, déjà en bisbille avec leurs voisins coréens, les accusant d’appropriation culturelle. L’affaire est remontée aux oreilles du porte-parole du ministère des Affaires Etrangères Zhao Lijian : « la pollution ne connait pas de frontières (…) et la Chine n’a jamais blâmé la Mongolie pour être l’origine supposée de la tempête », a-t-il déclaré.

Quoi qu’il en soit, cette météo colle mal avec la nouvelle image de leader climatique que veut se donner la Chine à l’international, Xi Jinping ayant promis de mettre son pays sur la voie de la neutralité carbone d’ici 2060. En temps normal, les autorités font tout pour que le ciel soit bleu pendant la session annuelle du Parlement, réduisant le trafic routier en ville, mettant à l’arrêt les industries polluantes dans les environs de la capitale, et tirant dans le ciel pour éloigner les nuages gris. Un protocole connu de tous qui a même un surnom : le « bleu des Deux Assemblées » (两会蓝). Il n’est d’ailleurs pas uniquement réservé au grand rendez-vous politique annuel, mais aussi à tous les évènements internationaux (Jeux Olympiques, APEC…).

Or, cette fois-ci, le ciel est resté désespérément gris durant le rassemblement politique. Faut-il y voir le signe d’un changement des priorités du gouvernement, assez confiant en ses capacités et en son leadership pour ne plus avoir à s’embarrasser des apparences (un faux ciel bleu) et pour se concentrer sur le véritable problème (la pollution) ? C’est la séduisante thèse avancée par le chercheur Ma Liang (马亮), de l’université Renmin (Pékin), qui rappelle que le Parti a choisi cette voie pour son économie, se contentant d’un objectif de croissance de son PIB « d’au moins 6% » pour cette année, privilégiant ainsi la qualité à la quantité.

Cependant, un élément laisse entrevoir que le leadership aurait sans aucun doute préféré tenir sa grande réunion sous un ciel dégagé : c’est la visite « surprise » à Tangshan (Hebei), du ministre de l’Écologie et de l’Environnement (MEE), Huang Runqiu (cf photo, au centre), le jour de la clôture du Parlement. Spécialisée dans l’acier, la ville située à 200km de Pékin est connue comme étant la plus polluée du pays. Et l’équipe du ministère n’a pas eu à chercher bien longtemps pour attraper quatre aciéries la main dans le fourneau, malgré l’interdiction en vigueur. Les entreprises, dont les noms ont été cités, ont écopé chacune d’une amende de 1 million de yuans, ont vu leur note de crédit social rétrogradée et leurs responsables détenus par la police. « Le gouvernement fera preuve d’une tolérance zéro pour ce genre de comportement », a déclaré le ministre. Pas plus tard que le mois dernier, le bureau de l’environnement de Tangshan avait lancé un programme pilote pour réduire les émissions polluantes de ses aciéries de 40% cette année, ce qui représenterait une baisse de la production de 57,6 millions de tonnes d’acier brut.

Tous ces efforts pour sauver Pékin de la pollution et des tempêtes de sable ont ravivé sur la toile un débat vieux de plusieurs siècles : et si on déplaçait la capitale plus au sud ? Cela permettrait de résoudre les problèmes qui rendent la ville difficile à vivre, comme les embouteillages et la forte densité de population. Sans compter le manque d’eau et le phénomène de « subsidence », véritable casse-tête pour les autorités… L’idée de déménager la capitale n’est pas nouvelle. En 2000, le Premier ministre Zhu Rongji évoquait cette option si la désertification devenait trop importante. Six ans plus tard, 479 délégués proposaient au Parlement de déménager les agences gouvernementales en dehors de la ville. À ce jour, le gouvernement n’a toujours aucune intention de déménager, seuls les bureaux de la mairie devraient prendre leurs quartiers à Tongzhou, tandis que Xiong’an devrait devenir la nouvelle ville « intelligente » où il fait bon vivre. Ces deux nouvelles antennes suffiront-elles à désengorger Pékin et à chasser les nuages ? On peut en douter.

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Huang Runqiu, un ministre pas comme les autres

Ministre de l’Écologie et de l’Environnement, Huang Runqiu (黄润秋), 58 ans, est le symbole de la priorité donnée par le leadership à l’expertise par rapport à l’idéologie dans certains domaines. Après Wan Gang, ministre des Sciences et des Technologies, et Chen Zhu, le ministre de la Santé, tous deux nommés en 2007, Huang Runqiu est le troisième ministre non membre Parti communiste chinois (PCC) depuis la fin des années 70.

Né en 1963 dans le Hunan, Huang Runqiu a étudié la géologie et a enseigné à l’université des technologies de Chengdu, jusqu’à devenir son vice-président et prendre la tête d’un centre de recherche de renom en matière de protection de l’environnement. En parallèle, il intègre « société San Jiu », l’un des huit partis politiques tolérés par le gouvernement. Il monte à Pékin en 2016 et devient le vice-ministre de la Protection de l’Environnement, puis est chargé des négociations du traité sur la biodiversité en 2018. Devenu ministre en 2020, il reste toutefois hiérarchiquement inférieur au secrétaire du Parti du ministère, Sun Jinlong.


Société : Le « thé aux perles » cristallise les frustrations de la jeunesse
Le « thé aux perles » cristallise les frustrations de la jeunesse

Décidément, le « thé au lait » ne cesse de faire parler de lui ! Devenu l’emblème d’une surprenante alliance virtuelle entre des activistes pro-démocratie hongkongais, taïwanais, thaïlandais, et plus récemment birmans, c’est au tour de son cousin, le « thé aux perles » (珍珠奶茶, zhēnzhū nǎichá), de faire débat en Chine continentale.

Inventé à Taïwan dans les années 80, le « bubble tea » est un thé au lait dans lequel sont plongées des boules de tapioca glutineuses noires (également appelées « », désignant aussi une « poitrine généreuse ») qui s’aspirent à l’aide d’une grosse paille. Facile à emporter, cette boisson au goût sucré très addictif (vendue au prix de moyen de 20 yuans), est particulièrement appréciée des adolescents qui l’arborent dans les centres commerciaux, ou des jeunes actifs qui l’apportent avec eux au bureau. Et il en existe pour tous les goûts : aux fruits, aux haricots rouges, au sagou, au taro ou encore surmonté de crème légérement salée…

Plusieurs chaînes comme CoCo (都可), Yi Dian Dian (1點點), LeLeCha (乐乐茶), et Gong Cha(薡御贡茶)connaissent un succès phénoménal, facilement repérables à la longue file de clients qui se forme devant leurs boutiques ou aux livreurs qui attendent de récupérer leurs commandes. D’autres enseignes se sont également fait un nom sur ce marché, telles que TeaSure (煮叶), qui met l’accent sur la qualité du thé, ou encore Niucha (牛茶) qui propose une version « haut de gamme » à base de nid d’hirondelles. Mais les leaders de ce segment premium sont incontestablement Nayuki (奈雪, Naixue) et Heytea (喜茶). Les deux chaînes originaires du Guangdong envisagent d’ailleurs faire leur entrée en bourse de Hong Kong d’ici la fin de l’année.

L’an dernier, 480 000 points de vente étaient recensés à travers le pays, les marques rivalisant entre elles pour s’accaparer une part de ce marché estimé à 141 milliards de yuans (18 milliards d’euros). À un rythme de croissance annuelle de 24,5%, il devrait peser 340 milliards (44 milliards d’euros) d’ici 2025, selon le cabinet China Insights Consultancy. Pour la seule année 2019, l’application de livraison de repas Meituan aurait reçu 210 millions de commandes de « thé aux perles ».

Reflet de cette soif insatiable, une récente étude de CBNData révèle que près de 30% des consommateurs chinois de moins 30 ans dépenseraient au moins 400 yuans par mois dans cette boisson. Vue 130 millions de fois sur Weibo, cette statistique a choqué les internautes, révélatrice du fossé inégalitaire qui existe entre la jeunesse dorée des grandes mégalopoles, et celles des villes de second ou troisième tiers qui leur envie leur pouvoir d’achat. « J’envie ces ‘nouveaux riches’ (tǔháo ,土豪). Quand je pense que je dois réfléchir à deux fois avant d’acheter une bouteille d’eau minérale Nongfu Spring… », se désole l’un d’entre eux. « 400 yuans ?! C’est ce que je dépense pour manger pendant un mois », s’indigne un autre, « ces jeunes privilégiés ne savent pas ce que c’est de travailler dur ».

Les accros au « thé aux perles » s’en défendent, justifiant leur consommation compulsive par un rythme de travail soutenu : « si je dépense autant, c’est justement parce que je travaille en 9-9-6 (de 9h à 21h, 6 jours par semaine) », écrit l’un d’eux. « Boire un ‘bubble tea’ me permet d’échapper à mon quotidien stressant pendant quelques minutes ».

Mais le mal-être semble plus profond qu’il n’y parait. « À quoi bon épargner mon argent ? Je n’aurais jamais les moyens de m’acheter un appartement… », déplore un utilisateur de Weibo, le prix de l’immobilier dans les villes de premier tiers restant inaccessible pour la plupart des jeunes actifs. 

Ainsi, ce débat autour de la frénésie des « thé aux perles », d’apparence anodin, apparaît moins comme une simple mode consumériste que l’expression des frustrations de ces jeunes cols blancs qui ne se sentent pas à la hauteur des attentes de la société (acheter un appartement, se marier, avoir des enfants…) et pour qui l’ascenseur social s’est bloqué malgré leurs efforts.


Podcast : 11ème épisode des « Chroniques d’Eric » : Notre seconde famille en Chine
11ème épisode des « Chroniques d’Eric » : Notre seconde famille en Chine
Venez écouter le 11ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
 
Le rêve de tous les étrangers expatriés en Chine, est d’y avoir des amis qui les aident à s’y intégrer. C’est ce que j’ai eu la chance de vivre dès mon arrivée en 1987. Avec Brigitte, j’ai connu une famille très originale de Pékinois mi artistes, mi gens d’affaires, et elle nous a adoptés.
 
Cela a été notre plus grande chance en ce pays, pour tenir à distance durant des décennies la solitude et connaître plus en finesse et plus en profondeur la manière dont on vit sous mode chinois en Chine. 
 
Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 
 


Interview : « Trois questions à… Alicia Veneziani, de Didi Chuxing »
« Trois questions à… Alicia Veneziani, de Didi Chuxing »

Pour cette seconde édition des « French Insiders », l’équipe French Tech Beijing présidée par Jean Dominique Séval, recevait Alicia Veneziani, jusqu’à récemment responsable au sein de l’équipe « International & Growth Strategy » de Didi Chuxing avant de rejoindre Bytedance. Interviewée par Héléna Javitte, vice-présidente de French Tech Beijing, elle a partagé son expérience rare d’une Française plongée au cœur d’un des géants du numérique chinois.

Alicia, comment passe-t-on de brillantes études d’ingénieur en France et au MIT (USA) à une expérience unique chez un géant de la Tech chinoise ?

Je suis arrivée en Chine en 2015, grâce à Air Liquide qui m’a proposé de travailler sur leurs projets environnementaux de pointe, comme les stations de rechargement à hydrogène. Une chance que j’ai saisi sans hésiter, pour découvrir ce pays à travers des projets très innovants. Après une expérience aux États-Unis, c’est une discussion autour d’un café avec un ami travaillant chez Didi et trois entretiens passés dans la journée, qui m’ont propulsé au sein de l’équipe chargée de l’internationalisation de Didi Chuxing. J’ai vite compris que je n’aurais pas de « zone de confort » tant les challenges à relever étaient nombreux : que ce soit de travailler en équipe dans une entreprise chinoise au rythme très soutenu, que d’être en mesure d’obtenir des résultats. Seule employée étrangère au département stratégie, les débuts ont été quelque peu stressants, et j’ai dû sacrifier l’efficacité d’organisation au profit la vitesse d’action.

Quelles sont les réalisations dont vous êtes la plus fière ?

Sans hésitation, l’entrée réussie de Didi en Russie. Un dossier sur lequel j’ai travaillé dès le début lorsqu’il s’agissait de doter le groupe d’une stratégie internationale à la hauteur de ses ambitions. Un travail de ciblage, de récupération des données clés, de définition des objectifs en fonction des revenus générés (le nombre de déplacements moyens) et du nombre de passagers potentiels, et au final, de mise en place d’un plan de marche avec une équipe dédiée. Cela n’a pas été simple, il a fallu garder la tête froide, savoir prendre de recul pour résoudre les nombreux conflits qui surgissent quand les collègues travaillent sous pression. Il a surtout fallu s’adapter, et parfois à des choses toutes simples, comme le fait de ne pas envoyer d’emails. En effet, à votre arrivée chez Didi, on vous donne un code pour accéder aux ressources et aux outils dont vous aurez besoin, et les échanges se font via une messagerie intégrée à une application très bien pensée. Résultat, en un an et demi, j’ai dû écrire quatre emails, en tout et pour tout !

Qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui à continuer à travailler pour des employeurs chinois ?

J’ai encore beaucoup à apprendre, et ces expériences pour de tels groupes sont uniques. Avec le recul, je pense qu’il me faudra mieux définir la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Par exemple, Didi va plus loin que ce que proposent certains géants de la tech aux États-Unis, en mettant à disposition pour certains employés (essentiellement les développeurs) des chambres pour faire la sieste et passer la nuit au bureau, des nounous pour garder les enfants, et l’accès – soir compris – au restaurant d’entreprise. Pour l’avenir, Didi m’a proposé de rejoindre leur équipe chargée de l’Europe, mais étant donné que mon mari travaille en Chine et de la difficulté de voyager en période de Covid-19, j’ai décidé de rester ici et de rejoindre les équipes de Bytedance à Shanghai pour une nouvelle aventure !


Rendez-vous : Semaines du 15 mars au 24 avril
Semaines du 15 mars au 24 avril

24 – 26 mars, Shenzhen : PCHISalon des soins personnels et des cosmétiques

30 mars – 1er avril, Shenzhen : Guangzhou International Toy & Hobby Fair, Salon international du jeu et du jouet en Chine

30 mars – 1er avril, Pékin : CIOOE, Salon chinois international du pétrole et du gaz offshore

1er – 3 avril, Shenzhen: LED China, le plus grand salon mondial de l’industrie des LED

14 – 16 avril, Shenzhen: CEF, Salon chinois de l’électronique

15- 24 avril, Foire de Canton : China Import and Export Fair, Salon international de l’import-export – en ligne.