Hong Kong : Nouveau tour de vis patriotique

Nouveau tour de vis patriotique

A nouveau, le dossier hongkongais fait l’objet d’une attention toute particulière durant les « Deux Assemblées ». Déjà l’an passé, le Parlement avait créé la surprise en annonçant le passage en force d’une loi de sécurité nationale, qui fêtera son premier anniversaire le jour où le Parti Communiste chinois célébrera son centenaire (1er juillet). Depuis lors, 100 personnalités politiques et activistes prodémocratie ont été arrêtés, accusés de subversion.

Un an plus tard, Pékin enfonce un autre clou dans le cercueil du principe « d’un pays, deux systèmes », alors que trois élections cruciales sont attendues dans la région « semi-autonome » : celle du Parlement local, le « Legco », et celle du « comité électoral » qui sera formé en décembre 2021 puis choisira en 2022 un nouveau chef de l’Exécutif pour succéder à Carrie Lam.

Fin 2019, le camp pro-Pékin a subi une défaite cuisante aux élections de district, durant lesquelles 90% des 452 sièges ont été remportés par des candidats pro-démocrates. Pékin a fait ses calculs et ne pouvait pas prendre le risque de laisser l’opposition prendre le contrôle du Legco aux prochaines élections, repoussées pour des raisons sanitaires à septembre 2021.

Pour éviter un tel scénario, inacceptable à ses yeux, Pékin s’est donc résolu à une réforme chirurgicale du système électoral hongkongais, en détournant le principe de Deng Xiaoping en 1984 « les Hongkongais gouvernent Hong Kong », qui devient sous Xi Jinping en « les patriotes gouvernent Hong Kong ». 

Les détails ne sont pas encore connus, mais la presse hongkongaise rapporte que l’actuel comité électoral serait élargi à 1500 voix au lieu de 1200 actuellement, pour diluer les quelques voix prodémocratie présentes. Le comité serait également renforcé, puisqu’il aura le pouvoir de valider la candidature des futurs députés du Legco en s’assurant qu’ils sont de « bons patriotes » selon la définition choisie par Pékin – c’est le changement le plus frappant de cette réforme.

Le nombre total de sièges au Legco passerait aussi de 70 à 90 tandis que les cinq « super sièges » (les plus représentatifs du Parlement, car élus au suffrage universel direct) seraient éliminés. Ils avaient été ajoutés en 2010 lors d’un unique pas vers un système plus démocratique. Pour s’assurer du contrôle du Legco, Pékin devrait donc repousser encore une fois les élections au Legco à septembre 2022, c’est à dire après la nomination d’un successeur à Carrie Lam. Sans ces changements, il y aurait eu un risque que le candidat préféré de Pékin se retrouve dans une position défavorable face à ceux de l’opposition. Grâce à cette réforme, le futur chef de l’exécutif, loyal à Pékin, sera assuré de faire l’unanimité au Parlement local.

Mis à part les rares membres de l’opposition qui consentiront à promettre d’être loyaux à Pékin, cette réforme équivaut à écarter de la vie politique hongkongaise toute opposition indépendante. D’ici bien avant 2047, le Legco a donc toutes les chances de ressembler à l’Assemblée Nationale Populaire pékinoise…

Alors que les manifestations populaires ont pris fin sous le joug de la nouvelle loi de sécurité nationale, et qu’une bonne partie des figures de l’opposition ont été arrêtées ou sont en exil, pourquoi Pékin ressent-il le besoin de procéder à ce nouveau tour de vis ? Les dirigeants ne vont-ils pas trop loin ? Certains intellectuels chinois et membres du camp pro-Pékin se poseraient la question…

On peut interpréter cette logique jusqu’au-boutiste (que l’on retrouve également dans la campagne anti-corruption) par le désir d’éliminer tout risque, menaçant le leadership du Parti, mais également par l’ambition personnelle de Xi Jinping, bien embarqué pour un troisième mandat en 2022. En quête de victoires, le Président semble bien décidé à ramener fermement, définitivement, et avant l’heure (2047) Hong Kong dans le giron, quoiqu’il en coûte et se moquant des répercussions – les États-Unis et l’Union Européenne ont déjà condamné cette réforme imminente, accusant Pékin de renier sa promesse d’introduire le suffrage universel direct selon les articles 45 et 68 de la Basic Law. Mais détruire la porte d’entrée de biens, de capitaux, de visiteurs, entre la Chine continentale et l’Occident, est-il bien dans l’intérêt du pays ?

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1 Commentaire
  1. severy

    En traînant Hong Kong sur les rails tranchants de la dictature, le régime de Pékin ne veut pas tuer la poule aux oeufs d’or. Il veut en faire une poule aux oeufs rouges.

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