Petit Peuple : Songjiang : le miracle de renardeau-Einstein

Quand en 2007, Xiaolin, en classe de 1ere (celle des petits de 7 ans), rapporta son 3ème mauvais bulletin, avec un 48 sur 100 en maths, son père Yu Yuelin, malade de déception, comprit qu’il avait un problème. Faute d’avoir été assidu à l’école, il avait été privé d’université, de diplôme, de carrière, pour se retrouver coincé  à 36 ans, épicier de village sans avenir, à Songjiang près de Shanghai. Son obsession était que sa fille au moins, réussisse. Or, voilà qu’à son tour, elle promettait d’être cancre : c’était trop injuste !

Yu se rebella. Ce n’était pas vrai qu’elle ne pigeait rien aux mathématiques ! Tout était question de formule. Qu’il lui pose l’addition 2+1, elle branlait du chef, désolée. Mais qu’il lui montre 2 pommes + une, elle répondait sans hésiter. Le père se mit donc à hanter internet, les librairies, revenant le cartable distendu de bouquins. Il les ouvrit, tenta d’attirer son intérêt par des sucres d’orge en récompense. Mais rien à faire. Après 5 minutes, malgré une évidente bonne volonté, la petite décrochait, baillait aux corneilles, regard chaviré. Et les notes stagnaient. Yu en déduisit que tous ces bouquins n’étaient qu’un fatras de pédantisme sans créativité, à 1000 lieues du jardin secret de sa môme.

Il s’accrocha, révisant ses leçons avec elle, découvrant ainsi peu à peu son mode de fonctionnement. Puis en avril 2008, sur un site internet des maths antiques, il tomba sur un début de piste sérieuse : les anciens Chinois faisaient leurs calculs non selon l’algèbre gréco-arabe mais à partir d’objets et de données tangibles, distances ou forces. Et ils le faisaient afin de régler leurs problèmes matériels. Pour Xiaolin, cela changeait tout. D’impalpable ennemi, les maths se métamorphoseraient en allié secourable !

C’est ainsi que s’appuyant sur ce texte et les bouquins illustrés de la petite, il conçut tout un bestiaire imaginaire, «Petite soeur renarde», «Singe habile», « Lapinou Fifi », « Chiot Duke» et les féroces loups, dont seuls le calcul, la géométrie et l’algèbre permettaient aux héros de se sauver. Le 1er conte à peine écrit, il le lui lut avec un problème à la clé. Et ne voilà-t-il pas que Xiaolin qui avait toujours séché jusqu’alors, devint toute ouïe, se mit à phosphorer, résolvant l’équation en 3min à peine.

Suivant les cours de Xiaolin au jour le jour, Yu rédigea d’autres histoires à tiroirs, dans les heures creuses de l’après-midi, sur le comptoir de son épicerie. « Combien de fromages le corbeau a-t-il lancé sur le renard si, sur le nombre qu’il lui a jeté, la moitié + la moitié de la moitié + 7 ont raté leur cible ? ». A ce prix, la fillette vit sa moyenne vite remonter. Au point de passer 1ère,, puis de remporter en 2010 le concours municipal « Intel » de sciences et d’innovation.

Si son projet réussit tant, c’est grâce à son énorme intuition de psychologie infantile et sa verve de conteur, pour capter l’intérêt de la gamine aux maths. Ainsi « Mimi le chaton », digne de Zhu Geliang, le stratège du roman des «Trois Royaumes», fait calculer aux mômes, vitesse, direction du vent, puis il allume un feu de paille mouillée pour enfumer le château des loups. Mais soudain, maldonne : le vent tourne. C’est pour voir une fois de plus Mimi sauver la situation en commandant à ses troupes de souffler ensemble contre le vent. Dans le monde réel un tel subterfuge n’eût eu aucune chance. Mais il passa comme une lettre à la poste chez Xiaolin, ainsi que chez les millions d’enfants qui suivirent : les « contes de Renardeau-Einstein » passèrent sur internet, pulvérisant les records de clics. Les Editions Sciences du Sichuan durent commander plusieurs tirages, pour faire face aux 75.000 commandes, meilleures ventes de l’année.

Notre épicier doit à présent laisser ses sacs d’oignons pour préparer ses conférences et la suite du livre, ayant accédé à la célébrité sous le sobriquet de « Papa-renard ». A notre sens, le secret du succès tient à avoir retrouvé, sans le savoir, un principe pédagogique éternel, celui d’instruire et plaire en même temps. Les Chinois appellent cela « 循循善诱 », (xún xún shàn yòu), « guider vers le bien, par la patience ».

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