Le Vent de la Chine Numéro 14

du 15 au 21 avril 2012

Editorial : Crise Bo Xilai—l’appareil tient bon

Le Bureau politique du Parti communiste chinois a franchi une nouvelle étape, en votant le 10/04 la suspension de Bo Xilai de son sein et du Comité central, et l’inculpation de son épouse Gu Kailai, pour le décès du Britannique N. Heywood, redéfini en meurtre.

Accusé de « fautes disciplinaires graves », Bo ne peut plus se défendre devant ses pairs et devra faire face à la police interne du Parti. Bizarrement, Gu est citée dans la presse comme « Bogu Kailai », ce qui serait une manière d’impliquer son mari, tout en révélant qu’elle détiendrait illégalement une nationalité étrangère. Rien que par son épouse, Bo voit sa carrière prendre un coup sans doute fatal.

Pour l’instant, Pékin limite l’inculpation à un délit de droit commun. Mais la cause demeure encore latente: «conflit financier» avec Heywood? « liaison »?  Ou bien élimination pour avoir trop parlé?

Sur l’exploitation du fait par le niveau central, le commentaire du Quotidien du Peuple est assez explicite: «en aucune circonstance, des membres du Parti ne peuvent se placer au dessus des lois… ni entraver le cours de la justice».

L’équipe au pouvoir reproche à Bo d’avoir entravé sa démarche vers l’Etat de droit, qui était son scénario de modernisation, préféré à une réforme politique. Elle aurait pu lui asséner deux autres griefs, comme celui

[1] d’avoir multiplié les chorales rouges et envois d’étudiants en stages au village. Cette démarche anachronique a forcément agacé le Président Hu Jintao etle 1er ministre Wen Jiabao, seuls membres du Comité permanent à n’avoir jamais fait le pèlerinage sur les lieux du désormais défunt modèle de Chongqing.

[2] Elle aurait aussi pu reprendre à son compte la rumeur soupçonnant Bo d’avoir envisagé la prise du pouvoir, une fois admis au Comité Permanent, s’appuyant sur les corps de police (1,5M d’hommes) et des membres de l’ancienne équipe.

En tout cas, cette crise a permis d’afficher au grand jour une déchirure au sein des familles régnantes – noyau du pouvoir. On a aussi vu la presse et le 1er min. Wen avertir le pays d’un danger de dérapage du régime, suite à quoi Bo Xilai fut démis. Conclusion provisoire : menacées, les institutions de l’Etat ont tenu bon.

Dans cette crise, l’armée est présente et absente, deus ex-machina : si Bo comptait sur la police pour tenter l’aventure, l’armée chinoise devait soit s’opposer, soit rester passive. C’est dans ce contexte que se lit la campagne de Hu depuis février pour s’assurer la fidélité de tous les corps constitué: armée en tête, pas par hasard !

A présent la pompe à rumeurs s’est tue – condition nécessaire pour négocier un deal entre les clans, et le tenir. Mais avant le retour à la normale, restent des questions.

[1] Y aura-t-il peine capitale, usuelle en cas de meurtre ? Si oui, la règle implicite d’épargner les fils d’apparatchiks et leurs proches, volera en éclats et avec elle, la solidarité interne. De son côté, la rue aura du mal à tolérer le sort tragique d’un leader populaire.

[2] Dans l’appareil, qui soutenait Bo? Apparemment de très hts cadres, parfois pensionnés. Ce qui dévoile une faille systémique: aux «anciens», ce régime a toujours octroyé une large écoute, parfois non constitutionnelle. Mais pour Hu, soulever cette question de l’influence de cet âge au moment où il y accède, tient du dilemme… En définitive, tout ceci force à se demander si le Parti sera capable de résoudre le conflit entre l’intérêt de ses clans et l’Etat de droit ?

NB : L’influence des anciens joue dans les deux sens.

Qiaoshi , ex-Président du Parlement (ANP), aurait joué un rôle capital dans la chute de Bo. Chantre de l’Etat de droit, il avait par ailleurs une animosité familiale contre le clan Bo, ayant lui-même été contraint à se retirer en 1997 par Bo Yibo, père de Xilai…

Enfin, face à toutes ces carences dans la vieille machine, et aux 10 ans perdus en non-réforme (foncier, crédit, carrière), on peut deviner que la prochaine équipe, celle de Xi Jinping,n’aura pas droit à l’état de grâce.


Banque : L’impossible réforme bancaire de Wen

Le 28/03, le 1erministre Wen Jiabao annonçait le lancement d’une légalisation (limitée) du crédit clandestin à Wenzhou (Zhejiang), la Mecque des PME.

Cinq jours plus tard à la radio, il déclare que « franchement, les banques ont le gain trop facile. Il faudrait les subdiviser, pour qu’elles reviennent à leur mission première et financent les PME ». Bien dit, mais Wen, en neuf ans de présidence du Conseil d’Etat, n’a pas touché au système, ce pour quoi il avait toute latitude. Au contraire, suite à la crise de 2008, c’est lui qui leur ordonnait de prêter sans modération… aux GEE (Grandes Entreprises d’Etat) et aux pouvoirs locaux !

Résultat : en 2011 sur les 3800 banques du pays, les cinq plus grandes, toutes d’Etat, ratissent 62% des profits (de plus de 1000milliards de ¥).

Dicté par Pékin, le taux de dépôt est de 2%, celui d’intérêt de 6,57% (marge moyenne de 2,7%, une des plus hautes au monde). Le client est public, donc hors faillite. Sauf que dans cette course échevelée, l’encours atteint 137% du PIB contre 100% en 2010, et que ces placements sont de faible qualité. Du coup, les banques retiennent leurs prêts, à 710 milliards de ¥ en février, 8 à 900 milliards de ¥ en mars, chiffres décevants.

Telles que vues aux USA et en Chine, les causes de la rétention des fonds sont différentes, mais se rejoignent. Pour l’Amérique, la montée en volume de la banque renforce son éloignement du client, l’opacité du marché et les risques de se tromper sur la qualité du projet. Tandis que pour la Chine, les grandes banques profitent de leur monopole et gagnent désormais plus en dormant sur leur or, qu’en le prêtant.

A ceci s’ajoute le reproche aux banques, de multiplier les taxes indues et inutiles, comme celle pour changer le mot de passe de son compte bancaire sur internet. La tutelle CBRC (China Banking Regulatory Commission) vient de mettre cette pratique sous surveillance.

En attendant, aujourd’hui le Conseil d’Etat n’a plus la liberté de réformer le crédit en le dérégulant ou bien en cassant sa marge, car le marché financier s’attend à un « tsunami » de prêts irrécupérables, jusqu’à 40% de hausse en 2012. C’est le pire moment pour confisquer aux banques leur monopole, en octroyant des licences à des corporations privées riches en cash, comme le réclamait Zong Qinghou, président de Wahaha, lors de la dernière session de l’ANP, le Parlement.

Cette chute des prêts est aussi due à la lutte contre l’inflation, 6,5% en août 2011, ramenée à 3,2% en février, en obligeant les banques à renforcer leurs réserves à la banque nationale. Mais elles réagirent en refusant impitoyablement les prêts aux petits clients, causant d’innombrables faillites de PME, fort visibles notamment dans les shopping malls aux boutiques à 90% « à louer ».

Le 13/04, la Chine entière attendait avec nervosité l’annonce officielle de la croissance du trimestre : 8,1%, taux le plus bas depuis 2009 – et encore, d’autres sources mettent en doute ce chiffre, du fait de la chute de consommation et de la baisse de production d’électricité. G. Chang parle de « 3 à 4% » ! L’inflation était de 3,6% en mars, soit +0,4%, et de 7,5% pour les produits alimentaires. 

 Vu sous cet angle, la complainte du 1er ministre semble vouée à demeurer sans suite. On se prend même à soupçonner qu’elle n’ait jamais eu d’autre but que celui de polir, dans l’avenir, son image de « papy-Wen », vieil homme gentil, voulant bien faire… et sans pouvoir.         ‘


Diplomatie : Pékin – Ankara, une synergie pour tout le Levant

Pour la première fois en 27 ans, un 1er ministre turc s’est rendu à Pékin.

À Ankara, RT. Erdogan avait déjà reçu en février le vice-Président Xi Jinping. Les 8-11/04, il rencontra son alter ego Wen Jiabao puis le chef de l’Etat Hu Jintao, signe d’une embellie – bien nécessaire à vrai dire depuis trois ans.

En 2009, Erdogan avait surgelé les rapports, en qualifiant de « génocide » la répression des Ouïghours du Xinjiang. Cette fois, il s’abstint de critiques, et se rendit sur le territoire autonome visiter  Goldwind, un des leaders nationaux de l’éolienne.

Mais c’est du n°1 Sinovel qu’il obtint une « ferme à vent » de 600MW, pour un investissement de 1milliard de US$ à charge de la CDB (la banque de développement), à installer en Turquie d’ici 2015. Avic aussi signait une JV  d’1,5milliards de US$ pour une centrale thermique (1320MW), assortie d’une mine au nord du pays.

Réconciliation pragmatique donc, au nom d’une prometteuse synergie géo-stratégique – les échanges ont déjà bondi en 2011 (malgré la récession) à 18,7milliards de $ (+24%) et devraient quintupler sous 8 ans.

Il s’agit d’attirer les groupes chinois de l’énergie et d’autres secteurs pour employer la main d’oeuvre turque à bas coût et équiper ce pays de 70millions d’habitants, les Balkans, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord.

En télécoms, ZTE et Huawei sont déjà sur place, ce dernier avec son centre R&D.

Pauvre en énergies fossiles, la Turquie a lancé un appel pour deux centrales nucléaires à livrer d’ici 2023. CNNC ( China National Nuclear Corporation) et CGNPC ( China Guangdong Nuclear Power Corp) sont en lice, face à de redoutables rivaux, tels le Sud-coréen Kepco (en tête), le Russe Atomstroyexport (qui a emporté en 2011 la 1ère centrale turque, quatre réacteurs de 1200MW), et le Japonais Mitsubishi (peut-être allié au français Areva ). Lors de la visite, faisant miroiter ses imparables capacités de financement, Pékin pressa les palabres, mais sans résultat autre que de vagues déclarations d’intention : malgré des progrès rapides, sa technologie nucléaire reste encore en retard, handicap lourd, après la catastrophe de Fukushima.

Autre volet de la visite d’Etat, le dialogue politique, socle indispensable pour toute coopération novatrice et à long terme, comme celle à la portée de ces deux grands pays. Mais là, force est de constater que le fruit n’est pas à la hauteur des ambitions – le courant ne passe pas ! Le conflit ouïghour (sujet très sensible à Ankara car concernant le sort d’une peuplade d’origine turque, perdue aux confins chinois) tout juste réglé – à grand peine – apparaît une autre pomme de discorde, sur la Syrie.

Avec ce pays en guerre civile, Ankara a une frontière commune, par laquelle elle a vu arriver 25.000 réfugiés. De sensibilité atlantiste, elle croit que le problème se réglera par la chute de B. el-Assad.

Hélas, la Syrie est vassale de Téhéran, alliée (pétrole oblige) de Chine et Russie, soudées pour sauver la sanglante dictature – à ce jour, elles ont bloqué à l’ONU tout soutien militaire aux insurgés. Mais cela va-t-il durer ?

De plus, que l’armée syrienne ait abattu des réfugiés sur sol turc, irrite fort Erdogan, qui parle de solliciter l’aide de l’OTAN « pour sa défense »… En tout cas, ce dossier bloque probablement toute alliance de fond entre Ankara et Pékin. Cela dit, sur cette guerre en cours, où se joue en partie le sort de la région, les événements fluctuent—rien n’est joué.


Société : La mort ruine

Pendant le Qingming, fête des morts (02-04/04), ils furent 15% de plus qu’en 2011, 520 millions à entretenir les tombes -signe d’une demande croissante en éthique et transcendance, valeur refuge face aux questions d’avenir. L’une d’elles,  indéniable, est celle de la propre sépulture.

La densité démographique de la côte autour des villes, exerce une pression sur les espaces disponibles aux nécropoles.  D’où une flambée des prix.  Ainsi les 33 cimetières pour 19 millions d’âmes pékinoises ont vu leurs prix multiplier par 15 en 9 ans, atteignant jusqu’à 3millions de ¥ le caveau à Babaoshan.

Vaincus par de tels prix, la plupart « délocalise » l’inhuma-tion, 9.000¥ à 100km contre 36.000¥ à 12km. L’Etat envisage aussi de geler les prix, avec subventions aux pauvres.

Mais pour lui, cette situation anarchique est intenable. Avec 178 millions de plus de 60 ans en 2009 et une population vieillissante (fruit de la politique de l’enfant unique), les 9millions par an de décès à gérer tripleront sous 30 ans, et l’espace réduira.

Seule solution durable : la crémation, mais la moitié des familles (rurales) la refusent, par tradition. Aussi, les mairies multiplient des cérémonies funéraires collectives, en mer, avec orchestre, prêtres et tout un rituel où les vivants dispersent les 1,4 kg de cendres par dessus bord. Le tout subventionné (gratuit à Qingdao, Shandong). Grâce à cette méthode, en 21 ans,  Shanghai a épargné 35.000m2: encore trop peu, mais ce n’est qu’un début, indispensable pour réserver les ceintures vertes des villes chinoises… aux légumes, aux lotissements, aux vivants !


Culture : Couac dans le droit d’auteur musical

La loi des droits d’auteurs musicaux fait peau neuve : le 31/03, l’Administration Nationale du copyright (NCA) soumet au public son projet d’amendement. Et c’est la fureur au Landernau des musiciens!

[1] disparait la formule-clé, « nulle oeuvre peut être jouée sans permis de l’auteur », et

[2]    passés trois mois,  quiconque pourra diffuser l’air sans permission, en payant l’auteur à tarif public via la Société des droits d’auteurs

On voit d’où vient le tir. D’immenses besoins en musique à bas prix surgissent, générés par des consortiums multimédia aux dizaines de milliers d’employés.

C’est la nouvelle politique du régime, de créer des pôles culturels de dimensions mondiales, sous contrôle. D’ici 2015, ce secteur semi-étatique est supposé générer 150milliards$ de chiffre d’affaires et 5% du PIB, devenant ainsi « pilier stratégique ».

Contre le projet, les artistes se défendent, soutenus par la presse. C’est de la créativité voire de l’avenir de l’art en Chine  qu’il est question, dit Zhang Tie (groupe rock Push). Si le texte passe, pourquoi s’efforcer d’écrire une musique qui, en trois mois, ne pourra se rembourser ? Seul progrès du projet : en cas de piratage, les tribunaux accorderaient jusqu’à 1million¥ de compensation,  le double du montant actuel.

Enfin, précise Yan Xiaohong, n°2 à la NCA, les suggestions ont 15 jours pour arriver avant la rédaction du texte définitif – qui devra être voté au parlement (ANP).    L’Etat semble plongé dans un « drame cornélien », entre son procédé législatif démocratique de sollicitation d’opinions, et la pression de lobbies, pour le compte d’une idéologie autoritaire de la culture.


Diplomatie : L’Asie, entre «  fusée » de Pyongyang et faucons chinois

Fin février, suite à des années de discussions avec les USA, par l’entremise de Pékin, la Corée du Nord abandonnait ses tests nucléaires et balistiques, moyennant 240.000t d’aide alimentaire.

Puis mi-mars, officiellement pour célébrer le centenaire du père fondateur Kim Il-sung, elle annonce le lancement d’une «fusée» avec «satellite», qui décolle finalement le 13/04. Un échec, la fusée replongeant en mer après à peine deux minutes, sous les yeux de 50 journalistes étrangers invités sur place. Mais durant un mois, tous les voisins de ce petit pays enclavé angoissèrent, soupçonnant un essai de tir balistique longue portée, des tests nucléaires associés : Tokyo, Séoul, Pékin et Shanghai étaient dans le rayon de tir.

Mais si Chine, Corée du Sud et Japon partageaient l’inquiétude, ils ne s’entendirent pas sur la réponse à apporter, lors d’un sommet à Ningbo (08/04), resté sans consensus. Pékin prenait des distances vis-à-vis du «pays du Matin calme», laissant migrer des réfugiés nord-coréens vers Séoul – une 1ère depuis 2007. Mais il refusait de laisser détruire la fusée en vol, ou de couper son cordon ombilical de vivres et de carburants, sans lequel Pyongyang ne peut survivre.

Il l’admet, le petit pays stalinien est aux abois. Kim Jong-un, petit-fils de Kim Il-sung, a besoin d’un geste d’éclat pour asseoir son pouvoir sur le Parti des Travailleurs et l’armée. Mais ce pays est fameux pour ses colères sur les questions de face. Or, en cas d’ «explosion» de Pyongyang, dont la frontière (nord) est ouverte, contrairement à la zone démilitarisée au Sud, infranchissable, la Chine serait aux 1ères loges. Ainsi, pour l’instant, le coup de poker de Kim Jong-un semble payant : le 11/04, il empochait le titre de 1er secrétaire du Parti.

Dernière raison à la passivité chinoise, des  concessions de Pyongyang. Pékin dément, mais Séoul parle d’un redéploiement en Zone économique spéciale du port en eaux profondes de Rason : pour 3milliards de US$ d’investissements d’infrastructures, réseau ferré, aéroport et centrale thermique, il ouvrirait à la Chine un stratégique accès direct en mer du Japon -à Shanghai, à la route Arctique…

 Les incidents qui suivent ont un lien avec ce souci permanent de la Chine de « prendre le large ».

Le 15/03, en mer de Chine de l’Est, deux garde-côtes de l’armée chinoise (APL), passaient entre les îles Diaoyu/Senkaku, sous contrôle du Japon, qui répliquait en classant « trésor national » un de ces quatre îlots (27/03), et en reportant à l’été la visite du n°3 de l’APL, le général Guo Boxiong.

Même hyperactivité chinoise 1000 km plus au sud, face aux Philippines.

Dans la presse, le 08/04, le bouillant général Luo Yuan ne mâche pas ses mots, menaçant Manille de « dernière chance » pour régler le différend territorial. Coïncidence ? Le même jour, dans ses eaux du banc de Scarborough proche des philippines mais que Pékin revendique, deux patrouilleurs chinois empêchent le navire amiral philippin d’arraisonner une poignée de chalutiers chinois. Puis l’affaire s’envenime : les deux pays se promettent de « préférer la solution diplomatique », mais envoient chacun des renforts navals, la Chine semblant cette fois décidée à faire jouer sa force de frappe supérieure.’                ‘ Pourquoi cette assertivité militaire chinoise en ce moment ? Peut-être est-elle liée à la crise « Bo Xilai » où se débat depuis février la classe politique les militaires monnayant au prix fort leur ralliement au Président Hu Jintao.  


Petit Peuple : Songjiang : le miracle de renardeau-Einstein

Quand en 2007, Xiaolin, en classe de 1ere (celle des petits de 7 ans), rapporta son 3ème mauvais bulletin, avec un 48 sur 100 en maths, son père Yu Yuelin, malade de déception, comprit qu’il avait un problème. Faute d’avoir été assidu à l’école, il avait été privé d’université, de diplôme, de carrière, pour se retrouver coincé  à 36 ans, épicier de village sans avenir, à Songjiang près de Shanghai. Son obsession était que sa fille au moins, réussisse. Or, voilà qu’à son tour, elle promettait d’être cancre : c’était trop injuste !

Yu se rebella. Ce n’était pas vrai qu’elle ne pigeait rien aux mathématiques ! Tout était question de formule. Qu’il lui pose l’addition 2+1, elle branlait du chef, désolée. Mais qu’il lui montre 2 pommes + une, elle répondait sans hésiter. Le père se mit donc à hanter internet, les librairies, revenant le cartable distendu de bouquins. Il les ouvrit, tenta d’attirer son intérêt par des sucres d’orge en récompense. Mais rien à faire. Après 5 minutes, malgré une évidente bonne volonté, la petite décrochait, baillait aux corneilles, regard chaviré. Et les notes stagnaient. Yu en déduisit que tous ces bouquins n’étaient qu’un fatras de pédantisme sans créativité, à 1000 lieues du jardin secret de sa môme.

Il s’accrocha, révisant ses leçons avec elle, découvrant ainsi peu à peu son mode de fonctionnement. Puis en avril 2008, sur un site internet des maths antiques, il tomba sur un début de piste sérieuse : les anciens Chinois faisaient leurs calculs non selon l’algèbre gréco-arabe mais à partir d’objets et de données tangibles, distances ou forces. Et ils le faisaient afin de régler leurs problèmes matériels. Pour Xiaolin, cela changeait tout. D’impalpable ennemi, les maths se métamorphoseraient en allié secourable !

C’est ainsi que s’appuyant sur ce texte et les bouquins illustrés de la petite, il conçut tout un bestiaire imaginaire, «Petite soeur renarde», «Singe habile», « Lapinou Fifi », « Chiot Duke» et les féroces loups, dont seuls le calcul, la géométrie et l’algèbre permettaient aux héros de se sauver. Le 1er conte à peine écrit, il le lui lut avec un problème à la clé. Et ne voilà-t-il pas que Xiaolin qui avait toujours séché jusqu’alors, devint toute ouïe, se mit à phosphorer, résolvant l’équation en 3min à peine.

Suivant les cours de Xiaolin au jour le jour, Yu rédigea d’autres histoires à tiroirs, dans les heures creuses de l’après-midi, sur le comptoir de son épicerie. « Combien de fromages le corbeau a-t-il lancé sur le renard si, sur le nombre qu’il lui a jeté, la moitié + la moitié de la moitié + 7 ont raté leur cible ? ». A ce prix, la fillette vit sa moyenne vite remonter. Au point de passer 1ère,, puis de remporter en 2010 le concours municipal « Intel » de sciences et d’innovation.

Si son projet réussit tant, c’est grâce à son énorme intuition de psychologie infantile et sa verve de conteur, pour capter l’intérêt de la gamine aux maths. Ainsi « Mimi le chaton », digne de Zhu Geliang, le stratège du roman des «Trois Royaumes», fait calculer aux mômes, vitesse, direction du vent, puis il allume un feu de paille mouillée pour enfumer le château des loups. Mais soudain, maldonne : le vent tourne. C’est pour voir une fois de plus Mimi sauver la situation en commandant à ses troupes de souffler ensemble contre le vent. Dans le monde réel un tel subterfuge n’eût eu aucune chance. Mais il passa comme une lettre à la poste chez Xiaolin, ainsi que chez les millions d’enfants qui suivirent : les « contes de Renardeau-Einstein » passèrent sur internet, pulvérisant les records de clics. Les Editions Sciences du Sichuan durent commander plusieurs tirages, pour faire face aux 75.000 commandes, meilleures ventes de l’année.

Notre épicier doit à présent laisser ses sacs d’oignons pour préparer ses conférences et la suite du livre, ayant accédé à la célébrité sous le sobriquet de « Papa-renard ». A notre sens, le secret du succès tient à avoir retrouvé, sans le savoir, un principe pédagogique éternel, celui d’instruire et plaire en même temps. Les Chinois appellent cela « 循循善诱 », (xún xún shàn yòu), « guider vers le bien, par la patience ».


Rendez-vous : La Foire bisannuelle de Canton

15 avril au 5 mai : Foire de Canton

16-19 avril, Shenzhen : CMEF – Salon des équipements médicaux

16 -23 avril, Wuhan : Rencontre des constructeurs auto

18-21 avril, Shanghai : China Plas, Salon du plastique et du caoutchouc

19-21 avril, Chongqing : Salon industriel international

19-22 avril, Shanghai : Salons du Nautisme et des produits de luxe

21-22 avril, Pékin : Forum du design automobile et des technologies

25-27 avril, Shanghai : NEPCON, Salon de l’industrie électronique