Editorial : A la veille des deux Assemblées

Le 5 mars, suivant un rite immuable, les 2980 membres de l’ANP (Assemblée Nationale Populaire) au Grand Palais du Peuple, écouteront le 1er ministre Li Keqiang ouvrir le plenum annuel. 48h plus tôt, ils auront été précédés par ceux de la CCPPC (Assemblée consultative). Mais l’atmosphère de cette session des « deux Assemblées » (两会) s’annonce tendue : le Président Xi Jinping doit faire face à mille soucis, exacerbés par le ralentissement économique.

À plus 480 milliards de $ d’emprunts supplémentaires en janvier, le spectre de la dette rebondit, notamment en provinces et dans les consortia pour sauver l’emploi. Le 22 février, le Qinghai Investment Group, sentit souffler le vent de la faillite, incapable de payer 11 millions de $ d’intérêts sur un emprunt de 300 millions de $. Il fut sauvé in extremis par un paiement effectué le lendemain, probablement par la province, ne pouvant accepter une faillite publique, catastrophique pour son image.

La crise frappe les fortunes privées : par rapport à 2018, 213 milliardaires en $ ont disparu de la liste Hurun-2019, après avoir perdu 1000 milliards de $ sur 12 mois, dans la chute de la bourse et l’érosion de 6% du yuan.
Autre hantise du régime, de nombreux groupes sociaux manifestent. A Pékin, 35 parents dénoncent des vaccins périmés ayant rendu malades leurs enfants.

Ailleurs, certains des 57 millions de vétérans de l’armée protestent contre leurs retraites faméliques. Le pouvoir tente de réagir : après leur avoir dédié un ministère spécialisé en mars 2018, il leur promet une « loi des vétérans », à voter par l’ANP en fin de la session de mars.

Autre souci : la pollution à l’ozone, sous les émissions non contrôlées de CFC et de gaz organique composites. Dès 2010, l’ozone causait le décès de 316.000 adultes. Cette dégradation de l’environnement reste le  plus rude sujet de mécontentement. Justement, le Parlement, lors de la session, promet de renforcer les contrôles de terrain, pour faire appliquer l’arsenal de lois vertes passées depuis 2015.

Xi Jinping promet également, par voie de presse, aux investisseurs étrangers de renforcer l’« Etat de droit » en leur faveur, et la protection de leur propriété intellectuelle. Une nouvelle loi devrait être votée à ce sujet lors de l’ANP. Toutes ces références sont un clin d’œil aux Etats-Unis, dont Xi prétend prendre en compte les exigences (ce qui ne veut pas dire « les satisfaire »). Elles s’adressent aussi aux projets BRI (« initiative ceinture et route »). Il s’agit de relancer un programme en butte aux doutes croissants des Etats partenaires, vis-à-vis du programme chinois d’infrastructures sur leur sol.

A propos du Xinjiang, où un million de Ouighours seraient détenus dans des camps de « rééducation professionnelle », la Chine semble désireuse d’émettre des signaux positifs, depuis que la Turquie a dénoncé ces camps – premier pays islamique à le faire.

Ainsi après un an passé dans un tel camp, Hesim, footballeur ouighour de 20 ans, peut réintégrer le Onze national. De même, selon plusieurs témoins, les libérations de Ouighours se multiplient, et au moins quatre groupes de diplomates ont pu visiter l’un de ces camps.

Dans ce contexte, la nomination au Xinjiang, d’un nouveau secrétaire du Parti « responsable de la loi et de l’ordre »,  Wang Junzheng, étoile montante de 56 ans, ancien secrétaire du Parti de Changchun, à l’image neutre dans la région, peut-être annonciatrice d’autres gestes d’ouverture. Il reprenant le poste de Zhu Hailun, atteint de la limite d’âge. Cela n’empêche pas le Secrétaire du Parti Chen Quanguo, l’homme fort du Xinjiang, de rester fermement au manettes de sa politique de pacification ethnique qu’il a inventée et mise en place.

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