Sécurité Alimentaire : La sécurité alimentaire en haut de l’agenda politique chinois

La sécurité alimentaire en haut de l’agenda politique chinois

« Les bols de riz du peuple chinois doivent être remplis de céréales chinois ». C’est ainsi que le Président Xi Jinping a rappelé que la sécurité alimentaire devait être une priorité pour le gouvernement au même titre que l’auto-suffisance. Dans « un contexte international perturbé », référence à la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui représentent à eux deux 29% des exportations mondiales de blé, « la Chine ne peut plus compter sur les marchés internationaux pour se nourrir », aurait ainsi déclaré le dirigeant chinois. Cette quête vers l’auto-suffisance sera en partie soutenue par les biotechnologies « made in China », telles que ce riz tolérant à l’eau de mer ou encore les OGM, plus controversés…

La Chine invente le riz tolérant à l’eau de mer

Dès les années 1950, la Chine de Mao avait commencé à étudier la possibilité de créer un riz tolérant au sel car le riz traditionnel ne peut croître dans des eaux contenant plus de 0,3% de sel, ce qui rend incultivables 100 millions d’hectares de terres du pays.

Le renommé professeur Yuan Longping (1930-2021), avait relancé en 2012 cette idée de créer un riz capable de se développer dans des eaux salées pour renforcer la sécurité alimentaire de sa nation, en dépit de la montée des mers résultant du réchauffement climatique. Cette année-là, le « père du riz hybride » avait fait planter plus de 200 souches de riz provenant de différentes régions du monde tolérantes au sel sur les côtes de la mer Jaune près de Qingdao (Shandong), avec pour objectif de sélectionner des variétés de riz sur des terres salées et alcalines, alors incultivables.

En 2016, il avait choisi six sites d’expérimentation de ses lignées les plus avancées tout au long des côtes chinoises, du Heilongjiang à l’île de Hainan, et aussi implanté des parcelles d’essais à l’étranger, à Dubaï notamment. Suite à ces travaux, son équipe obtenait un rendement de 7,5 tonnes à l’hectare en péninsule arabique en 2018, puis un rendement moyen de 11,3 T/ha près de Tianjin, trois ans plus tard.

Quelques mois après le décès de Yuan Longping en 2021, l’équipe de recherche de Qingdao vient d’annoncer qu’elle a mis en place 400 000 hectares de cultivars de ce nouveau type de riz tolérant à l’eau de mer et qu’elle projette de permettre à la Chine de cultiver 6,7 millions d’hectares de ce nouveau riz, permettant de nourrir 80 millions de personnes d’ici 8 à 10 ans. Dans la mesure où la surface totale de riz paddy du pays pour la campagne 2011/22 devrait atteindre les 30 millions d’hectares selon le Centre National de l’Information des Grains et des Huiles, cette avancée génétique sur presque 7 millions d’hectares complémentaires est tout à fait considérable pour tendre vers l’auto-suffisance alimentaire, au moment où son urbanisation fait reculer ses surfaces de terres arables.

Et étant donné que la hausse du niveau des mers affecte plusieurs grands pays producteurs et consommateurs de riz, tels que le Bangladesh, le Vietnam ou l’Inde, cette avancée technologique majeure devrait aussi contribuer à renforcer le « soft power » du régime de Xi Jinping. L’exportation, dans un futur proche, de cette nouvelle variété de riz n’est donc pas à exclure. C’était d’ailleurs le vœu du défunt Yuan Longping.

Avancées chinoises en OGM

En 1988, la Chine était le second pays dans le monde – un an après les Etats-Unis – à cultiver des plantes commerciales génétiquement modifiées, en l’occurrence du tabac résistant à certains virus.

Depuis, même si sa recherche avait mis au point un certain nombre de plantes transgéniques et malgré son rachat du semencier international Syngenta en 2017 par ChemChina, la Chine hésitait à mettre en marché des cultures transgéniques (à l’exception notable du cotonnier et du papayer) probablement pour deux raisons.

D’une part, ses laboratoires universitaires et quelquefois privés, avaient partiellement pillé pour ce faire des technologies occidentales, ce qui était gênant du point de vue du respect du droit international pour le pays, devenu membre de l’OMC depuis le 11 décembre 2001.

D’autre part, des courants d’opposition aux OGM étaient apparus en Chine, y compris au sein du Parti, et avaient entravé l’adoption de cette biotechnologie.

Depuis le début de l’année, malgré une opinion publique peu favorable, la situation est en train de changer : après un programme-pilote de près de 10 ans, le gouvernement a décidé de promouvoir certaines cultures génétiquement modifiées, céréales et oléo-protéagineux, avec pour objectif de gagner en souveraineté et en sécurité alimentaire.

Des fonds financiers importants sont en train d’être mis à disposition des chercheurs, notamment au niveau de l’Académie chinoise des Sciences Agricoles (CAAS). En parallèle, plusieurs textes réglementaires ont été adoptés pour accélérer le processus de mise en marché de variétés génétiquement modifiées, une fois les essais pilotes validés par les autorités.

Quatre variétés de maïs et trois de soja, mises au point en Chine, viennent d’obtenir leur certification et vont pouvoir être commercialisées au printemps auprès des agriculteurs chinois.

De plus, en janvier, le ministère de l’Agriculture a diffusé des règles permettant d’inscrire en un à deux ans, au lieu de six auparavant, des variétés issues d’édition génique en Chine qui contiennent de petits ajustements à leurs séquences natives d’ADN. Un blé édité tolérant au mildiou, un champignon particulièrement néfaste, est ainsi déjà disponible. Parmi les projets avancés, des riz aromatiques ou des sojas à haute teneur en acide oléique et faible teneur en acides gras saturés, paraissent particulièrement prometteurs.

Cette solide feuille de route en matière de biotechnologies végétales, accompagnée de son cadre légal, devrait permettre à la Chine de devenir un leader de l’amélioration génétique des plantes, de mieux assurer son auto-suffisance alimentaire et de limiter demain une part de ses importations de soja et de maïs. Et l’opinion publique n’aura qu’à s’y faire…

Par Alain P. Bonjean

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