Environnement : La neutralité carbone sacrifiée sur l’autel de la croissance ?

La neutralité carbone sacrifiée sur l’autel de la croissance ?

En septembre 2020, lors de l’assemblée générale annuelle des Nations Unies, le Président Xi Jinping avait créé la surprise en annonçant que la Chine allait atteindre le pic de ses émissions de CO2 « avant 2030 », et la neutralité carbone d’ici à 2060. Depuis, le ton a quelque peu changé…

Lors de la présentation du rapport gouvernemental par le Premier ministre Li Keqiang en ouverture du Parlement, le patron du Conseil d’État a omis de dévoiler l’objectif de réduction de la consommation énergétique par unité de PIB pour l’année et s’est contenté de déclarer que la Chine se donnera « toute la flexibilité nécessaire » pour atteindre son objectif de réduction de la consommation énergétique par unité de PIB de 13,5% d’ici à 2025.

Même son de cloche de la part du Président Xi Jinping qui a déclaré devant les délégués de Mongolie Intérieure, grande région productrice de charbon, que la transition énergétique ne pouvait pas être accomplie du jour au lendemain et qu’il faudra adopter une approche « réaliste » si le pays veut atteindre ses objectifs carbone (2030 et 2060).

Ce rétropédalage n’est pas surprenant, après la pénurie électrique historique que le pays a connue durant tout l’automne 2021. Cette dernière a été provoquée par une flambée des prix du charbon et du gaz, une hausse de la demande en électricité et des objectifs stricts de réduction des émissions et de la consommation énergétique. La conjonction de ces trois facteurs a contraint la moitié des provinces à imposer un rationnement énergétique à leurs usines, impactant la production industrielle du pays. Depuis lors, les autorités ont réaffirmé l’importance du charbon dans le mix énergétique (56,8%) et redémarré la production à pleine vapeur. En 2021, 33 GW de nouvelles centrales à charbon ont été mises en chantier, un record depuis 2016.

Deux raisons expliquent ce revirement. La première tient à la priorité de l’année : stabiliser la croissance. En effet, si l’État veut atteindre l’ambitieux objectif qu’il s’est fixé pour 2022 (5,5%), il ne peut pas se permettre de prendre le risque que des problèmes énergétiques viennent à nouveau peser sur la croissance économique. La seconde tient à l’envolée des prix de l’énergie (pétrole, gaz…) depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, qui risque de mettre en péril l’objectif annuel d’inflation de 3%. Pour pallier à la volatilité des marchés internationaux, Pékin a promis d’assurer la stabilité des importations tout en stimulant la production domestique de charbon, de pétrole et de gaz de manière à renforcer les réserves nationales.

Le message est clair : la sécurité énergétique passera avant les objectifs de décarbonisation, du moins durant cette année cruciale où le Président Xi compte briguer un 3ème mandat. Cela ne remet toutefois pas en cause les deux objectifs carbone pris par la Chine, assure le gouvernement.

Ironiquement, le son de cloche est le même en Europe, qui se retrouve elle aussi contrainte à rallumer ses centrales à charbon pour réduire sa dépendance envers le gaz russe.

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