Santé : L’OMS, fervent soutien chinois

Après avoir été mise à distance par la Chine lors des premiers mois du SRAS en 2003, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne tarit pas d’éloges à l’égard du gouvernement chinois pour sa gestion de l’épidémie du 2019-nCov. Mais l’OMS se fait aussi remarquer par ses annonces tardives, en décalage avec la réalité du terrain, laissant planer le doute sur ses priorités.

Officiellement, le bureau chinois de l’OMS était notifié le 31 décembre de l’apparition d’une « mystérieuse pneumonie » ayant contaminé 27 personnes à Wuhan. Une semaine plus tard, des chercheurs chinois isolaient la souche du virus. « Un tour de force » selon l’OMS, qui validait le 10 janvier l’apparition d’un nouveau virus de type SRAS. Le 12 janvier, elle félicitait la Chine pour avoir partagé la séquence génétique du virus. Après plusieurs cas avérés dans une même famille, elle reconnaissait une transmission interhumaine « limitée » le 14 janvier, mais niait toute contamination du personnel médical. Quelques jours plus tard, la Chine révélait que 14 docteurs et infirmières avaient été infectés par un seul malade… Jusqu’au 19 janvier, l’OMS ne semblait pas suspecter l’absence de cas de contamination dans d’autres villes de Chine, alors que le virus avait déjà fait un bond hors frontières. Le 20-21 janvier, l’OMS était autorisée à faire une visite de terrain à Wuhan. Le lendemain, l’organisation tenait son premier comité d’urgence, confirmant en fin de compte la transmission « persistante » entre humains. Malgré de vifs débats et une propagation du virus dans une dizaine de pays, l’OMS refusa de déclarer un état d’urgence international. Selon Le Monde, l’organisation basée à Genève aurait renoncé à cette annonce sous pression de la Chine, soucieuse de stabilité sociale et d’éviter les conséquences négatives d’une telle décision pour l’économie. Puis le 28 janvier, le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus (ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères éthiopien) s’envolait pour Pékin, où il salua les mesures chinoises inédites, notamment la mise en quarantaine d’une province entière et de ses 56 millions d’habitants. Le 30 janvier, après la deuxième réunion du comité, le directeur de l’OMS n’avait d’autre choix que de déclarer un état d’ « urgence de santé publique de portée internationale », mais assurait que ce n’était en aucun cas « un vote de défiance à l’égard de la Chine ». « La Chine doit être félicitée pour ses mesures extraordinaires… Elle place la barre haut en créant un nouveau standard de réponse épidémiologique, et ce n’est pas une exagération ». Enfin, Dr. Adhanom Ghebreyesus affirmait que« la détermination chinoise à la transparence ne fait aucun doute », bien qu’il soit de notoriété publique que certains cadres locaux aient tenté de cacher l’épidémie à ses débuts (Pékin menaçant même de les « clouer au pilori de la honte pour l’éternité »). Le DG tirait aussi son chapeau au Président Xi Jinping (en retrait depuis le début de crise), « impressionné par sa connaissance de la situation et par son implication personnelle, démontrant une capacité de leadership très rare ». Le 4 février, le directeur vantait à nouveau les mérites chinois : « grâce aux efforts de la Chine à l’épicentre de l’épidémie, le nombre de cas dans le reste du monde reste relativement faible » (330 cas et 1 décès). Puis quand John Mackenzie, expert du SRAS et des grippes aviaires et membre du comité d’urgence de l’OMS, accusait les autorités chinoises d’avoir cherché à couvrir l’épidémie à ses débuts, le DG répondait que la Chine ne serait à blâmer qu’au terme d’un « examen scientifique à postériori », démontrant l’existence de fautes et de manquements… 

Sans contester le professionnalisme de l’OMS, certains observateurs s’interrogent sur son agenda politique : les recommandations de l’équipe dirigeante de l’Organisation Mondiale de la Santé sont-elles davantage motivées par la volonté de contenir ce virus (présent dans 25 autres pays), ou bien par le souci de sauvegarder la relation avec la Chine, un des principaux contributeurs à son fonctionnement ? En d’autres termes, comment aider la Chine sans la froisser ? Car jusqu’à présent, l’OMS a fait preuve d’une attention toute particulière à ménager les intérêts et l’image de la nation chinoise, reprenant même ses éléments de langage et semblant parfois renoncer à sa prudence médicale, au profit d’une sympathie diplomatique abandonnant son apparente impartialité « au dessus de la mêlée ». C’est que beaucoup de choses ont changé depuis le SRAS : la Chine est notamment devenue la 2èmecontributrice financière de l’ONU, lui permettant ainsi de peser sur les décisions et les nominations au sein des organisations internationales. Jusqu’en juin 2017, l’OMS était d’ailleurs dirigée par Margaret Chan. Selon le site de l’OMS, « sa gestion efficace de la crise du SRAS » lui avait valu d’être la première représentante de la République Populaire de Chine élue à la tête d’une organisation de l’ONU en 2006. Auparavant directrice de la Santé à Hong Kong, Mme Chan avait pourtant été vivement critiquée par le Legco et les familles des 299 victimes pour sa passivité et sa crédulité vis-à-vis des informations venues de Chine…

Enfin il convient de se demander si cette inflexion perceptible de l’OMS en faveur de la Chine, ne va pas lui coûter en terme de crédibilité. Déjà, certains de ses membres se distancient de ses recommandations. Etats-Japon, France, Espagne, Canada, Turquie, Kenya procédaient au rapatriement de leurs ressortissants dans le Hubei. De même, des dizaines de nations passaient outre les appels répétés de l’OMS de ne pas émettre de restrictions aux voyageurs en provenance de Chine, par crainte de favoriser la peur et la stigmatisation… 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
1.07/5
14 de Votes
Ecrire un commentaire