Dans la presse, les comparaisons entre le SRAS et le nouveau coronavirus sont légion. En se penchant dans les archives du Vent de la Chine, on réalise que même si le pays a beaucoup évolué depuis l’épidémie de 2003, les points communs avec la crise d’aujourd’hui sont nombreux.
La première différence avec l’époque du SRAS concerne bien sûr l’accès à l’information. En 2003, les réseaux sociaux n’existaient pas. La panique ne débuta réellement que lorsque les médias et les organisations internationales sonnèrent l’alarme. Aujourd’hui, le public croule sous les articles, photos, vidéos, reportages… Une surabondance qui rend parfois difficile de démêler le vrai du faux.
En 2003, une mission de l’OMS était invitée tardivement à Pékin. A l’occasion, elle mettait en garde la Chine de l’impact des grandes migrations (congés du 1er mai 2003) sur la propagation du virus tant que l’épidémie n’était pas sous contrôle. Aujourd’hui, la Chine collabore de bonne grâce avec l’organisation internationale et semble avoir bien retenu la leçon en prenant des mesures drastiques d’isolation de plusieurs villes. Pourtant, la vitesse de contagion du coronavirus est beaucoup plus rapide que celle du SRAS. Cela peut, en partie, s’expliquer par la démultiplication, en 17 ans, des autoroutes, voies ferrées, et du trafic aérien, propageant en quelques semaines la maladie aux quatre coins du pays (et à l’étranger).
Si le nouveau virus est apparemment moins meurtrier (par rapport au nombre de cas recensés) que le SRAS, c’est aussi grâce à l’accès aux soins qui s’est sensiblement amélioré depuis 2003. La Chine a également fait des progrès immenses en contrôle épidémiologique, notamment en créant un réseau national de Centres de prévention des maladies infectieuses (CDC). Ironiquement, elle dispose même d’un laboratoire de type P4… à Wuhan. Sur le front de la recherche, alors qu’il avait fallu au moins trois mois aux scientifiques chinois pour révéler la séquence génétique du pathogène du SRAS, le nouveau coronavirus était démasqué en une semaine et ses souches distribuées à la communauté scientifique internationale.
Economiquement, le Chine de 2003 n’a plus grand chose en commun avec celle d’aujourd’hui. A l’époque, elle venait juste d’entrer à l’OMC, et entamait son boom d’équipement en infrastructures. Ces chantiers publics avaient contribué à remettre le pays sur pied après le SRAS. Malgré les craintes des analystes, anticipant que le SRAS encouragerait les firmes à amorcer une diversification de leurs fournisseurs pour réduire leur dépendance envers la Chine, le pays réussit à maintenir son statut « d’usine du monde ». 17 ans plus tard, le PIB chinois a quadruplé, ayant largement profité de la mondialisation des chaînes d’approvisionnement, ce qui implique que le reste du monde sera plus impacté aujourd’hui que lors du SRAS. La Chine doit également faire face à des vents contraires qui ne soufflaient pas en 2003 : un fort endettement, une économie qui ralentit, et la guerre commerciale sino-américaine.
La technologie joue également un rôle majeur aujourd’hui : une poignée de services sur smartphones qui n’existaient pas lors du SRAS, comme celui de VTC de Didi Chuxing, les « kuaidi » (compagnies de messagerie), ou les livraisons de repas par Meituan ou Ele.com, permettent aux villes de maintenir un certain niveau de normalité malgré l’épidémie. Des programmes comme DingTalk et WeChat Work permettent à des millions de travailler depuis chez eux.
Dernière différence notable : le SRAS fut le cadeau empoisonné de l’équipe de l’ex-Président de Jiang Zemin, à Hu Jintao et Wen Jiaobao, nouveau tandem intronisé lors de l’Assemblée Nationale Populaire en mars 2003 (durant laquelle le 1er cas pékinois fut hospitalisé en secret). Aujourd’hui, le Président Xi Jinping est fermement aux commandes du pays depuis 2013, et a œuvré pour une centralisation des pouvoirs inédite, avec les moyens modernes.
Parmi les points communs les plus frappants, figure la rétention d’informations aux premiers jours de l’épidémie. En 2003, l’OMS déclarait que « le mois de décembre était perdu pour l’humanité dans la lutte contre le SRAS ». Or dans celle contre le 2019-nCov, l’histoire devrait retenir que les quelques semaines entre fin décembre et mi-janvier ont également été perdues… Car les vieilles habitudes ont la peau dure. Les cadres locaux n’ont pas changé de mentalité : par crainte des répercussions, ils ont préféré couvrir les situations problématiques dans l’espoir de sauver leur place.
A l’époque, le Premier ministre Wen Jiaobao menaçait de limogeage tout cadre qui omettrait de rapporter « sous 2h ses cas de SRAS ». En cas de silence aboutissant à de nouvelles contagions, ils risquaient même la prison. En 2020, la Commission Centrale Politique et Légale promet à ces mêmes cadres passifs, « d’être cloué au pilori de la honte pour l’éternité ». Mais, sur la sellette, le maire de Wuhan se défend, affirmant n’avoir pas pu réagir plus vite dans l’attente du feu vert de Pékin. Ces arguments rappellent ceux, 17 ans plus tôt, du gouverneur de Canton, qui déclara avoir prévenu les autorités centrales « à temps ». En 2003, suite à l’échec du régime face au SRAS, le Ministre de la Santé Zhang Wenkang (l’ancien médecin du Président Jiang Zemin) et le maire de Pékin Meng Xuenong étaient évincés. En 2020, on s’attend à la désignation d’autres boucs-émissaires pour le 2019-nCov, au niveau municipal ou provincial.
Il y a 17 ans, les fauteurs de troubles (par SMS ou sur internet) étaient arrêtés, et la presse muselée (dont le journal le plus libre de l’époque, le Nanfang Zhoumo). En 2019, ceux ayant tenté de lancer l’alerte pour le coronavirus ont également été inquiétés, et les réseaux sociaux, étroitement surveillés voire censurés. Même traitement pour les médias (y compris ceux privés tels Caixin et Caijing) dont la marge de manoeuvre s’est rétrécie en peau de chagrin depuis l’époque du SRAS. Cette mise au pas affaiblit la capacité de réaction du pays face aux épidémies.
Sans surprise, les lanceurs d’alerte de l’époque et d’aujourd’hui sont médecins : en 2003, les docteurs Jiang Yanyong et Zhong Nanshan tiraient la sonnette d’alarme. Le Dr Jiang fut par la suite, interdit de prise de parole publique. A ce jour, il est assigné à résidence. Les premiers jours de 2020, le Dr. Li Wenliang était parmi les premiers à tenter de révéler « un virus similaire au SRAS en apparence », avant d’être puni par les autorités, puis contaminé, et de succomber le 6 février, suscitant une vague d’émotion et de colère profonde parmi ses concitoyens.
Avec les années, la Cour Suprême n’a pas changé de ton, promettant la prison, voire l’exécution, à quiconque fuit la quarantaine ou met en danger la vie d’autrui.
Pour orchestrer la contre-attaque, le Président Hu Jintao déléguait en 2003 la gestion de la crise à Mme Wu Yi, vice-Premier ministre, qui monta un « mécanisme national médical d’urgence », composé de 12 sages, destiné à « diffuser les nouvelles médicales et à émettre des alertes précoces ». L’histoire se répéta le 24 janvier 2020 : Xi Jinping fit convoquer un nouveau groupe central directeur, sous la houlette de Mme Sun Chunlan, également vice-Premier ministre. Un autre groupe fut constitué, rassemblant 13 experts autour de Zhong Nanshan, docteur de 83 ans ayant gagné sa réputation d’homme intègre durant la crise du SRAS.
Aux grands maux les grands moyens, Wuhan bâtissait en 10 jours deux nouveaux hôpitaux, selon le modèle de celui de Xiaotangshan, construit en banlieue de Pékin lors du SRAS en 2003 (cf photo). Hier et aujourd’hui, ces établissements sont sous contrôle de l’armée.
Déjà l’époque, Pékin avait préconisé, suite à l’épidémie, la mise au ban de toute consommation d’animaux sauvages. En 2020, rien de nouveau sous le soleil : la même promesse est solennellement réitérée…
Enfin, début février, lors de son passage à Pékin, le Premier ministre cambodgien Hun Sen, marchait sur les traces du français Jean-Pierre Raffarin, en demandant à rendre visite à ses concitoyens à Wuhan, épicentre de l’épidémie. Même si sa requête a été refusée, ce geste amical ne sera sûrement pas oublié…
Pour le mot de la fin, comme l’écrivait Eric Meyer en 2003 : « avec une bonne politique d’information, ce virus qui effraie plus par sa nouveauté que par sa létalité, n’aurait pas tant ému ».
1 Commentaire
severy
13 février 2020 à 22:30La vitesse de propagation du virus couronne n’est rien à côté de celle d’un virus informatique propagé par la 5G, loin s’en faut. Ça promet!