Editorial : Nouvelle pièce du puzzle sur l’origine du Covid-19

Nouvelle pièce du puzzle sur l’origine du Covid-19

Quelle n’a pas été la surprise de cette biologiste française lorsqu’en parcourant le 4 mars la base de données génomiques internationale Gisaid, elle tombe sur de nouvelles séquences génétiques mises en ligne fin janvier – puis supprimées par la suite – par des chercheurs du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) chinois. Ces dernières portaient sur des échantillons prélevés début 2020 dans le marché Huanan de Wuhan, considéré comme le potentiel épicentre de la pandémie de Covid-19.

Sans tarder, la chercheuse partage sa découverte avec un groupe de virologues internationaux qui se dépêchent d’analyser ces données. Leurs travaux n’ont pas encore été rendus publics. Néanmoins, leurs conclusions préliminaires révèlent que dans les échantillons qui sont revenus positifs pour le Sars-CoV-2, du matériel génétique appartenant à différents animaux, et en grande partie au chien viverrin, un petit mammifère carnivore ressemblant à un raton laveur, vendu pour sa fourrure et sa chair, a été retrouvé.

Certes, la présence d’ADN de chien viverrin dans des étals du marché de Wuhan n’est pas une preuve formelle que ces animaux sont responsables de la transmission du virus à l’homme, mais cela devrait orienter l’enquête sur ces espèces et les élevages. D’ailleurs, un article scientifique datant de juin 2021 suggérait que la baisse du prix de leur fourrure avait pu réorienter les élevages vers l’alimentation humaine

Ces découvertes viennent renforcer la thèse d’une transmission zoonotique du virus à l’homme et écarter celle d’une fuite de laboratoire qui a gagné du terrain ces derniers temps suite aux récentes déclarations du directeur du FBI ainsi qu’une évaluation « avec un faible niveau de certitude » du ministère américain de l’Énergie.

 « Ces données auraient pu – et auraient dû – être partagées il y a trois ans », regrettait le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Alors pourquoi la partie chinoise les a-t-elle retirées de la plateforme ?

Ces informations sont particulièrement embarrassantes pour les autorités chinoises, qui ont toujours nié la présence même de ces animaux sauvages sur le marché de Huanan. En effet, après la crise du SRAS en 2003, attribuée à une transmission zoonotique de la chauve-souris à l’homme via la civette, le gouvernement chinois s’était engagé à mieux contrôler le risque sanitaire lié au trafic et au commerce de faune sauvage. Force est de constater que cela n’a pas été le cas… Contacté par le magazine Science, l’ex-directeur du CDC, Gao Fu a déclaré que les séquences génétiques ne présentent « rien de nouveau ». « On savait qu’il y avait un commerce illégal d’animaux, et c’est pourquoi le marché a été immédiatement fermé », a-t-il commenté.

Ces données viennent également contredire une publication du groupe de scientifiques chinois à l’origine même de ces échantillonnages. Selon un article non revu par les pairs publié en février 2022, le virus n’a été détecté « dans aucun des prélèvements couvrant 18 espèces animales dans le marché », ce qui laissait entendre que les humains avaient introduit le virus dans le marché. C’est ainsi que Gao Fu concluait que le marché de Wuhan n’était pas à l’origine de la pandémie, mais en aurait été un amplificateur.

Cet article est toujours en attente de publication dans une revue scientifique internationale, qui exige la mise à disposition des données brutes. C’est peut-être ce qui a motivé la mise en ligne de ces séquences dans le Gisaid.

Il n’est pas non plus impossible que ces données aient été délibérément téléchargées par l’un des employés du CDC, dans une Chine qui veut tourner la page du « zéro-Covid »…

Une chose est sûre : les scientifiques chinois se doivent d’accréditer la ligne officielle de leur gouvernement, selon laquelle le virus serait en fait venu de l’étranger. Cela explique la raison pour laquelle ils n’ont donné qu’un compte-rendu partiel des données qui pourraient fournir de précieux détails sur l’émergence du virus.

Au final, la pression sera encore plus forte pour pousser les autorités chinoises à rendre publiques toutes les informations dont elles disposent. Pour mémoire, elles n’avaient pas non plus révélé l’identité du « patient zéro ». Or, sans cet effort de transparence, les spéculations continueront d’aller bon train et la théorie d’un accident de laboratoire continuera d’être exploitée…

Plus important encore, toutes les leçons de cette pandémie qui a officiellement fait près de 7 millions de morts à travers le monde (au moins le double selon l’OMS) au cours des trois dernières années, ne pourront être tirées.

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1 Commentaire
  1. jeremie

    Merci pour cet article, qui nous rappelle encore une fois combien il est important de connaître l’origine du COVID pour éviter qu’une telle catastrophe ne se renouvelle – pour laquelle les autorités chinoises portent quoiqu’il en soit une immense responsabilité, ne serait-ce qu’en ayant fait taire les lanceurs d’alerte ou en empêchant une enquête internationale d’avoir lieu.

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