Hong Kong : Lorsqu’Omicron s’invite à la fête (d’anniversaire)

Lorsqu’Omicron s’invite à la fête (d’anniversaire)

C’est dans un bar à tapas du quartier de Wan Chai, à Hong Kong, que près de 170 personnes se sont retrouvées dans la soirée du 3 janvier pour célébrer les 53 bougies de Witman Hung, représentant de Hong Kong à l’Assemblée nationale populaire (ANP).

Parmi les invités, 13 fonctionnaires de haut rang, dont le secrétaire des affaires intérieures, le secrétaire aux finances, le chef de l’immigration, le haut-commissaire de la police, le chef de la commission indépendante contre la corruption (ICAC), mais aussi 20 députés, intronisés le jour même au sein du LegCo à la suite des élections du 19 décembre.

Au programme : karaoké et Omicron, détecté chez deux convives. Ni une ni deux, l’ensemble des participants à la fête ont été envoyés pour 21 jours de quarantaine au centre de Penny’s Bay, surchargé et au confort rudimentaire…

Finalement, après un « faux positif », une partie d’entre eux ont pu rentrer chez eux, avec l’ordre de s’isoler pendant deux semaines. D’ordinaire, les « cas contacts » doivent rester 14 jours à Penny’s Bay (contre trois semaines auparavant).

Ces 24h en quarantaine ont fait sortir de ses gonds le député Junius Ho, très impopulaire auprès du camp pro-démocratie. Il s’est estimé victime d’une injustice et a qualifié la politique sanitaire de la ville « d’aussi inutile qu’un château de sable sur la plage ». Son cas était particulièrement sensible puisqu’il s’était rendu à Shenzhen 48h après la fête, avec d’autres élus, pour rencontrer Xia Baolong, directeur du bureau central des affaires de Hong Kong et Macao. En effet, à l’inverse des citoyens lambda, officiels et députés peuvent franchir la frontière librement…

Sans surprise, l’affaire a suscité l’indignation de la population, déjà excédée par la politique sanitaire stricte mise en place par les autorités hongkongaises et indirectement imposée par la Chine, qui exige 14 jours sans cas d’infection locale pour rouvrir sa frontière. Hier encore « pont » entre la Chine et le reste du monde, Hong Kong et ses 7,4 millions d’habitants se retrouvent à la fois coupés de l’étranger et du continent depuis près de deux ans.

Ce scandale met surtout dans l’embarras l’administration de Carrie Lam, puisqu’il implique essentiellement des personnalités prochinoises de l’establishment local. Au lendemain des premières élections « réservées aux patriotes », il vient ruiner l’image de « bonne gouvernance » que Pékin voulait promouvoir.

Mécontent, le gouvernement central aurait prié Carrie Lam de « prendre des mesures rapidement », sans toutefois préciser lesquelles. Pour l’instant, la cheffe de l’exécutif s’est contentée d’indiquer que les officiels seront suspendus de leurs fonctions pendant leur séjour en quarantaine, qui sera déduit de leurs congés.

Pour certains membres du camp pro-Pékin, ces sanctions sont insuffisantes et réclament la démission des officiels impliqués, voire de celle Carrie Lam. Mais cette dernière a clairement laissé entendre qu’elle refuse de porter le chapeau pour les erreurs des membres de son cabinet. Elle serait d’ailleurs « particulièrement déçue » de Caspar Tsui, secrétaire des affaires intérieures, « qui est resté à la fête le plus longtemps ».

En revanche, la chef de l’exécutif réclame que les dirigeants de la compagnie aérienne Cathay Pacific portent eux, la responsabilité de l’un des premiers foyers d’Omicron à Hong Kong, propagé par une hôtesse de l’air qui a enfreint son confinement à domicile. Plusieurs politiciens et journaux liés au gouvernement chinois, désignent également Cathay Pacific comme le bouc émissaire. Le transporteur aérien, du groupe britannique Swire, est une cible facile, renfloué par le gouvernement à hauteur de 30 milliards de HKD durant l’été 2020.

Malgré cette tentative pour détourner l’attention du public, cette affaire pourrait mettre en péril l’éventuelle réélection de Carrie Lam en tant que chef de l’exécutif le 27 mars 2022. Lorsqu’elle a été reçue fin décembre à Pékin par le Président Xi Jinping pour lui présenter son bilan annuel (cf photo) et plaider pour la réouverture de la frontière, le leader n’a d’ailleurs rien laissé transparaître de ses préférences. Carrie Lam, tout comme les autres éventuels prétendants (l‘actuel secrétaire aux finances Paul Chan, la députée Regina Ip, l’ancienne directrice de l’OMS Margaret Chan, l’ancien chef de l’exécutif Leung Chun-ying...), n’ont pas non plus annoncé officiellement leur candidature.

À trois mois de l’élection, cette situation est exceptionnelle et pourrait signifier que le leadership n’a pas encore désigné ses favoris, ou alors qu’il ne veut pas alimenter prématurément les tensions au sein du camp pro-establishment. Certains analystes avancent aussi que de longues campagnes électorales ne sont plus nécessaires étant donné que le spectre politique a été sensiblement réduit par les mesures décrétées par Pékin… En attendant que les candidats sortent du bois, bien malin serait celui qui pourrait prédire le nom du prochain chef de l’exécutif hongkongais.

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