Editorial : Grèves dans les compagnies étrangères

En 1999, les quatre grandes banques (CCB, ABC, ICBC et Bank of China), accablées de dettes, créaient des filiales pour liquider ces actifs faillis. 17 ans après, ces « structures de défaisance » telle Cinda (ex-CCB) nagent sur l’or, ayant cédé à bas prix ces ex-clients en faillite –flottes marchandes, chaînes d’hôtels, mines ou usines– tandis que l’Etat a discrètement recapitalisé les banques.

En novembre 2016, les cinq sœurs (les quatre, plus la Bank of Communications) remettent cela en lançant chacune une nouvelle « bad bank » au capital  d’1,5 milliard de $, pour réaliser des « swaps » d’emprunts (irrécupérables) contre des parts de capital. Le Conseil d’Etat précise que les « firmes zombies » –groupes provinciaux ne survivant que de subventions– seraient exclus de cette facilité. Mais en Chine, tout est question de définition, de « classification » des groupes candidats—et de piston. La priorité ultime du régime reste d’éviter les conflits sociaux, donc les fermetures. Or justement, une embellie conjoncturelle prend l’administration par surprise, en renforçant  la demande en charbon et en fer. Ces firmes ou aciéries zombies peuvent remettre en route, qui leurs galeries, qui leurs hauts fourneaux et solliciter des « swaps » –de l’argent frais aux « bad banks », qui pourront plus tard les liquider. L’Etat une fois encore, assumera les pertes. Cette vaste opération en cours, et la censure renforcée sur les média, expliquent l’absence de conflits sociaux, quoiqu’en théorie, jusqu’à 6 millions d’emplois « zombies » soient à supprimer, au bas mot.

Ce silence, toutefois, ne va pas jusqu’aux groupes étrangers en Chine, au sein desquels plusieurs conflits se produisent au même moment. Coca-Cola, Danone, Walmart, Sony connaissent des difficultés avec leurs ouvriers. Coca-Cola, Danone et Sony, en raison d’une revente d’usines, Walmart, pour cause de fermeture.

Le cas de Walmart a de quoi surprendre. En 2006, le gouvernement chinois parvenait à forcer ce groupe de Bentonville (Arkansas) à tolérer dans ses 400 magasins chinois une section du syndicat officiel. Toutefois depuis l’été 2016, c’est en dehors de cette structure que les 20.000 employés organisent leurs grèves – jusqu’à 120 depuis juillet – via le réseau social WeChat. Déclenché par un nouvel horaire de travail contraignant, le mouvement est coordonné par des cadres licenciés, et ne donne nul signe d’essoufflement. L’Etat pour l’instant, ne bouge pas, et pour cause : tout comme le groupe américain, il est impuissant face à ce mouvement nouveau, qui lui échappe.

Coca-Cola lui, connaissait en novembre, dans trois usines d’embouteillage (Chongqing, Jilin, Chengdu), des manifestations aussi coordonnées sur les réseaux sociaux. C’est suite à sa stratégie de sa session en franchise de son réseau d’embouteillage entre deux groupes : 17 usines à Swire, de Hong Kong, et 18 à Cofco le conglomérat d’Etat. Suite à la session, salaires et avantages ne changent pas, mais les ouvriers tentent d’imposer à cette occasion de meilleures conditions. Même situation, quoique de portée plus limitée, chez Danone et Sony qui revendent une usine, et dont les employés cherchent au passage à se faire augmenter.
La restructuration chez Coca-Cola, à la base du mouvement de grève, rappelle celles en cours au même moment chez Yum! et Mc Donald’s, en train de céder leurs restaurants en franchise. Pour certains, ces cessions permettraient de dégager des fonds afin d’accélérer la pénétration du grand marché asiatique, mais pour d’autres, c’est pour se désengager du marché chinois, du fait de la désaffection des consommateurs pour la « fast-food ».  
En tout état de cause, que la presse fasse état des conflits concernant les groupes « étrangers » tout en taisant ceux des « locaux », témoigne de l’effort constant du régime pour maintenir le calme sur son marché du travail.

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