Diplomatie : Trump, pour la Chine, une chance inespérée

Lors de ses ultimes harangues électorales, le Républicain Donald Trump s’écriait : « Attends Amérique, j’arrive ». Élu 45ème Président des Etats-Unis, il pourrait dire la même chose à la Chine, le géant rival avec lequel son pays vit des relations complexes, entre coopérations et rivalités. En effet, Trump a émis bien des idées fortes sur la Chine et les plans déployés en Asie par son prédécesseur B. Obama. Sans nuances, sur tout cet héritage, Trump se fait fort de passer un coup de torchon. Pourtant côté Chine, loin d’angoisser, le leadership peut voir dans la nouvelle voilure américaine, une chance inespérée.

À Zhongnanhai, on n’a jamais aimé Hillary Clinton, toujours critique envers la Chine en matière de démocratie. Elle soutenait aussi le « pivot » d’Obama – sa stratégie d’isolation militaire et commerciale de la Chine. Or Trump prétendait démanteler le « pivot », sabrer le « TPP » (l’accord de libre échange Transpacifique à 12 pays, signé, mais non ratifié), et rapatrier les emplois « volés » par l’Empire du Milieu.

Tout ceci, pour Pékin signifie des choses bien différentes à trois niveaux : 

Au plan de la défense, si la sixième flotte américaine cesse ses patrouilles en mer de Chine du Sud, elle libère la voie à la marine chinoise vers l’océan Pacifique, selon la stratégie de l’amiral Liu Huaqing en vigueur depuis les années ‘90. Porté par sa foi isolationniste, Trump s’apprête aussi à réduire, durant ses quatre années de mandat, la présence américaine dans le monde – en matière monétaire, diplomatique, environnementale même. Il laissera donc la Chine occuper tous ces terrains, déployer son propre RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) avec 16 pays d’Asie et du Pacifique, et tisser à force d’investissements en dizaines de milliards de $ ses « routes de la soie », son hinterland à travers les cinq continents.
De plus, un conseiller du futur Président Trump déclarait que le refus d’Obama de laisser les Etats-Unis adhérer à l’AIIB, la banque régionale lancée à Pékin en 2015 était « une erreur stratégique ». Ceci peut signifier que Trump lui, y adhérera.

Au plan commercial, Trump a la Chine dans son collimateur. Comme face au Mexique, contre lequel il veut dresser un mur anti-immigration clandestine, il veut protéger les Etats-Unis des exportations industrielles du Céleste Empire. Il prétend taxer de 45% les produits chinois, ce qui les priverait de toute attractivité. Il rêve d’une Amérique inversant 20 ans de développement pour multiplier les emplois à bas salaires et produire chaussures, jouets ou iPhones « made in America ».
La Chine reste de marbre, et pour cause. Les Etats-Unis sont signataires des accords de l’OMC, comme la Chine, et liés comme elle à des règles intangibles sur les échanges. Si Trump tente de les rompre, il verra arriver des sanctions de l’OMC et les rétorsions chinoises. D’autant que les premiers emplois malmenés par des taxes « Trump » seraient ceux des multinationales en Chine, General Motors, General Electric, Coca Cola, Qualcomm. Même des groupes non producteurs mais vendeurs en Chine seraient vulnérables : Boeing risquerait 20 ans de ventes futures, des milliers de gros porteurs, des dizaines de milliers d’emplois. En résumé, l’option de guerre commerciale envisagée par Trump ne semble pas réaliste.

Il est un autre angle sous lequel la victoire de Trump offre à la Chine un bel atout : le terrain de l’intérieur, de l’idéologie, toujours vitale pour un régime privé de la légitimité des urnes. Avant même le décompte des votes, le Quotidien du Peuple concluait à une campagne « la plus sombre et négative de l’histoire des Etats-Unis », tout en attribuant « la faute » à la démocratie. Voilà ce qui arrive, suggérait-il, quand on laisse les masses élire leurs gouvernants !

Les dirigeants du Parti communiste chinois se garderont de l’avouer, mais ils peuvent se réjouir d’une autre tendance, la montée universelle du populisme patriote. Entre Chine, Russie et maintenant Etats-Unis, ils voient désormais les trois plus grandes puissances dirigées par un leader au style autoritaire et personnel. Du point de vue du régime, l’histoire va « dans le bon sens ».

L’arrivée aux affaires de Trump peut malgré tout déranger la Chine sous un ou plusieurs plans.

Au Proche-Orient, que Daesh se réjouisse bruyamment de l’arrivée aux affaires de Trump, fait aussi réfléchir. En Irak comme un Syrie, Chine et Amérique n’étaient pas dans le même camp, mais elles discutaient, et partageaient sur le fond le même objectif. Mais si l’Etat Islamique se maintient, ne risque-t-il pas de faire chuter bien des régimes moyenâgeux fragiles ? Un risque face auquel une coopération sino-américaine ponctuelle et discrète offrirait malgré tout une certaine prévention… Et quid de l’Asie Centrale, musulmane, y compris le Xinjiang, sa province far-ouest ? La Chine a certes les moyens d’y maintenir le calme, mais dans un climat de soulèvement, elle aurait du mal à le conserver… Sous cet angle aussi, laisser Trump interrompre le dialogue avec la Chine se semble pas une option.
C’est pourquoi par voie de presse pour commencer, Pékin ne perd pas un jour pour alerter l’imminent Président contre les chants des sirènes isolationnistes.

Enfin, on a vu l’inquiétude chinoise sur le négationnisme de Trump face au réchauffement global. Ce souci, toutefois, pourrait disparaître : Trump à peine élu, efface cet engagement de son site internet. Il faudra donc pondérer les propos de Trump-candidat, par ceux de Trump-Président

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