Editorial : Véhicules électriques – stratégies de conquête

L’orage s’annonce sur le marché du  véhicule électrique (EV). Une feuille de route du secteur, très attendue, vient de sortir, dont Dai Lifan, un des auteurs, s’attend à voir la Chine passer au 1er rang en véhicules à économie d’énergie, à énergies nouvelles, connectés et aux matériaux légers sous 10-15 ans.
Œuvre d’un centre de recherche automobile de l’université Tsinghua à Suzhou, ce concept est aussi inspiré par le plan décennal « made in China 2025 » du ministère des Industries de l’Information. Fort ambitieux, il impose aux constructeurs dès 2018, de réaliser au moins 8% de leurs ventes en véhicules à zéro émissions (VZE), tout-électrique, puis 12% en 2020. Déjà accordées, de très généreuses subventions  (4,5 milliards de $ en 2015) doivent permettre de porter les ventes d’EV à 5 millions d’ici 2020. En hybrides, les ventes doivent atteindre 8% en 2020, 20% en 2025, 25% en 2030 –un objectif jugé optimiste voire irréalisable par les experts étrangers. 
Le ministère capitalise sur les récents progrès des batteries, en charge et en coût de revient, pour passer au VZE, et battre de vitesse le reste du monde. Presque tout les pays étrangers (Japon, Allemagne) a misé lourd sur l’hybride et n’est pas prêt pour le tout électrique. Selon le plan chinois, le véhicule hybride neuf recevra 2 crédits, et le VZE de 4. Mais VW, pour recevoir en 2018 les primes conformes à sa part du marché de 3 millions d’unités, le groupe devrait écouler 60.000 VZE dans l’année, ou 120.000 hybrides –techniquement impossible. Aussi, accuse la presse allemande, le plan du ministère revient à garantir en 2020, 70% du marché chinois des EV aux véhicules « made in China by Chinese ». Le ministre Sigmar Gabriel, en voyage à Pékin le 1er novembre, protestait. 
Le plan roule cependant : dopées par les incitations, les ventes d’EV atteindront 450.000 en 2016 – 41% du marché global, et + 53% sur 2015. BYD (Shenzhen) mène avec 74.000 EV, suivi par BAIC (Pékin) avec 29.000 EV.

Le plan s’intéresse aussi aux voitures autonomes sans chauffeur – dont des prototypes sont testés par les grands groupes à travers le monde. Toutes marques confondues, le ministère vise « 10 à 20% » de « semi-autonomes » d’ici 2025, et 10% d’autonomes en 2030.

Le pouvoir n’oublie pas les campagnes. Attirées par les primes, des dizaines de PME à faible technologie ont produit en 2016 un million de fourgonnettes électriques roulant en dessous de 100 km/h, peu sécuritaires et polluantes au recyclage. En octobre, l’Etat est passé à la seconde phase de création de ce marché natif, en émettant des normes qui auront pour effet de rehausser la qualité, tout en rayant de la carte 80% de ces groupes. L’un d’eux se distingue : Kaiyun, du Hebei, auteur d’une camionnette de moins de 700kg capable de parcourir 120 km par recharge. A 23.800 yuans (3500$) l’unité, il en a vendu 5000, mais affiche un carnet de commandes de 100.000 et 1 million sous 5 ans.

La difficulté vient de la recharge : les normes de connectivité entre producteurs et équipementiers (batteries, démarreurs, moteurs…) sont moins performantes qu’en Union Européenne – 30KW en 2-3heures contre 350KW-, et la rareté des stations décourage l’achat. Mais le pays rattrape vite : en 2016, il a porté le nombre des stations à 81.000 (+65%), et en annonce 4,8 millions d’ici 2020 – plus que le reste de la planète.
Au demeurant, par dizaines d’initiatives, l’EV chinoise est en ébullition : depuis son usine californienne à 1 milliard de $, Faraday Future, inconnu jusqu’à hier, veut sortir dès 2017 des EV de luxe. Geely (Anhui) lance Lynk, sa gamme d’hybrides et de VZE, assortie d’une plateforme ouverte d’applications exclusives, permettant entre autre le partage d’un véhicule entre utilisateurs multiples. GM s’allie à la start-up Yi Wei Jing, de Pékin, pour créer la Feezu, EV de location sans station – elle se localise par smartphone et se laisse où l’on veut après usage. Comme on voit, dans les EV en Chine, c’est « l’imagination au pouvoir ».

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1 Commentaire
  1. severy

    On en vient à se demander si l’option « tout électrique » ne pousserait pas les tribunaux responsables à supprimer l’exécution des condamnés à mort par balle dans la tête (facturée à la famille) au profit de la chaise électrique, nettement plus écologique…

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