Politique : Xi Jinping sur tous les fronts

Entre le Plenum qui l’a élu « noyau central » du Parti (27 octobre) et le scrutin présidentiel américain du 8 novembre, le Président Xi Jinping se dépense sans compter, à travers le monde et au sein du pays.

Alors que tous les regards sont tournés vers la campagne électorale américaine, Xi lance une offensive de charme pan-asiatique, et enregistré plusieurs victoires qu’il faudra peut-être qualifier comme « de rupture » ou « historiques ».

On a vu le Président philippin R. Duterte mettre en scène à Pékin la grande réconciliation, et le tonneau sans fond de crédits chinois alloués en projets dans l’archipel. Magnanime, la Chine permet aux pêcheurs philippins de retourner dans les eaux du Scarborough Shoal, occupées par l’APL depuis 2012.

C’était sans compter la subtilité du Président Duterte qui, à peine de retour de Pékin, se précipite huit jours plus tard à Tokyo, pour y doubler sa mise. De la part du gouvernement de Shinzo Abe, il empoche encore 19 milliards de $ de promesses d’aides. Au total, il a obtenu 49 milliards de $ de ces deux nations rivales, en surenchère pour l’alliance de leur petit voisin. Ce n’est pas si mal joué !

Jouant sur l’équivoque, Duterte à Tokyo, a prétexté le souci de « ne pas angoisser son ministre de la Défense » pour spécifier que l’alliance de défense avec les Etats-Unis demeurerait—et qu’il n’y en aurait pas de seconde avec la Chine…

Il n’empêche, avec ce rapprochement, Xi Jinping marque un grand point : les Philippines cessent d’être le fer de lance de la résistance contre l’avancée chinoise en mer de Chine du Sud, avec le soutien américain.

De même, la visite du 1er ministre malais Najib Razak (31 octobre—6 novembre) apparaît un autre succès pour briser le glacis américain en Asie. Najib signait 14 contrats pour 34 milliards de $ – dont quatre garde-côtes commandés à la Chine, équipés de missiles, et une ligne TGV à travers la péninsule malaise.

Et à son tour, Najib y va du couplet anti-occidental—contre la Grande-Bretagne qui fut la puissance fondatrice de la Malaisie moderne, et contre les Etats-Unis. Najib évoque le renforcement de l’alliance de défense, prend ses distances vis-à-vis du contentieux de mer de Chine du Sud.

Rappelons qu’en décembre 2015, la Chine avait fait refinancer par son consortium nucléaire CGNPC le fonds malais 1MDB, alors au cœur d’un scandale de malversation. Ainsi, Pékin dégonflait au bon moment  une affaire gênante pour Najib, sur laquelle la justice américaine était en train d’enquêter. À cette lumière, le réchauffement de Najib avec Pékin, et son animosité envers Washington, apparaissent un prêté pour un rendu.

La main de Xi s’étend vers d’autres pouvoirs. Avec le Vatican, un concordat est imminent. Il sera une victoire pour le Pape, qui ne se verra plus imposer des évêques inéligibles. Mais Xi pourrait y gagner plus encore : le Pape François ne bénira plus de prélats dans l’église de l’ombre, laquelle se verra peu à peu contrainte à rentrer dans le rang de l’église officielle.

Après un an de tergiversations, le Sri Lanka accepte de céder, pour plus d’un milliard de $, 80% de la surface du port d’Hambantota, futuriste et désert : Pékin récupère sa base logistique en océan indien. L’île, elle, obtiendra une zone industrielle et urbaine de 6000 hectares.

En politique intérieure, Xi Jinping sort du Plenum, imparti de plus de liberté de manœuvre pour préparer son XIX Congrès de 2017.

Ainsi Deng Maosheng, chercheur officiel au Comité Central, lance coup sur coup deux ballons-sondes : « un titre de ‘noyau central’ au camarade Xi, n’est pas signe de dérapage vers la dictature », et la retraite à 68 ans pour les membres du Comité Central, règle respectée depuis 20 ans, « n’existe pas ». Du coup, sauf bien improbable fronde des hautes sphères du Parti, Wang Qishan, le patron de l’anti-corruption et plus fidèle allié de Xi Jinping, a toutes les chances de ne pas être débarqué en 2017, mais au contraire promu. À quel poste ? À son niveau, il ne reste plus beaucoup de possibilités – président du Parlement? 1er ministre ?

Le Comité Central publiait également le 2 novembre les 160 nouvelles « règles de conduite » des 370 membres du Comité Central, refondant la « discipline familiale » et instaurant une « déclaration obligatoire des actifs familiaux ». Le dernier discours de Xi, publié le même jour, dénonçait les cliques, conspirations et fraudes au sein de l’appareil.

Sans attendre, Xi convoquait un meeting du Bureau Politique (28 octobre) sur l’économie. Dédié à l’emprunt, à l’inflation et aux risques d’éclatement de bulle, il était précédé 10 jours auparavant, d’une nette hausse des taux d’intérêt – autant de signes que banques et provinces ne doivent plus compter sur un crédit à bas prix pour maintenir à flot leurs aciéries, usines et mines « zombies ».

Parallèlement à ces reprises en main politiques et financières, émergent de significatives mesures sociales. Le 30 octobre, le Conseil d’Etat réitèrait sa garantie au paysan de ses droits sur sa terre, en cas de départ pour la ville. C’est pour encourager le remembrement des micro-parcelles, et une nouvelle vie dans des petites villes pour 100 millions de migrants—soit 12% des campagnes. Le lendemain, ce même organe aux commandes de Li Keqiang émettait un plan de 140 milliards de $ d’ici 2020, à charge pour deux tiers du niveau central, pour reloger 10 millions de pauvres (gagnant moins de 2300¥ / an) sur des terres plus propices.

Pas de doute : la dernière année et ligne droite de l’équipe de Xi Jinping avant le Congrès de 2017, prend une tonalité résolument sociale – dans la défense du monde rural, le grand oublié de la croissance.

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