Education : L’industrie du soutien scolaire reçoit une leçon

L’industrie du soutien scolaire reçoit une leçon

« Si vous n’envoyez pas votre enfant étudier chez nous, nous formerons ses concurrents » (你不来补课,我们就培养你孩子的竞争对手) : c’est ce genre de message publicitaire faisant la promotion de services de soutien scolaire que le Président Xi Jinping veut voir disparaître. Le leader chinois aurait affirmé en juin que « ce sont aux écoles d’assurer l’éducation des élèves, pas aux entreprises de tutorat ».

Industrie extrêmement lucrative, sa taille a doublé tous les deux ans en moyenne pour atteindre les 120 milliards de $. Les écoles privées en ligne ont également connu un succès retentissant pendant l’épidémie en 2020.

Parmi les leaders du secteur, Wall Street English, mais aussi New Oriental Education, TAL Educationdeux groupes chinois cotés à Wall Street – et des start-up comme Yuanfudao, qui compte Tencent parmi ses investisseurs, et Zuoyebang, soutenue par son grand rival Alibaba.

Ces firmes, dont certaines ont déjà été sanctionnées par l’autorité antitrust dans le cadre de la reprise en main du secteur de la tech,  sont accusées de profiter du climat de compétition intense qui règne à l’école et de faire exploser le budget des parents, inquiets d’assurer coûte que coûte l’avenir de leur progéniture à grand renfort de cours d’anglais ou de codage informatique.

Une situation que ne peut plus tolérer le gouvernement, qui s’inquiète de voir le nombre de naissances chuter d’année en année. Or, le coût de l’éducation est l’une des principales raisons avancées par les couples chinois pour expliquer leur refus de faire des enfants (un, deux ou trois). En effet, même si l’école publique chinoise est quasi-gratuite, ce sont les cours du soir qui font grimper la facture.

Selon un sondage publié dans le China Education Daily, 92% des 4000 parents interrogés ont déjà inscrit leurs enfants à des activités parascolaires, avec plus de la moitié d’entre eux y consacrant plus de 10 000 yuans chaque année. Dans les grandes villes, il n’est pas rare de voir des parents dépenser 10 000 yuans… par mois !

Autre aspect inquiétant pour Pékin : seules les familles les plus aisées du pays ont les moyens de payer à leurs enfants tous ces cours particuliers, ce qui limite les opportunités d’ascension sociale pour les jeunes issus de milieux défavorisés et des zones rurales. Il se trouve que la lutte contre les inégalités est le nouveau cheval de bataille de Xi Jinping, après avoir éradiqué la grande pauvreté l’an dernier.

Chargée de faire le ménage dans le secteur, une nouvelle agence supervisée par le ministère de l’Éducation, a été créée. Elle formulera les nouvelles règles qui s’appliqueront à l’industrie : exigences de recrutement des professeurs, encadrement des prix des cours et des horaires d’ouverture des écoles, restrictions publicitaires, notamment dans les lieux publics… L’idéologie n’étant jamais bien loin, les opérateurs seront également contraints de créer une cellule du Parti dans chacune de leurs branches.

Parmi les mesures envisagées, une limitation des cours particuliers pendant les vacances scolaires, qui sera d’abord testée pendant un an dans neuf municipalités et provinces, comme Pékin et Shanghai, avant d’être adoptée dans le pays entier. Si cette mesure est effectivement appliquée, ce sera un coup dur pour les écoles qui pourraient ainsi perdre entre 70% et 80% de leurs revenus annuels.

En parallèle, les autorités réfléchiraient au meilleur moyen de faire baisser le prix de l’immobilier dans certains quartiers des grandes villes, où sont situées les meilleures écoles. Elles envisagent d’interdire aux agences immobilières de présenter des biens comme « proches des établissements scolaires » et d’expérimenter un programme de rotations des professeurs d’une école à une autre.

Comment réagissent les parents face à cette reprise en main du secteur ? Paradoxalement, l’accueil est plutôt mitigé. Certains regrettent que les entreprises de « l’edtech » soient ciblées : leur arrivée sur le marché avait fait sensiblement baisser les prix. Et si le nombre d’acteurs se réduit, les parents anticipent une remontée des prix, voire l’émergence d’un marché noir, puisque la demande elle, ne faiblira pas… D’autres redoutent que la tâche de rendre leur enfant encore plus performant leur incombe directement, ce qui les fait redoubler d’inquiétude…

Punir l’industrie du soutien scolaire revient donc à traiter les symptômes du mal, plutôt que la cause. C’est l’ensemble du système éducatif chinois, conçu comme douze ans de classes préparatoires au redoutable concours d’entrée à l’université (le « gaokao »), qu’il faudrait réformer, seul moyen de mettre un terme à la dépendance envers les cours particuliers.

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