Le Vent de la Chine Numéro 25 (2021)

du 28 juin au 4 juillet 2021

Editorial : Un été « électrique »
Un été « électrique »

Devant les petites manufactures de Canton, un nouvel équipement bruyant a fait son apparition : le groupe électrogène. La raison de sa soudaine popularité ? Un déficit en électricité dans la province du Guangdong, estimé entre 8 et 11 GW au mois de mai.

Même si ses 115 millions d’habitants ne sont pas affectés, une vingtaine de villes (Canton, Foshan, Dongguan, Shantou, Zhongshan, Zhuhai, Huizhou…) ont ordonné début mai à leurs usines de travailler la nuit ou pendant les heures creuses, voire de fermer pendant 1, 2 ou 3 jours par semaine. Des mesures qui rappellent celles décrétées en 2004, année durant laquelle près de 24 provinces ont subi d’importantes coupures électriques.

Alors que le pic de la consommation est attendu au cœur de l’été (en juillet, août), ces restrictions pourraient bien se prolonger au moins durant les trois prochains mois, ce qui alimente les craintes des producteurs de ne pas pouvoir honorer leurs commandes à temps.

La province accueille notamment le champion des télécoms Huawei, le leader des produits chimiques BASF, le fabricant de véhicules électriques BYD, le producteur d’électroménagers Midea, le groupe pharmaceutique Pfizer, ou encore le géant de la tech Tencent.

Début juin, la Chambre de Commerce européenne en Chine du Sud, a déclaré que près de 100 de ses membres sur 250 ont été concernés par ce rationnement électrique.

Ces soucis énergétiques, ainsi que les restrictions liées au variant Delta qui a pris ses aises dans le Guangdong, pourraient bien freiner la reprise économique de la province et ralentir le rythme de ses exportations, qui représentent un quart des envois du pays.

Mais quelles sont les causes de cette pénurie d’électricité ? Après le grand froid de l’hiver dernier, c’est au tour des chaleurs d’été et de la climatisation de faire exploser les compteurs électriques, avec des températures en moyenne 2,2°C plus élevées qu’en 2020.

Autre aspect : la baisse simultanée de la production domestique de charbon et les restrictions aux importations (d’Australie notamment), ont provoqué une envolée des prix les deux derniers mois (à près de 1000 yuans la tonne – un record). Cette inflation force les centrales thermiques à fonctionner à perte puisqu’elles ne sont pas autorisées à répercuter cette hausse sur le consommateur final.

En parallèle, plusieurs mines de charbon situées dans le nord du pays ont été fermées pour des raisons de sécurité (un coup de grisou mortel pourrait venir gâcher le centenaire du Parti), mais surtout environnementales. En effet, les objectifs de réduction de l’intensité énergétique du pays poussent les provinces à limiter leur consommation de charbon. C’est le cas du Guangdong qui a déjà réduit sa capacité installée de centrales à charbon de 3,8% en 2019.

C’est donc l’hydroélectrique qui a pris le relais au Guangdong, et notamment les barrages du Yunnan. Seulement, la météo a encore fait des siennes, et la faible pluviométrie a réduit la production hydroélectrique. Résultat : les transferts d’électricité du Yunnan vers le Guangdong ont diminué de 21% depuis le début de l’année.

Le Guangdong n’est pas la seule province à être en manque d’électricité. Les provinces voisines du Guangxi et du Yunnan, mais aussi le Zhejiang, le Jiangsu, le Shandong, le Shanxi seraient également dans une situation similaire, à des degrés moindres. L’industrialisation croissante du centre du pays contribue également à ce phénomène.

Dans ce contexte « sous tension », l’interdiction du minage de cryptomonnaies dans plusieurs provinces (Mongolie Intérieure, Sichuan, Yunnan, Xinjiang…) arrive à point nommé. Cette activité extrêmement énergivore consommait environ 1% de l’électricité du pays, et toute économie d’énergie est bonne à prendre…

Même si Meng Wei, la porte-parole de la tutelle de l’économie (NDRC), a assuré mi-juin que la situation était « presque résolue », ce nouvel épisode illustre les défis d’une Chine contrainte à trouver le « bon voltage » entre ses besoins énergétiques, ses ressources houillères, son appétit pour les énergies décarbonées, ses engagements politiques en faveur de la neutralité carbone, et les aléas liés au réchauffement climatique. Négliger un seul de ces paramètres et ce déficit en électricité pourrait devenir un problème chronique.


Education : L’industrie du soutien scolaire reçoit une leçon
L’industrie du soutien scolaire reçoit une leçon

« Si vous n’envoyez pas votre enfant étudier chez nous, nous formerons ses concurrents » (你不来补课,我们就培养你孩子的竞争对手) : c’est ce genre de message publicitaire faisant la promotion de services de soutien scolaire que le Président Xi Jinping veut voir disparaître. Le leader chinois aurait affirmé en juin que « ce sont aux écoles d’assurer l’éducation des élèves, pas aux entreprises de tutorat ».

Industrie extrêmement lucrative, sa taille a doublé tous les deux ans en moyenne pour atteindre les 120 milliards de $. Les écoles privées en ligne ont également connu un succès retentissant pendant l’épidémie en 2020.

Parmi les leaders du secteur, Wall Street English, mais aussi New Oriental Education, TAL Educationdeux groupes chinois cotés à Wall Street – et des start-up comme Yuanfudao, qui compte Tencent parmi ses investisseurs, et Zuoyebang, soutenue par son grand rival Alibaba.

Ces firmes, dont certaines ont déjà été sanctionnées par l’autorité antitrust dans le cadre de la reprise en main du secteur de la tech,  sont accusées de profiter du climat de compétition intense qui règne à l’école et de faire exploser le budget des parents, inquiets d’assurer coûte que coûte l’avenir de leur progéniture à grand renfort de cours d’anglais ou de codage informatique.

Une situation que ne peut plus tolérer le gouvernement, qui s’inquiète de voir le nombre de naissances chuter d’année en année. Or, le coût de l’éducation est l’une des principales raisons avancées par les couples chinois pour expliquer leur refus de faire des enfants (un, deux ou trois). En effet, même si l’école publique chinoise est quasi-gratuite, ce sont les cours du soir qui font grimper la facture.

Selon un sondage publié dans le China Education Daily, 92% des 4000 parents interrogés ont déjà inscrit leurs enfants à des activités parascolaires, avec plus de la moitié d’entre eux y consacrant plus de 10 000 yuans chaque année. Dans les grandes villes, il n’est pas rare de voir des parents dépenser 10 000 yuans… par mois !

Autre aspect inquiétant pour Pékin : seules les familles les plus aisées du pays ont les moyens de payer à leurs enfants tous ces cours particuliers, ce qui limite les opportunités d’ascension sociale pour les jeunes issus de milieux défavorisés et des zones rurales. Il se trouve que la lutte contre les inégalités est le nouveau cheval de bataille de Xi Jinping, après avoir éradiqué la grande pauvreté l’an dernier.

Chargée de faire le ménage dans le secteur, une nouvelle agence supervisée par le ministère de l’Éducation, a été créée. Elle formulera les nouvelles règles qui s’appliqueront à l’industrie : exigences de recrutement des professeurs, encadrement des prix des cours et des horaires d’ouverture des écoles, restrictions publicitaires, notamment dans les lieux publics… L’idéologie n’étant jamais bien loin, les opérateurs seront également contraints de créer une cellule du Parti dans chacune de leurs branches.

Parmi les mesures envisagées, une limitation des cours particuliers pendant les vacances scolaires, qui sera d’abord testée pendant un an dans neuf municipalités et provinces, comme Pékin et Shanghai, avant d’être adoptée dans le pays entier. Si cette mesure est effectivement appliquée, ce sera un coup dur pour les écoles qui pourraient ainsi perdre entre 70% et 80% de leurs revenus annuels.

En parallèle, les autorités réfléchiraient au meilleur moyen de faire baisser le prix de l’immobilier dans certains quartiers des grandes villes, où sont situées les meilleures écoles. Elles envisagent d’interdire aux agences immobilières de présenter des biens comme « proches des établissements scolaires » et d’expérimenter un programme de rotations des professeurs d’une école à une autre.

Comment réagissent les parents face à cette reprise en main du secteur ? Paradoxalement, l’accueil est plutôt mitigé. Certains regrettent que les entreprises de « l’edtech » soient ciblées : leur arrivée sur le marché avait fait sensiblement baisser les prix. Et si le nombre d’acteurs se réduit, les parents anticipent une remontée des prix, voire l’émergence d’un marché noir, puisque la demande elle, ne faiblira pas… D’autres redoutent que la tâche de rendre leur enfant encore plus performant leur incombe directement, ce qui les fait redoubler d’inquiétude…

Punir l’industrie du soutien scolaire revient donc à traiter les symptômes du mal, plutôt que la cause. C’est l’ensemble du système éducatif chinois, conçu comme douze ans de classes préparatoires au redoutable concours d’entrée à l’université (le « gaokao »), qu’il faudrait réformer, seul moyen de mettre un terme à la dépendance envers les cours particuliers.


Politique : Lexique du centenaire du Parti
Lexique du centenaire du Parti

Avant la fondation de la République Populaire de Chine en 1949, Mao s’était servi du slogan « au service du peuple » (为人民服务) pour gagner le soutien populaire pendant la guerre civile. Deng Xiaoping lui, avait affiché son pragmatisme économique en lançant que « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat » (不管黑猫白猫,捉到老鼠就是好猫).

Chaque dirigeant chinois a marqué son époque de ses propres slogans, expressions et théories politiques… Xi Jinping n’échappe pas à la règle et est même très prolifique en la matière. Alors que le Parti s’apprête à célébrer son centième anniversaire le 1er juillet, notamment par un discours « historique » de son Secrétaire Général, voici un bref éclairage d’une dizaine de ses concepts, souvent abscons pour les non-initiés.

« Le rêve chinois » (中国梦)

Présenté lors de l’intronisation de Xi Jinping fin 2012, ce concept relève de la prospérité nationale, de l’effort collectif, du socialisme, et du retour du pays à une certaine splendeur passée. À ce « rêve chinois » sont associés deux objectifs : celui de faire de la Chine une société « modérément prospère » que devrait annoncer Xi Jinping le 1er juillet 2021, et celui d’en faire une « nation développée sous tous les aspects » en 2049.

« La stratégie globale à quatre volets » (“四个全面”战略布局)

Formulée fin 2014, cette théorie regroupe les priorités de Xi Jinping pour son pays, à savoir :

-parachever la construction d’une société « modérément prospère» ;

-approfondir la réforme dans tous les domaines ;

-administrer le pays en vertu de la loi sur tous les plans ;

-gérer strictement l’ensemble du Parti.

Si les trois premiers points reprennent les objectifs des dirigeants précédents, le 4ème représente l’apport personnel de Xi Jinping et fait notamment référence à sa fameuse campagne anti-corruption.

« La pensée de Xi Jinping » (习近平新时代中国特色社会主义思想)

Officiellement appelée « la pensée de Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère », Xi Jinping a fait enchâsser sa doctrine en 2017 dans la constitution interne du Parti et celle du pays. Véritable tour de force, il a pu y intégrer son nom, ce que n’avaient pas réussi ses prédécesseurs Hu Jintao et Jiang Zemin. Xi Jinping se hisse ainsi au niveau d’un Mao Zedong ou d’un Deng Xiaoping. Étudié dans toutes les écoles du pays, ce plan de route pour les 30 prochaines années consiste à redonner à la Chine sa grandeur passée, à en faire non seulement un pays prospère, mais aussi une puissance internationale respectée. Pour cela, Xi Jinping préconise de renforcer la supervision du Parti sur tous les aspects de la société.

« La communauté de destin pour l’humanité » (人类命运共同体)

Même si l’on doit la paternité de cette expression à Hu Jintao, elle est devenue récurrente depuis un discours prononcé par Xi Jinping en 2017, dans lequel il affirmait que « la sagesse et l’approche chinoise offrent une solution unique aux problèmes auxquels fait face l’humanité ». Ce concept évoque les ambitions du Parti de promouvoir son modèle de gouvernance – « supérieur » au modèle démocratique – à travers le monde, notamment via ses « nouvelles routes de la soie » (BRI). Lors des grandes rencontres internationales, le Président Xi Jinping ne rate jamais une occasion d’y faire référence…

« Les valeurs socialistes fondamentales » (社会主义核心价值观)

Elles sont partout, dans les rues sur des bannières rouges géantes, à la télévision, sur internet, dans les manuels scolaires… Promues depuis 2012, les douze « valeurs socialistes fondamentales » représentent un certain idéal de société selon Xi Jinping. Elles incluent, les valeurs nationales telles que la prospérité, la démocratie, la civilité, et l’harmonie ; les valeurs sociales telles que la liberté, l’égalité, la justice et l’autorité de la loi ; ainsi que les valeurs individuelles telles que le patriotisme, l’intégrité morale, le dévouement, et l’amitié. Certaines de ces valeurs ont toutefois une définition bien particulière, « aux caractéristiques chinoises ».

« La circulation duale » (双循环)

Largement reprise dans le 14ème plan quinquennal (2021 à 2025), cette stratégie économique est apparue la première fois à l’issue d’une réunion du Bureau Politique en mai 2020, alors que la pandémie venait bouleverser les chaînes d’approvisionnement. Ce concept consiste en un rééquilibrage de l’économie chinoise visant à réduire la dépendance de la Chine vis-à-vis de ses exportations en stimulant sa consommation intérieure, lui offrant ainsi une protection en cas de turbulences économiques mondiales.

« Chasser les tigres, attraper les mouches, pister les renards » (“打虎”“拍蝇”“猎狐”)

Ce bestiaire est appliqué à la campagne anti-corruption lancée par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir et qui continue jusqu’à aujourd’hui. Une « mouche » désigne un cadre sans envergure, tandis qu’un « tigre » évoque un puissant dirigeant. Méconnu, le « renard » est un fonctionnaire corrompu en fuite à l’étranger. Lorsqu’un cadre est mis sous enquête pour « corruption », les médias officiels disent qu’il est « tombé de cheval ».

 « Les individus aux deux visages » (两面人)

Même si cette expression a une longue tradition au sein du discours politique chinois, il est particulièrement employé sous Xi Jinping, en tant qu’instrument de sa campagne anti-corruption. Ce qualificatif désigne les fonctionnaires qui feignent la conformité à l’égard de leurs supérieurs, montrant ainsi leur « faux visage », tout en agissant de manière différente vis-à-vis de leurs subordonnés, dévoilant leur « vrai visage ». Un comportement déloyal qui empoisonne la vie du Parti, d’après Xi Jinping. 

« Rhinocéros gris et cygne noir » (黑天鹅、 灰犀牛)

Originairement issu du vocabulaire financier, ces termes ont été réutilisés par Xi Jinping dans sa chasse aux risques : un « rhinocéros gris » évoque une menace identifiée mais sous-estimée, tandis qu’un « cygne noir » désigne un évènement imprévu. 

« Les logements sont faits pour y vivre, pas pour spéculer » (« 房子是用来住的、不是用来炒的定位 »)

C’est le message que martèle le Président Xi Jinping depuis décembre 2016, inquiet de l’éclatement d’une bulle immobilière. En effet, les épargnants chinois choisissent massivement d’investir dans un ou plusieurs appartements, attirés par de belles plus-values en un temps record. Mais, ils préfèrent souvent garder ces logements vides, attendant sagement que leurs biens prennent de la valeur…

 « L’eau verte et les montagnes vertes sont des montagnes d’or et d’argent » (« 绿水青山,就是金山银山 »)

Issu d’un article publié en 2005 lorsqu’il était à la tête de la province du Zhejiang, Xi Jinping s’est réapproprié ce proverbe chinois pour décrire combien la lutte contre la pollution est importante pour le pays, bien conscient que la croissance économique fulgurante s’est longtemps effectuée aux dépens de son environnement.


Chiffres de la semaine : 250 000 m2 d’espace de confinement, 70% de vaccinés, 11 millions de décisions de justice et 500 policiers…
250 000 m2 d’espace de confinement, 70% de vaccinés, 11 millions de décisions de justice et 500 policiers…

250 000  m2 : c’est la superficie du centre géant de quarantaine que la ville de Canton est en train de construire, potentiellement suivie par sa voisine Shenzhen. Dans ses 5000 chambres d’isolement, cette « station de santé internationale » accueillera les voyageurs en provenance de l’étranger à partir de septembre. Ce projet a été évoqué par l’expert Zhong Nanshan, après avoir constaté que la quatorzaine dans les hôtels n’était pas adaptée à la forte transmissibilité du variant Delta. Il rappelle les centres de confinement d’urgence mis sur pieds en quelques jours dans la campagne du Hebei pour faire face à une résurgence du virus en début d’année 2021. 

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70% : c’est le taux de vaccination atteint par la ville de Pékin, qui doit accueillir les Jeux Olympiques d’hiver en février 2022. La capitale devient donc la première mégalopole du pays à atteindre le seuil minimum pour atteindre l’immunité collective. Plus de 15,6 millions d’habitants auraient déjà reçu deux doses, ce qui n’exclut pas l’injection d’une troisième d’ici la fin de l’année…

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11 millions de décisions de justice sur les 117 millions publiées par la Cour Suprême ont été supprimées de leur site web dédié « dans le cadre d’un processus de migration interne ». Parmi elles, des affaires sensibles ayant conduit à des condamnations à la peine de mort ou à quelques mois de prison pour avoir « troublé l’ordre public ». Cette base de données a été mise en ligne en juillet 2013, à l’initiative de Zhou Qiang, Président de la Cour Suprême, en un effort de transparence. Depuis lors, le site a été consulté plus de 64 milliards de fois.

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500 policiers ont fait une descente dans les locaux du journal pro-démocratie Apple Daily à Hong Kong le 17 juin. Six jours plus tard, le quotidien, fondé il y a 26 ans par Jimmy Lai, magnat de la presse anti-Pékin, a déclaré qu’il allait définitivement fermer ses portes. L’annonce a été faite suite à l’arrestation de ses dirigeants et de certains journalistes pour avoir publié une trentaine d’articles qui appelaient des pays étrangers à imposer des sanctions. Tous ont été inculpés au titre de la loi sur la sécurité nationale imposée à la région administrative spéciale il y a un an. En signe de soutien, les Hongkongais se sont rués pour acheter la dernière édition du journal, imprimée à un million d’exemplaires – dix fois plus que son tirage habituel – pour 7,5 millions d’habitants…

 


Podcast : 18ème épisode des «Chroniques d’Eric» : Une Chine en panne de gouvernance
18ème épisode des «Chroniques d’Eric» : Une Chine en panne de gouvernance
Venez écouter le 18ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.
 
A travers trois petits faits qui se sont produits en Chine ces dernières semaines, je vous propose de voir comment fonctionne la Chine sous l’angle de l’administration des choses et de la gouvernance des hommes.
 
 
De la conjonction de ces petits faits sans importance apparente, je vais tenter de tirer un regard en  hauteur, pour constater en fin de compte la lenteur de réaction du système dans la gestion de la vie ordinaire, les causes plausibles de cette torpeur, et le prix exorbitant, insupportable qu’il doit payer pour elle ! 
 
Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 
 


Petit Peuple : Zaosheng (Henan) – La vraie nature de Li Yurong (1ère Partie)
Zaosheng (Henan) – La vraie nature de Li Yurong (1ère Partie)

À Zaosheng (Henan), Li Yurong a, toute sa vie, été une femme pas comme les autres. Elle n’est pas du coin, et cela se voit, à sa taille d’une demi-tête plus petite, et au teint nettement plus hâlé que les paysannes du cru. Réservée de nature, elle est plutôt portée sur le mutisme, et quand elle en sort, c’est pour s’exprimer en un charabia de chinois, ou bien un sabir incompréhensible. Avec tout ça, pas étonnant qu’au village, elle soit plus souvent que d’autres regardée de travers !

Si elle est là, c’est en raison d’un drame secret de ce bourg de 4000 foyers, son déficit en filles. Elles manquent, parce qu’elles ont été éliminées suite à l’avortement sélectif.  Ou encore, les jeunes filles se sauvent à la ville pour gagner leur indépendance et échapper au machisme ambiant. Aussi à Zaosheng, pour ne pas dépérir, il n’a pas d’autre choix que d’acheter des filles au loin, acheminées par des réseaux mafieux. C’est ce qui est arrivé à Li Yurong, kidnappée au Guizhou à 900km de là, et revendue à l’hiver 1986, terrifiée et amaigrie, portant des signes de passage à tabac – elle avait perdu quelques dents, et ses oreilles saignaient -c’était, pensa-t-on alors, de là que venaient ses troubles auditifs. Li Jun, fermière, l’avait achetée pour son frère Li Wei, un de ces gars resté seul faute de filles à marier.

Quand il vit la captive, Li Wei refusa de la prendre – il la trouvait vraiment trop laide, et en piteux état. Mais sa sœur était venue à bout de ses réticences. Pour le mariage, à la mairie, Li Wei lui avait déclaré une naissance fictive au « 15 juillet 1960 », et ce nom inventé de Li Yurong, mais c’était juste pour la paperasse, et toute sa vie, il ne l’appellerait que « Hé-là », la femme si insignifiante qu’un nom n’était pas vraiment utile… Nonobstant ses manières frustes et taciturnes, Li Wei était un brave gars : jamais il ne la battit, mais il s’employa à la protéger. Elle-même, dans le couple, tint son rôle : tous deux « se soutinrent dans la vie » (相依为命, xiāngyī wéi mìng).

Avec sa semi-surdité, Yurong n’arriva jamais à maîtriser plus que quelques mots chinois, tels que « pot », « riz », « blé » ou « maïs », que Li Wei lui enseignait. Au champ, quand il mentionnait l’un d’eux, elle obtempérait, lui passant le produit demandé, la calebasse, les semences ou l’engrais. À la maison, elle faisait le ménage, la cuisine, et cousait avec une certaine adresse.  En 1991 était née Li Xinmei, suivie en 1993 de la cadette.

Sept mois après son arrivée, hantée par le fulgurant souvenir de sa vie passée, elle fit une fugue éphémère, pour se faire reprendre deux heures après. Pour tout bagage, elle portait deux paires de tous petits chaussons brodés. Ses proches en déduisirent que le jour de sa capture, elle avait un enfant en bas âge, qu’elle avait voulu rejoindre à tout prix. Une fois reprise, reconduite à la maison, elle n’en avait plus reparlé : « Hé-là » avait repris sa place, comme si rien n’était arrivé.

Parfois sur la place du village, elle rejoignait les femmes venues caqueter avec leurs paniers d’arachides à écosser. Elle s’efforçait de suivre la conversation, riant au bon moment quand une blague fusait – mais elle ne comprenait rien, et c’était juste pour donner le change. Ayant vite repéré son jeu, les commères se moquaient d’elle. Mais Yurong inconsciente, riait avec les autres, excitant leur hilarité !

En été 1995 eut lieu sa seconde tentative de fuite. Elle profita de l’absence du mari pour tenter l’évasion, bredouillant à ses filles de 4 et 2 ans : « on s’en va, c’est pas chez nous ici ». Sa fugue, cette fois, dura 48h, en évitant la route et en marchant à travers champs. Mais de Zaosheng, zone enclavée, on ne sortait qu’en bus : à la gare routière, on l’attendait, et on la prit, et la vie reprit – Yurong ne devait plus jamais tenter de se sauver. 

Les années passèrent. Xinmei son aînée, observait sa mère avec fascination. En 2007, elle découvrit sous l’oreiller conjugal, un couteau, lame pointée vers sa tête à elle. Horrifiée, elle le confisqua, mais deux jours plus tard, un autre couteau avait pris sa place. Réalisant alors que cette pratique durait depuis bien longtemps, et que sa mère n’avait en tête aucun projet de meurtre ou de suicide, elle laissa faire.

Puis Xinmei vécut une crise, ne supportant pas que ses copines se moquent de cette mère « horriblement laide ». Pour éviter de se faire elle-même rejeter, elle eut d’abord le réflexe de la renier. Quand Yurong venait la chercher à la sortie de classes, elle l’ignorait ostensiblement, et quand celle-ci lui offrit un joli cartable brodé en couleurs chatoyantes, mais selon des motifs étrangers à la région, elle préféra bientôt s’en défaire, pour l’offrir à une copine qui le guignait…

En 2010 à 19 ans, Xinmei réalisa qu’elle était la seule sans grands-parents maternels : elle se mit à imaginer quelque part sur terre, un grand-père, une grand-mère qui les acceptent et les aiment telles qu’ elles, sa mère et elle. Dès lors, elle se lança dans la quête du lieu d’enfance de Yurong, et du secret de son enfance !

Y parviendra-t-elle ? Vous n’avez juste qu’une semaine à attendre, pour le savoir !


Rendez-vous : Semaines du 28 juin au 29 août
Semaines du 28 juin au 29 août

29 juin – 1er juillet, Shenzhen : INDUSTRIAL AUTOMATION 2021, Salon international pour l’automatisation des procédés

2-4 juillet, Shanghai : ISPO  2021, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements à Shanghai

7-9 juillet, Pékin : AIAE, Salon international de l’automation industrielle

7-10 juillet, ShanghaiPHOTO & IMAGING 2021, Salon de la photo et de l’image numérique

8-9 juillet, Guangzhou : CBD 2021, Salon international du bâtiment et de la décoration

8-10 juillet, Chengdu : IE EXPO 2021, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie 

13-15 juillet, Pékin : CIEPEC 2021, Salon chinois international et conférence sur la protection de l’environnement

15-17 juillet, CHENGDU : CEF – CHINA ELECTRONIC FAIR  2021, Salon chinois de l’électronique. Composants électroniques, instruments de test et de mesure, équipements de fabrication, outils, photo électronique, ordinateurs, électronique pour la maison…

16-18 juillet, Urumqi : IME XINJIANG 2021, Salon international de l’industrie minière en Chine (Xinjiang)  

20-22 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire

21-24 jullet, Shanghai : SHANGHAI INTERNATIONAL ADVERTISING & SIGN TECHNOLOGY & EQUIPMENT EXHIBITION 2021, Salon international de Shanghai pour les équipements et les technologies de publicité

27-29 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire EN LIGNE

16-18 août, Guangzhou : HOT EXPO CHINA 2021, Salon asiatique du chauffage domestique

16-18 août, Guangzhou : POWER EXPO 2021, Salon international des équipements et technologies de l’énergie en Asie-Pacifique

16-18 août, Guangzhou : WATER HEATING 2021, Salon des technologies de l’eau chaude et des pompes à chaleur en Asie-Pacifique 

18-20 août, Shenzhen : CHINA SMART CARD AND RFID TECHNOLOGIES 2021, Salon international sur les technologies et applications de la carte à puce et à la RFID et à ses applications dans les produits et services

25-27 août, Chengdu : NEPCON SOUTH CHINA 2021, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs