S’il est de notoriété publique que le Parti ne rate jamais une occasion de marquer des anniversaires importants pour rappeler au peuple le rôle central qu’il a joué dans l’évolution du pays, ce 100ème anniversaire aura une portée symbolique particulière à la veille du XXème Congrès de 2022 qui devrait voir Xi Jinping accéder à un troisième mandat, marquant ainsi la fin du système d’alternance politique instauré par Deng Xiaoping en 1978 et le retour de la Chine sous le règne autoritaire d’un seul homme, 46 ans après la mort de Mao.
Depuis le début de l’année, les 92 millions de membres du Parti ont reçu pour consigne de se replonger dans son histoire. « Peu importe le chemin parcouru, nous ne devons jamais oublier le passé et devons rester fidèles à la mission fondatrice du Parti », a rappelé le Premier Secrétaire du PCC lors du lancement de cette campagne. Cette obsession présidentielle remonte dès son arrivée au pouvoir : en janvier 2013, Xi Jinping avait affirmé que « [tirer les leçons de] l’histoire est une question de vie ou de mort pour le Parti ».
C’est ainsi que quatre ouvrages sont devenus les livres de chevet des millions de fidèles : le premier aborde sur la vision de l’histoire du Parti par Xi Jinping (180 000 caractères) ; le second est composé d’extraits de discours de Mao, Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao (98 000 caractères) ; le troisième répond à 100 questions sur la « Pensée de Xi Jinping », l’idéologie éponyme du Président ; le dernier est un résumé de l’histoire du Parti – réédité par le leadership actuel.
Sans surprise, la nouvelle édition réduit le chapitre consacré aux dix ans de chaos engendrés par la Révolution Culturelle à une seule page prénommée « Les hauts et les bas sur la route de la reconstruction socialiste ». Sous Hu Jintao, le livret mentionnait que Mao devait « porter la responsabilité » de ce qui s’est avéré être « un sérieux désastre » pour le peuple chinois. Dans la version 2021, le Grand Timonier est épargné de toute critique. Les passages sur la Grande Famine durant le Grand Bond en avant, la collectivisation des terres agricoles, le mouvement « anti-droitiste » ciblant les intellectuels, ou encore la lutte contre les « quatre vieilleries », ont tout simplement été supprimés. Au contraire, le livre dépeint Mao comme un leader « conscient des dangers de la restauration capitaliste » (qui fait écho à la campagne de Xi Jinping contre les valeurs « importées ») et présente la Révolution Culturelle comme la conséquence d’une mauvaise mise en œuvre des idées, pourtant « correctes », de Mao.
Minimisant l’approche diplomatique prudente de Deng Xiaoping au lendemain des sanctions internationales condamnant les évènements de la nuit du 3 au 4 juin 1989, ce sont les commentaires du Petit Timonier au Président Nixon qui sont mis en avant dans le manuel : « la Chine n’implorera jamais pour la levée des sanctions ». Cette sélection en dit long sur l’état d’esprit « combattant » qui prévaut actuellement chez les diplomates chinois…
Même si cette initiative est présentée comme une campagne d’étude de l’histoire du PCC, il s’agit en fait pour Xi Jinping de faire oublier les erreurs du Parti tout en mettant en valeur ses réalisations personnelles depuis 2012. Preuve en est : l’héritage des précédents leaders de 1921 à 2012 est concentré dans un volume deux fois moins épais que celui consacré à la Chine sous Xi.
Surtout, cette campagne permet à Xi d’imposer son interprétation des évènements passés, comme les précédents leaders l’ont fait avant lui pour différents motifs : sous Mao, il s’agissait de consolider son pouvoir, sous Deng, de pousser la réforme. En début de campagne, Xi Jinping avait d’ailleurs clairement indiqué qu’il ne tolérerait aucun « nihilisme historique », un terme qui désigne toute remise en cause de la version officielle des faits – la sienne. À cet effet, une assistance téléphonique a même été mise en place pour dénoncer tout internaute qui « déforme l’histoire du Parti, attaque le leadership et ses politiques, et diffame les héros de la nation ».
Suivant la consigne du moment, Le Vent de la Chine s’est lui aussi replongé dans le passé, en se remémorant le précédent anniversaire du Parti. En 2011, le PCC soufflait ses 90 bougies dans une ambiance marquée par un virage à gauche qui tournait à l’avantage de Bo Xilai, aspirant au trône, à la place de Xi. Les tensions internes étaient palpables, et la liberté de parole au sein de l’appareil n’était pas encore enterrée par une impitoyable campagne « anti-corruption ». Force est de constater qu’aujourd’hui, le visage du Parti sous Xi parait sensiblement plus lisse.
1 Commentaire
severy
19 avril 2021 à 18:03En fin de compte, le Parti ne mérite pas son nom puis qu’il n’est toujours pas parti…