Politique : Tour de vis avant le XXème Congrès

Tour de vis avant le XXème Congrès

Le Wall Street Journal a encore frappé. Le 19 mai, le quotidien américain a dévoilé le récent passage d’une directive interne au Parti visant à strictement interdire aux cadres de niveau ministériel et à leurs familles de détenir des biens immobiliers à l’étranger et des participations dans des sociétés offshore. Publiée en mars par le puissant Département Central de l’Organisation, dirigé par Chen Xi, l’ancien camarade de dortoir de Xi Jinping à l’université Tsinghua, la directive bannirait également l’ouverture de comptes bancaires à l’étranger « sauf motifs légitimes », comme la poursuite d’études ou l’obtention d’un emploi. Un engagement écrit a été exigé des 400 cadres concernés.

D’après le WSJ, ce nouveau règlement serait motivé par le désir de « protéger » les cadres et leurs familles d’éventuelles sanctions occidentales, similaires à celles qui ont frappé les politiques et oligarques russes suite à la guerre en Ukraine.

Pour plusieurs analystes, cette démarche s’inscrirait plutôt dans la continuité de la campagne anti-corruption. En effet, chaque année, les cadres sont censés déclarer en interne leur patrimoine familial. Sauf qu’avec leurs maigres salaires officiels, comment ces dirigeants pourraient-ils se permettre d’acheter des villas canadiennes ou d’envoyer leurs enfants étudier dans les meilleures universités américaines ? Ainsi, pour éviter de se faire épingler par les inspecteurs de l’anti-corruption, les cadres ont déjà dû « faire le ménage » il y a bien longtemps…

Dans ces conditions, pourquoi Xi Jinping ressent-il la nécessité d’émettre un tel rappel à l’ordre aujourd’hui ? Qui oserait encore prendre le risque de posséder des biens à l’étranger ? S’agit-il de cibler les anciens leaders, qui ont amassé une fortune colossale durant les deux dernières décennies (cf. révélations du NYT en 2012 et celles des « Panama Papers » en 2016) ? S’agit-il de neutraliser certains éléments récalcitrants, à quelques mois du XXème Congrès ? Le mystère reste entier… Mais une chose est sûre : Xi Jinping n’a pas l’habitude de réglementer sans raison.

Autre directive, plus explicite cette fois : depuis le 15 mai, les cadres à la retraite – dont ceux vivant à l’étranger – auront désormais l’interdiction de « commenter ouvertement les politiques du Comité Central du Parti », de « disséminer des remarques négatives » et « de prendre part aux activités d’organisations sociales illégales », sous peine de sanctions. Ils devront en revanche participer à des sessions d’étude de « la pensée de Xi Jinping » (cf photo).

Cette consigne, quelque peu inhabituelle, peut être interprétée comme la réaction officielle à la « défection » aux États-Unis de Cai Xia, ex-professeur à l’École Centrale du Parti, ou encore aux commentaires émis par l’ancien Premier ministre Zhu Rongji, 94 ans, qui ne serait pas convaincu par la perspective du 3ème mandat de Xi Jinping. Et d’après le WSJ, au sein de l’appareil, il ne serait pas le seul à voir cette rupture des règles de succession préétablies d’un mauvais œil… En fin de compte, cette directive est surtout l’expression de l’intolérance grandissante du leadership vis-à-vis de toute opinion divergente, en dehors du Parti comme en son sein.

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