Aux grands maux, les grands remèdes… enfin presque ! Pour redonner de la vigueur à une économie déprimée par la stratégie « zéro Covid », déjà en proie à un ralentissement avant la pandémie, le Premier ministre Li Keqiang a convoqué en visio-conférence le 25 mai plus de 100 000 cadres à travers le pays pour une réunion d’urgence.
Cette « conférence des 100 000 cadres » (“十万人大会”) est un évènement rare : l’unique précédent remonte à février 2020, en pleine « bataille de Wuhan », lorsque le Président Xi Jinping avait transmis ses ordres en visio-conférence à 170 000 cadres et militaires.
Il n’en fallait pas plus pour relancer les rumeurs d’une mise en minorité du Président Xi, qui serait contraint de passer la main à son Premier ministre lors du XXème Congrès de novembre prochain. Il n’est pourtant pas inhabituel pour le leader suprême de laisser son n°2 prendre les devants en cas de situation critique : c’était le cas lors du début de l’épidémie à Wuhan en janvier 2020 ou lors des fortes inondations dans le Henan en août 2021.
Quoi qu’il en soit, tous les décideurs en matière économique étaient présents – sauf Xi Jinping – lors de ce colloque exceptionnel : les vice-premiers Han Zheng, Liu He et Hu Chunhua, le gouverneur de la Banque Centrale Yi Gang, le patron du planificateur de l’économie (NDRC) He Lifeng, mais aussi le général Wei Fenghe et le ministre de la Sécurité Publique Zhao Kezhi, en leur qualité de conseillers d’Etat.
Le ton alarmiste de la transcription non-officielle du discours du Premier ministre contrastait avec les articles rassurants parus dans la presse officielle.
D’ordinaire plutôt modéré dans ses propos, Li Keqiang a cette fois fait preuve d’une franchise déconcertante : soulignant la chute significative de plusieurs indicateurs économiques tels que la production industrielle, les exportations, les ventes de détail, la consommation électrique et le transport de marchandises, le patron du Conseil d’Etat a reconnu que « sous certains aspects, les difficultés économiques sont plus importantes que celles rencontrées en 2020, lorsque l’épidémie a frappé le pays de plein fouet ».
Dans ces conditions, le Premier ministre a laissé entendre que la Chine pourrait bien passer à côté de son ambitieux objectif de croissance du PIB de 5,5%. « Si l’économie dérape au-delà d’une fourchette raisonnable (au 2nd trimestre), il sera difficile de redresser la barre sans avoir à payer le prix fort », a-t-il averti.
Pour éviter un tel scénario, Li Keqiang a exhorté les cadres à mettre en œuvre au plus vite le « plan de relance » dévoilé par le Conseil d’Etat deux jours plus tôt. Il consiste en 33 mesures, dont de nouvelles réductions d’impôts, des extensions de prêts pour les entreprises, de nouveaux projets d’infrastructures, une détaxe de 60 milliards de yuans sur les achats automobiles… Exit donc la planche à billets comme lors de la crise financière de 2008 et les aides directes aux particuliers préconisées par plusieurs économistes.
Des inspecteurs seront envoyés dans 12 provinces pour vérifier la bonne application de ces mesures. Et attention, pas question cette fois pour les autorités locales de bidouiller les données économiques du 2ème trimestre pour sauver la face. « Les chiffres devront refléter la réalité sur le terrain », a mis en garde le Premier ministre.
En dépit des appels à l’aide de plusieurs gouvernements locaux dont les finances sont dans le rouge, le patron du Conseil d’Etat les a avertis qu’ils devront compter sur eux-mêmes pour financer leurs projets…
Curieusement, Li Keqiang a bien pris le soin d’éviter de mentionner directement le premier responsable de cette situation alarmante : la politique « zéro Covid ». Il s’est contenté de souligner que les mesures de prévention contre la Covid-19 sont nécessaires au développement économique, sous-entendant que l’un et l’autre ne sont pas contradictoires.
Pourtant, les analystes sont unanimes : tant que la stratégie « zéro Covid » restera inchangée et que l’activité économique pourra être interrompue du jour au lendemain, l’impact de ce plan de relance devrait être limité, surtout si un sous-variant encore plus contagieux qu’Omicron vient à nouveau percer la grande muraille sanitaire chinoise.
Au final, la situation actuelle est parfaitement résumée par cette boutade, diffusée sur les réseaux sociaux : « une personne est en train d’être étranglée, les membres de sa famille convoquent plus de 100 000 médecins pour une consultation d’urgence, certains suggèrent d’avoir recours à la médecine traditionnelle chinoise, d’autres à la médecine occidentale, à la chirurgie, voire à un marabout, mais aucun ne suggère de lâcher prise » (人被掐脖子翻白眼快挂了,家属紧急召集全国上万个名医开会会诊,有说吃中药的,有说吃西药的,有说开刀的,还有说要跳大神的,就没有一个说要松手的). A méditer !
1 Commentaire
severy
30 mai 2022 à 17:32Quand la Chine éternue, le monde a les pieds gelés. Il faut donc s’attendre à une récession. Sombre scenario.