Finance : Pékin fait la promotion de son yuan digital

Pékin fait la promotion de son yuan digital

À l’approche des congés du Nouvel An chinois (1er février), période traditionnellement propice aux « enveloppes rouges » (digitales), la Chine redouble d’efforts pour promouvoir son yuan numérique (DCEP) auprès du grand public, sans que la date du lancement national soit encore connue.

Le 4 janvier, la Banque Centrale a rendu disponible au téléchargement une application de test,  réservée aux habitants d’une douzaine de villes pilotes (Shenzhen, Suzhou, Xiong’an, Chengdu, Shanghai, Hainan, Changsha, Xi’an, Qingdao, Dalian). Lors de l’inscription, les utilisateurs seront priés de sélectionner l’une des grandes banques partenaires (ICBC, Agricultural Bank of China, China Construction Bank, Bank of China, Bank of Communications, Postal Savings, China Merchants Bank) pour ouvrir leur compte.

Deux types de portefeuilles seront proposés : l’un sous forme numérique, l’autre sous forme physique (carte à puce, bracelet ou encore canne connectée) pour ceux qui ne disposent pas de téléphone portable, comme la plupart des personnes âgées. Par ailleurs, la technologie de communication en champ proche (NFC) permettra aux utilisateurs d’effectuer des transactions en renminbi numérique sans réseau.

En fonction des informations fournies par l’utilisateur, différents plafonds de paiement seront débloqués : 5000 yuans de transaction par jour en précisant seulement son numéro de téléphone, 10 000 yuans en renseignant le numéro de sa pièce d’identité, 100 000 yuans en fournissant son numéro de compte bancaire, et un déblocage total en se donnant la peine d’aller faire un tour à la banque.

La Chine fera également la promotion à l’international de son yuan digital durant les Jeux olympiques d’hiver (4 au 20 février). Grâce à lui, les visiteurs étrangers qui ne disposent pas d’un compte bancaire en Chine, pourront faire leurs achats à l’intérieur des différentes « bulles sanitaires ».

Pour rappel, le e-CNY ambitionne de remplacer l’argent liquide, mais n’a rien de comparable avec les cryptomonnaies, interdites sur le territoire chinois. La distribution de cette devise digitale est supervisée par la Banque Centrale qui la transfère aux banques commerciales, qui à leur tour, la distribuent à leurs clients.

Si certains utilisateurs considèrent que l’arrivée du yuan digital marque le début d’une nouvelle ère, d’autres sont beaucoup plus sceptiques : « quelqu’un peut-il me dire à quelle occasion les consommateurs auront besoin d’utiliser le yuan digital ? », écrit un influenceur sur son compte Weibo.

En effet, le marché du paiement mobile est largement dominé par deux acteurs : WeChat (Tencent) et Alipay (Ant), deux « super-applications » qui proposent de nombreux services (messagerie, paiement, achat de tickets de cinéma, commande de taxis, livraison de repas…).

Face à une telle concurrence, les villes pilotes, comme Shenzhen et Suzhou, ont distribué des dizaines de milliers de « hongbao » digitaux d’une valeur de plusieurs millions de yuans pour inciter les Chinois à se mettre au e-CNY. De même, les grandes banques se montrent très insistantes auprès de leurs clients pour les pousser à ouvrir un portefeuille électronique dédié au renminbi numérique.

D’après Mu Changchun, directeur de l’institut de recherche sur la monnaie digitale, près de 140 millions de Chinois (10% de la population) avaient déjà ouvert un compte en yuans digital en octobre 2021, avec un volume d’échange cumulé de 62 milliards de yuans en un an. C’est peu comparé au nombre d’utilisateurs de WeChat Pay et Alipay, qui en recensent respectivement 1,2 milliard et 700 millions par mois.

Mais le e-CNY pourrait bien rattraper son retard… Le 6 janvier, WeChat a annoncé l’ajout d’une fonctionnalité permettant de payer en yuan numérique sur l’application. Cette étape pourrait bien constituer un tournant dans l’usage du e-yuan, d’autant que Alipay devrait suivre.

Officiellement, les autorités maintiennent qu’il n’y a pas de concurrence entre e-CNY, devise digitale, et WeChat Pay / Alipay, solutions de paiement. La Banque Centrale a d’ailleurs présenté la nouvelle comme l’ajout d’une « solution complémentaire » à celles proposées actuellement. Cependant, les récents efforts déployés par l’État pour reprendre le contrôle sur les données des géants de la tech, laissent penser le contraire.

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