A une semaine du 75ème anniversaire de la République Populaire de Chine et des vacances nationales (du 1er au 6 octobre), Pan Gongsheng, le gouverneur de la Banque Centrale, accompagné des régulateurs financiers et boursiers, Li Yunze et Wu Qing, a créé la surprise en annonçant le 24 septembre, un large éventail de mesures de soutien, censées redonner de la vigueur à une économie chinoise en perte de vitesse depuis de longs mois.
Il s’agit du plus gros plan de relance décrété par la Chine depuis le début de la pandémie et la fin de la politique « zéro-Covid » fin 2022. De quoi redonner le sourire aux traders et aux investisseurs. Il n’a cependant rien de comparable au méga-plan de 2008 (586 milliards de $), qui avait créé un endettement local très fort et favorisé la construction d’infrastructures redondantes et sous-utilisées.
Aujourd’hui, pas question de répéter les erreurs du passé et d’avoir recours à la machine à billets. Pékin a préféré opter pour une série de mesures ciblées. Ainsi, le principal taux directeur, qui détermine « le prix de l’argent » sur le marché, sera abaissé de 1,7 % à 1,5 %, ce qui devrait venir alléger le coût de l’emprunt immobilier des ménages, tandis que le ratio de réserves bancaires sera réduit de 0,5 point, ce qui devrait permettre de libérer 1 000 milliards de yuans (142 milliards de $) dans le système bancaire, au bénéfice des entreprises. Autre mesure-phare annoncée dans la foulée : le taux d’apport personnel lors d’un achat d’un bien immobilier passera de 25 % à 15 %.
Plus surprenant, Pékin prévoirait la distribution de nouvelles aides sociales : par exemple, les couples avec deux enfants ou plus pourraient prétendre à une allocation de 800 yuans (102 euros) par enfant (à l’exception du premier né). Jusqu’à présent, le leadership avait toujours renoncé à renforcer l’Etat-providence, craignant que cela ne favorise l’indolence du peuple chinois…
D’autres mesures d’assouplissement monétaire seront probablement annoncées d’ici la fin de l’année, mais ce sont surtout les mesures fiscales qui sont attendues au tournant, alors que l’endettement des collectivités locales atteint des records. La situation est devenue si inquiétante que certaines villes auraient eu recours à des hommes de main pour kidnapper des chefs d’entreprise afin de leur extorquer de l’argent en échange de leur libération, dénonce l’un des vice-directeurs de l’Ecole du Parti, dans un article désormais censuré.
Avec ce plan, la Chine espère donc relancer son marché de l’immobilier en plein marasme, ressusciter ses marchés boursiers et relancer la consommation. Mais difficile de demander aux ménages, qui continuent à rembourser leur(s) emprunt(s) chaque mois, de dépenser davantage alors que la valeur de leur(s) appartement(s) s’est sensiblement dépréciée depuis la cure d’amaigrissement imposée aux promoteurs immobiliers en 2021.
Pourquoi maintenant ? La publication de données macroéconomiques peu encourageantes pour le mois d’août a très certainement joué. En effet, les ventes de détail ont ralenti à +2,1% sur un an au mois d’août, au lieu de +2,7% le mois précédent, tandis que la production industrielle ne progressait que de 4,5%, contre 5,1% en juillet. Les prix à la consommation, eux, n’ont progressé que très légèrement sur un an en août (+0,6 %), indiquant la fragilité de la demande. Le taux de chômage des jeunes est, lui aussi, inquiétant : 18,8%, son plus haut niveau depuis qu’une nouvelle méthode de calcul, adoptée en décembre 2023, a fait baisser la statistique.
Tous ces mauvais signaux, ainsi que la perspective de rater l’objectif de croissance annuel du PIB « d’environ 5% », ont sûrement poussé les dirigeants du Politburo, réunis fin septembre pour se pencher exceptionnellement sur l’état de l’économie, à donner leur feu vert à un package plus conséquent. Ce revirement est d’autant plus étonnant que dix jours plus tôt, le gouvernement affirmait encore que la croissance chinoise était « stable ».
Signe du climat d’inquiétude qui règne au sommet, Xi Jinping a demandé aux cadres et aux membres du Parti d’avoir le « courage de prendre leurs responsabilités » et « oser innover » en matière de développement économique, en leur promettant de ne pas être punis en cas d’échec. Ce genre de garantie venant du grand leader lui-même n’est pas à prendre à légère et pourrait rassurer certains cadres qui avaient choisi de « s’allonger » ou de faire « profil bas ».
Maintenant, la question est de savoir si ces mesures seront suffisantes ? Si les économistes s’accordent sur le fait que ces annonces sont un « soulagement », ils sont aussi plusieurs à décrire ces mesures comme « insuffisantes » et rappellent qu’elles ne se substituent en aucun cas au besoin de réaliser des réformes structurelles (ne pas s’arrêter à la réforme de l’âge de la retraite).
Au final, et si la véritable bonne nouvelle dans ce plan de relance, ne se trouvait pas dans les détails des mesures envisagées, mais bien dans la prise de conscience au sommet de l’appareil, de l’urgence de la situation économique et de la nécessité de booster la demande ?
Sommaire N° 30 (2024)