Monde de l'entreprise : Les grutiers se rebiffent

Les grutiers se rebiffent

Plusieurs sources clandestines le confirment,  une massive manifestation ouvrière vient d’avoir lieu, celle des grutiers. 60 millions d’hommes travaillent dans la construction, le plus souvent des migrants sans éducation et férocement exploités. Selon une étude du Conseil d’Etat de 2016, les deux tiers seraient sans contrats, en infraction à la loi, et 50% auraient des problèmes de paiement des salaires. Malgré 12h de travail par jour, au lieu des 8h légales, les heures supplémentaires ne sont pas payées, pas plus que les charges salariales. C’est de Changsha (Hunan), le 25 avril, qu’est partie la contestation, depuis un groupe WeChat de la « Fédération des grutiers », revendiquant le droit à s’unir, et appelant l’interprofession à débrayer le 1er mai, pour obtenir respect de la loi et un salaire de 9000¥ pour les grutiers.
L’appel était d’une audace extrême, en un pays où le syndicalisme est interdit hors du « syndicat unique », notoirement passif. Son ampleur dépassa les espérances les plus folles. Dans les jours menant au 1er mai, l’action fit tâche d’huile, jusqu’à 27 villes de 19 provinces, rassemblant jusqu’à 10 000 grutiers. 

Autant les forces de l’ordre avaient été prises par surprise, autant elles réagirent vite et fort : le 1er mai, aucun arrêt de travail, aucune manif ne fut signalée à travers le pays. Le retour au calme fut obtenu par des méthodes variables selon les régions. Ici furent arrêtés des meneurs (20 à Zhengzhou, 10 à Chongqing). Là, des frappes et opérations de harcèlement furent conduites contre les manifestations dans les rues. Ou encore, une pression fut faite sur l’employeur pour imposer une hausse de salaire. Et partout fut constaté un renforcement sans faille de la censure.

Le blog China Change voit dans l’incident un passage à un type inédit d’action ouvrière—à un autre paradigme. Jusqu’alors, les grèves ne concernaient qu’une seule entreprise, souvent étrangère (Carrefour, Walmart), choisie pour sa vulnérabilité –étant ressentie au départ comme plus prête à discuter. Elle était aussi plus acceptable par le régime, qui sévirait donc moins : le PCC ayant du mal à accepter l’idée d’une exploitation de l’homme par l’homme dans ses propres usines sous loi socialiste.
Cette fois, la mobilisation est horizontale entre employés d’un même métier, tentant d’imposer des négociations collectives avec patronat et Etat. China Change affirme aussi l’absence de toute complicité étrangère. De même, le vecteur, WeChat est 100% chinois.

C’est ainsi que, suivant pas à pas l’émergence d’un parc industriel chinois, le mouvement ouvrier lui aussi se structure, phénomène apolitique et sectoriel, que l’Etat bannit – mais pour combien de temps encore ? 

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2 Commentaires
  1. severy

    On ne dit pas  »exploitation de l’homme par l’homme »; on dit « volontariat des masses populaires », dans le pays du socialisme capitaliste aux caractéristiques chinoises. C’est élémentaire, voyons!

  2. severy

    A quand une grève du zêle au sein des membres insatisfaits siégeant quintannuellement au Palais du Peuple à Pékin? 😉

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