Environnement : Un plan moins « vert » qu’espéré

Un plan moins « vert » qu’espéré

Alors que la capitale chinoise a connu son plus long épisode de pollution atmosphérique depuis plus d’un an (entre particules fines et tempête de sable) , l’élite politique chinoise s’est réunie au Grand Palais du Peuple à Pékin pour adopter son 14ème plan quinquennal (2021-2025), doublé de grandes lignes directrices à l’horizon 2035.

Attendu au tournant, c’est le premier document officiel publié depuis que le Président Xi Jinping a promis lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier que les rejets de CO2 de la Chine – premier pollueur mondial – commenceront à décroître « avant » 2030 et que le pays atteindra la neutralité carbone d’ici 2060.

Mais le démarrage de cette course vers une économie décarbonée est pour le moins hésitant et placé sous le signe de la contradiction, donnant ainsi raison à ceux qui estimaient que le gouvernement ne fixerait d’objectifs réellement ambitieux que pour l’après-2025.

Signe d’indécision sur la trajectoire climatique à prendre, l’objectif stipulé dans le 14ème plan en matière de réduction des émissions de CO2 reste identique à celui de 2016, à savoir de 18 % par unité de PIB pour les cinq prochaines années.

Les efforts de réduction de « l’intensité énergétique » (la quantité de CO2 rapportée au PIB par habitant) sont eux fixés à 13,5% : c’est 1,5 point de moins que l’objectif stipulé dans le 13ème plan, que la Chine avait d’ailleurs manqué (13,7% au lieu des 15% envisagés).

Par ailleurs, la production énergétique du pays devrait au moins atteindre 4,6 millions de tonnes d’équivalent charbon, pétrole, gaz naturel, et énergies non fossiles. Les plans quinquennaux précédents avaient opté pour un plafond maximal de production plutôt qu’un seuil minimum.

Le 14ème plan indique également que la part des énergies non fossiles dans le mix énergétique devrait représenter 20% d’ici 2025 (contre 15,3% en 2020), le document précisant que l’objectif est « indicatif » et n’a donc pas de caractère contraignant. Mais pas un mot sur la part que devra atteindre le charbon d’ici cinq ans. En 2016, une baisse de 64% à 58% avait été envisagée pour 2020.

Autre lacune du plan quinquennal : aucun objectif de capacité installée n’a été dévoilé pour le solaire et éolien. En 2020, le pays a installé pour 58 GW de fermes éoliennes (davantage que les nouveaux projets dans le reste du monde en 2019) et pour 40 GW de panneaux solaires, portant ainsi la capacité totale respective de ces énergies renouvelables à 281 GW et à 253 GW fin 2020, selon l’Agence nationale de l’énergie (NEA).

Surtout, le 14ème plan ne fixe pas de seuil de consommation d’énergie sur cinq ans ni de montant maximal d’émissions de CO2, contrairement au 13ème plan.

Faut-il s’alarmer de ces signaux pour le moins timides ? Pas nécessairement.

D’abord, parce que le gouvernement chinois a l’habitude de ne promettre que ce qu’il peut accomplir, se laissant ainsi une marge pour dépasser ses objectifs. Cette logique s’est déjà largement vérifiée dans le passé.

Ensuite, l’absence de différents indicateurs majeurs peut s’expliquer par un changement de stratégie de la part de l’Etat central : au lieu d’imposer aux provinces des objectifs environnementaux, souvent qualifiés « d’irréalistes » et pouvant parfois mener les cadres à prendre des mesures extrêmes (comme purement et simplement couper l’électricité de leur ville), Pékin attend cette fois des gouvernements locaux qu’ils fixent eux-mêmes leurs propres objectifs, avec promotions à la clé pour les dirigeants les plus « verts ».

Ces objectifs, communiqués par les provinces avant avril 2021, seront intégrés à un plan d’action du ministère de l’Environnement (MEE) attendu dans les prochains mois, et détaillant les mesures que la Chine compte prendre pour atteindre le pic de ses émissions de CO2 d’ici 2030.

Deux autres plans énergétiques de la NEA et de la tutelle de l’économie (NDRC) viendront compléter les objectifs quinquennaux en matière d’énergie éolienne, solaire, hydroélectrique, gaz, charbon…

Pour autant, rien n’est encore joué. Jusqu’à présent, les différents documents dévoilés durant le Parlement (le 14ème plan quinquennal, le rapport gouvernemental du Premier ministre, et celui de la NDRC) n’ont fait que révéler la contradiction qui existe entre les ambitions de développement d’une économie à bas-carbone et un investissement réaffirmé dans le charbon, qui représentait 56,8% du mix énergétique chinois fin 2020. L’an dernier, le pays a encore mis en opération pour 38,4 GW de centrales à charbon – c’est trois fois plus que le reste du monde.

À en croire la critique publiquement adressée fin janvier par une équipe d’inspection du MEE à la NEA, accusée « d’avoir lâché la bride » au charbon, le plus haut niveau de l’Etat pourrait bien se ranger du côté de l’environnement. Mais la bataille est loin d’être gagnée. Les provinces et les lobbies des énergies fossiles font feu de tout bois pour contrer (ou plutôt retarder) l’agenda « vert » du leadership, soulignant la nécessité post-pandémique de stimuler certaines économies régionales en approuvant de nouveaux projets houillers ou encore le besoin accru de « sécuriser l’alimentation énergétique » du pays suite aux coupures électriques de l’hiver dernier… Le sort de près de 37 GW de nouvelles centrales à charbon, approuvées en 2020, pourrait bien dépendre de cette lutte acharnée.

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Un 14ème plan qui fait la part belle au nucléaire

Hasard du calendrier, le jour de la clôture du Parlement (11 mars) marquait aussi celui des dix ans de la catastrophe de Fukushima. L’accident de 2011 avait provoqué en Chine un moratoire de trois ans sur toutes nouvelles mises en chantier de centrales, ce qui lui avait fait manquer son objectif quinquennal de 58 GW installés en 2020.

Aujourd’hui, tous les feux sont à nouveau au vert pour la filière nucléaire, le gouvernement affirmant vouloir développer « activement » mais de manière « ordonnée et sûre » l’énergie atomique. D’ici 2025, le parc nucléaire devra atteindre les 70 GW, contre 51 GW aujourd’hui. Un objectif que le pays devrait pouvoir réaliser sans trop de difficultés, puisque 19 réacteurs d’une capacité cumulée de 20,9 GW ont déjà été approuvés ou sont déjà en construction – essentiellement des réacteurs chinois et quelques russes. 

La construction « le long des côtes chinoises » de réacteurs de troisième génération, comme les modèles « Hualong-1 » et « Guohe-1 », mais aussi de petits réacteurs modulables et offshore, est spécifiquement mentionnée dans le 14ème plan, tout comme la construction de « nouveaux sites de stockage des déchets nucléaires et de retraitement du combustible ».

À ce jour, 4,9% de l’énergie consommée en Chine provient du nucléaire. Une part que la Chine compte porter à 10% d’ici 2035, au rythme de construction de 6 à 8 réacteurs par an, soit près d’une centaine en 15 ans ! La Chine est déjà le troisième producteur mondial d’énergie nucléaire et à cette allure, elle pourrait bien dépasser la France d’ici 2025, puis les États-Unis dès 2030. Toutefois, l’avenir de la filière en Chine dépend de bien d’autres paramètres, comme l’acceptabilité de la population, la composante économique ou encore l’évolution technologique.

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