Energie : La Chine raccorde son premier « dragon » nucléaire

La Chine raccorde son premier « dragon » nucléaire

À précisément minuit quarante-et-une, le 27 novembre 2020, le premier réacteur chinois de 3ème génération à eau pressurisée « Hualong-One » (华龙一号 ou HPR1000) a été raccordé avec succès au réseau électrique de la province du Fujian, dernière étape avant la mise en exploitation commerciale qui devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.

Son constructeur CNNC célébrait cet évènement comme « la fin du monopole étranger sur le nucléaire ». C’est en effet un pas de plus vers l’indépendance technologique réclamée par le Président Xi Jinping.

Inspiré des modèles de 3èmegénération français et américain, le Hualong fait l’objet de 700 brevets et 120 copyrights informatiques. Ses 411 pièces principales sont conçues et produites en Chine par 5 000 entreprises locales (dont 58 détenues par l’État). Au total, le taux de localisation serait de plus de 85%. Les 15% restants représentent les équipements les plus sophistiqués qui eux sont toujours importés.

La première coulée de béton de l’unité n°5 de la centrale nucléaire de Fuqing remonte à mai 2015. À l’époque, CNNC estimait pouvoir inaugurer Fuqing 5, « tête de série » du Hualong-One en 2019. Malgré un retard de plus un an (notamment lié aux pompes de refroidissement primaires), CNNC réalise là une performance. Le réacteur devrait à terme être capable de générer annuellement 10 TWh, permettant ainsi d’économiser 8,16 millions de tonnes d’émissions de CO2. La durée de vie escomptée du Hualong-1 est de 60 ans, tandis que ses 177 « assemblages combustibles » devront être remplacés tous les 18 mois. La construction d’un second réacteur (unité n°6) à Fuqing devrait être achevée en 2021.

Ce faisant, CNNC coiffe au poteau son rival CGN qui construit deux autres Hualong-1 sur la centrale de Fangchenggang dans le Guangxi, prévus pour 2022.

Même si l’administration nationale de l’énergie (NEA) a ordonné en 2011 à ses deux champions du nucléaire de « fusionner » leurs programmes de réacteurs (ACP1000 pour CNNC et ACPR1000 pour CGN) en un seul design « standardisé », des différences majeures subsistent entre les deux modèles de « Hualong-One », celui de CGN étant considéré comme plus « sophistiqué », disposant de trois trains de sureté au lieu de deux pour celui de CNNC.

À l’horizon 2025, quatre autres Hualong-One devraient être mis en service : CNNC va en construire deux à Zhangzhou (Fujian) (2024 et 2025), tandis que CGN en bâtira deux autres à Taipingling dans le Guangdong (2025 et 2026). La construction de quatre réacteurs supplémentaires a déjà été approuvée par le Conseil d’État en septembre pour un investissement total de 70 milliards de yuans : deux par CGN à la centrale de San’ao (Zhejiang), qui devrait accueillir à terme six « Hualong-One » ; et deux autres par CNNC et Huaneng à celle de Changjiang (Hainan).

Au total en Chine, 49 réacteurs sont en opération, avec une capacité combinée de 48 498 MW. La Chine arrive ainsi 3èmedu classement, derrière la France (62,000 MW) et les États-Unis (98,000 MW). Mais Pékin pourrait vite remonter le classement et prendre la première place dès 2030 avec une capacité totale (en construction et planifiée) de 108 700 MW.

Pas moins de 14 réacteurs sont actuellement en construction dans le pays, plus que dans n’importe quel autre pays au monde. Le nucléaire est en effet un outil stratégique majeur de la décarbonisation de l’économie chinoise. À ce jour, le charbon représente 55% du mix énergétique chinois, contre seulement 5% pour le nucléaire, une part que la Chine compte porter à 10% d’ici 2035.

Outre l’avenir florissant du Hualong sur le marché domestique, le réacteur est également destiné à l’export. Dès 2015, CNNC et CGN décidaient de se répartir les marchés. Alors que CGN se concentre sur l’Europe, CNNC lui se charge des pays émergents, désireux de développer l’énergie nucléaire à un prix compétitif. CNNC évalue le potentiel d’export le long de son initiative « Belt & Road » (BRI) à 30 réacteurs – le point fort de l’offre chinoise résidant dans sa capacité à proposer des financements.

À ce jour, un seul chantier de « Hualong One » est en cours hors frontières. C’est celui mené par CNNC à la centrale de Karachi (Pakistan) où deux réacteurs devraient entrer en opération en 2021 et 2022. Le projet de construction d’un Hualong-1 en Argentine, qui devait être une vitrine pour le réacteur chinois, est lui au point mort…

Au Royaume-Uni, les plans du « Hualong One » de CGN sont toujours en cours d’évaluation par les autorités britanniques en prévision d’un déploiement potentiel sur le site de Bradwell. Le HPR1000 vient cependant de remporter une victoire de taille en obtenant le 11 novembre, la certification de la part des autorités européennes de sûreté. Néanmoins, le constructeur chinois fait aujourd’hui les frais de l’affaire « 5G de Huawei », relançant le débat dans nombre de pays autour des questions de sécurité et souveraineté nationale. Le succès du dragon nucléaire chinois à l’étranger est donc loin d’être garanti.

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