Le Vent de la Chine Numéro 10-11 (2021)

du 15 au 21 mars 2021

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Editorial : Le Parlement vote comme un seul homme
Le Parlement vote comme un seul homme

Comme chaque année, la session du Parlement s’est achevée par les votes des différentes lois, budgets et rapports gouvernementaux passés en revue durant le rassemblement politique (4 au 11 mars).

Baromètre de la popularité du leadership en interne, une analyse des votes électroniques des 2896 délégués révèle que le nombre de voix « contestataires » au sein du Parti ne cesse de se réduire depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. L’an dernier, le niveau d’approbation des politiques du Président avait atteint les 98,5% – niveau record – contre seulement 85,3% lors de sa prise de pouvoir en 2013.

Ainsi, le 14ème plan quinquennal (2021-2025), dont les maîtres-mots sont « secteur manufacturier, innovation, environnement, réforme sociale, défense, et auto-suffisance », a été adopté à 2873 voix (soit 99,2%), 11 « contre » et 12 abstentions. Mais l’exemple le plus frappant de cette session 2021 est sans aucun doute celui du projet de réforme du système électoral hongkongais, adopté sans aucune opposition (2895 voix « pour », une seule abstention). À titre de comparaison, la loi de sécurité nationale adoptée l’an dernier avait reçu 2873 voix « pour », 11 « contre » et 12 abstentions.

Cette quasi-unanimité est-elle le résultat d’un réel consensus autour du leader ou plutôt d’une peur des représailles sur fond de campagne anti-corruption ? Difficile à dire, si ce n’est que l’anonymat supposé du système électronique de vote a été plusieurs fois mis en doute par les délégués dans le passé… Quoi qu’il en soit, cette tendance est à interpréter comme la consolidation de l’autorité de Xi Jinping.

Autre expression de ce resserrement autour du « noyau » du Parti : très peu d’édiles ont osé exprimer leurs doutes vis-à-vis des politiques actuelles du Parti durant cette grand-messe.

Alors que l’an dernier, les propos du Premier ministre Li Keqiang en (visio) conférence de presse avaient suscité un débat national autour du niveau de pauvreté réel du pays et ravivé les spéculations de luttes intestines, cette année, le n°2 du gouvernement n’a pas fait de vagues, se contentant de défendre un objectif de croissance du PIB « d’au moins 6% » « pas si bas » tout en reconnaissant « les incertitudes qui planent sur la relance économique chinoise, mais aussi mondiale ».

Il y a bien He Yiting, ex-directeur adjoint de l’École Centrale du Parti et fidèle de Xi Jinping, qui a averti contre « la montée du nationalisme » en Chine, nuisible à l’image du pays à l’étranger. Un message probablement adressé au ministre des Affaires étrangères Wang Yi, présent dans la salle, et son armée de diplomates « combattants ». Deux jours plus tard, Wang Yi a justement tenté d’adopter un ton plus conciliant dans sa conférence de presse. Un exercice périlleux étant donné que Pékin n’est pas prêt à la moindre concession sur des sujets comme Hong Kong, le Xinjiang ou la mer de Chine du Sud… L’ancien idéologue a également préconisé « la prudence » dans la manière dont la Chine gère ses relations avec des « pays importants ». À la veille d’une première rencontre avec le nouveau secrétaire d’État américain Anthony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale à la Maison-Blanche Jake Sullivan en Alaska (États-Unis) le 18 mars, He Yiting sera-t-il entendu ?

L’ex-ministre des Finances Lou Jiwei, connu pour son franc-parler, a lui, mis en garde contre les difficultés fiscales à venir, sous l’effet du ralentissement économique mondial, du vieillissement de la population et de l’endettement croissant des gouvernements locaux. Des propos publiés quelques jours avant l’ouverture du Parlement, mais qu’il a tenu lors d’un forum fin décembre. Durant cet évènement, le directeur du Comité des affaires étrangères du comité national de la CCPPC a également accusé la Banque Centrale et le régulateur financier d’avoir ignoré les « risques systémiques » et fait preuve de « négligence » dans leur supervision des banques (régionales) et des firmes d’État.

Malgré ces rares prises de parole en public, l’unité de façade que se donne le Parti offre de moins en moins d’éléments aux observateurs pour repérer d’éventuelles dissensions… C’est pourquoi le moindre changement dans le protocole de ce grand rendez-vous politique hautement chorégraphié, est scruté à la loupe. Justement, durant presque toute la durée du Parlement (sept jours sur huit), deux tasses à thé ont été placées sur la table du Président Xi, au lieu d’une seule pour le reste de l’assemblée, le Secrétaire général bénéficiant déjà de son serveur masculin attitré. Faut-il voir dans ce traitement de faveur un renforcement symbolique de son statut au sein du Parti à la veille du 20ème Plenum de 2022, ou simplement des considérations gustatives, de santé, ou de sécurité personnelle ? Le mystère reste entier.


Santé : Le dilemme vaccinal chinois
Le dilemme vaccinal chinois

Depuis des mois, voyager vers la Chine s’apparente à un véritable chemin de croix, voire à une impasse depuis la France, la Belgique, l’Italie et onze autres pays. Outre les vols internationaux qui ont été réduits à peau de chagrin, il faut se soumettre à une quatorzaine obligatoire dans un centre fermé, une ou deux semaines supplémentaires en observation, et à une batterie de tests en tout genre, au départ, mais surtout à l’arrivée…

Des mesures qui devraient rester en place au moins jusqu’en 2022, si l’on s’en tient au rapport de la NDRC, tutelle de l’économie, présenté en ouverture de l’Assemblée Nationale Populaire le 5 mars : « Prévenir l’émergence de nouveaux foyers d’infection locaux déclenchés par des cas importés restera notre priorité n°1 en 2021 ».

Paradoxalement, trois jours plus tard, la Chine est devenue l’une des premières nations à lancer son « passeport vaccinal », désireuse de se positionner en pionnière en matière de lutte contre le virus. Mais la Chine est-elle réellement prête à rouvrir ses frontières ? Rien n’est moins sûr…

En effet, la campagne de vaccination a pris du retard. Seuls 3,7% de la population chinoise (52 millions) avaient reçu une dose de vaccin au 28 février, contre au 6,7% en France et 22,5% aux États-Unis. Le pays a si bien contrôlé le virus qu’il existe « un fossé immunitaire entre la Chine et le reste du monde », des mots de Zhang Wenhong, spécialiste shanghaien.

Un nouvel objectif ambitieux a été fixé : vacciner 40% de la population d’ici juillet, ce qui correspondrait à 560 millions de personnes. Même si 10 millions de doses sont inoculées chaque jour, le Dr Zhang estime qu’il faudrait au moins sept mois pour vacciner 70% de la population, un minimum pour obtenir l’immunité collective. Selon Gao Fu, directeur du CDC national, elle ne devrait pas être atteinte avant l’été 2022.

Comment expliquer ce délai vaccinal dans un pays connu pour ses mesures sanitaires drastiques et ses dépistages par millions en quelques jours seulement ?

D’abord, parce que Pékin pratique une « diplomatie du vaccin » très active, à l’instar de l’Inde et de la Russie. La Chine a récemment dévoilé exporter ses vaccins vers 43 pays et en avoir fait don à 69 nations. Ces commandes s’élèveraient à 572 millions de doses, soit près d’un quart de sa capacité de production annuelle évaluée à plus de 2 milliards de doses.

Alors que certains internautes se déclarent fiers de voir que la Chine assume ses responsabilités à l’international et tient ses engagements auprès de pays en voie de développement, d’autres ont du mal à comprendre les priorités vaccinales du gouvernement : « la Chine exporte ses vaccins alors que sa propre population n’a pas assez de doses pour se faire vacciner. Est-ce vraiment égoïste de la part des Européens ou des Américains de restreindre leurs exportations pour donner la priorité à leurs propres citoyens ? Je ne crois pas », écrit l’un d’entre eux.

Officiellement, la Chine n’a pas de problème de production de ses vaccins, les experts imputant le retard vaccinal à une certaine réticence de la population. En effet, le public ne comprend pas la nécessité de se faire vacciner alors que les experts n’ont cessé de répéter – à raison – que le risque d’attraper le virus en Chine est « très faible ». À ce jour, la vaccination présente un intérêt uniquement pour ceux envisageant de voyager hors de Chine, mais elle ne permet pas de se déplacer dans des zones « à risque » à l’intérieur du pays, ni d’être exempté de tests PCR.

Dans ces conditions, pourquoi se faire vacciner, même gratuitement ? En janvier, le directeur adjoint du CDC à Shanghai a révélé que sur 1,77 million de résidents interrogés, près de la moitié sont réticents. Même les soignants trainent des pieds, craignant les effets secondaires… Pour parer à ce problème, un certificat médical est désormais demandé aux employés des firmes publiques pour justifier leur refus. La plupart d’entre eux s’expliquent en citant le manque de données rendues publiques par les laboratoires chinois, refusant d’être leurs « cobayes« . Alors que les vaccins allemands, américains et britanniques ont publié d’excellents taux d’efficacité (plus de 90%), les rares chiffres dévoilés concernant les vaccins chinois laissent songeurs : de 50,7% au Brésil à 91,25% en Turquie pour celui de Sinovac, 65,7% pour CanSino, et 79% pour Sinopham.

Faute d’avoir publié l’ensemble de leurs résultats, aucun d’entre eux n’a encore déposé de demande auprès de l’Agence européenne du médicament pour que leurs vaccins soient officiellement approuvés au sein de l’Union Européenne. « Comment certains pays étrangers peuvent-ils être convaincus de l’efficacité des vaccins chinois alors que leurs essais cliniques n’ont pas été rendus publics, que les taux d’effets secondaires n’ont pas été divulgués, et qu’ils ne peuvent pas être administrés aux plus de 59 ans et aux moins de 18 ans ? », interroge un internaute chinois.

Une opacité que n’a pas manqué de dénoncer en marge du Parlement, Bi Jingquan, ancien patron de l’Administration chinoise des produits alimentaires et des médicaments (CFDA) de 2015 à 2018, qui a démissionné suite à un scandale de vaccins périmés. S’adressant aux laboratoires, le délégué lançait : « plus vous ferez preuve de transparence, mieux ce sera » !

Pour accélérer le rythme, la Chine vient d’approuver deux vaccins (疫苗, yìmiáo) supplémentaires, portant le total à quatre : deux vaccins de Sinopharm (le premier issu d’un institut pékinois, le second d’une filiale de Wuhan), un de Sinovac, et un autre de CanSino. À l’inverse des trois premiers qui sont des vaccins inactivés, le dernier est à vecteur viral et ne nécessite qu’une seule dose. Trois autres candidats chinois sont en dernière phase d’essais cliniques, tandis que le vaccin Pfizer-BioNTech pourrait être disponible en Chine à partir de cet été, grâce à son partenariat avec le conglomérat Fosun. Signe de bon augure : un demi-million de doses ont déjà été livrées à Hong Kong.

La Chine fait donc face à un dilemme : tant que l’immunité collective n’est pas atteinte à l’étranger, ni chez elle, Pékin n’abandonnera pas sa tolérance « zéro cas » et ne rouvrira pas ses frontières. En même temps, la Chine, qui a été la première à combattre le virus, ne peut pas se permettre d’être la dernière nation à rouvrir ses portes, surtout que la capitale chinoise est censée accueillir des milliers d’athlètes étrangers à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver, prévus début février 2022. L’enjeu est grand : si la Chine reste fermée alors que le reste du monde normalise ses échanges, elle ne pourrait plus revendiquer la supériorité de son modèle de lutte contre le virus.


Environnement : Un plan moins « vert » qu’espéré
Un plan moins « vert » qu’espéré

Alors que la capitale chinoise a connu son plus long épisode de pollution atmosphérique depuis plus d’un an (entre particules fines et tempête de sable) , l’élite politique chinoise s’est réunie au Grand Palais du Peuple à Pékin pour adopter son 14ème plan quinquennal (2021-2025), doublé de grandes lignes directrices à l’horizon 2035.

Attendu au tournant, c’est le premier document officiel publié depuis que le Président Xi Jinping a promis lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier que les rejets de CO2 de la Chine – premier pollueur mondial – commenceront à décroître « avant » 2030 et que le pays atteindra la neutralité carbone d’ici 2060.

Mais le démarrage de cette course vers une économie décarbonée est pour le moins hésitant et placé sous le signe de la contradiction, donnant ainsi raison à ceux qui estimaient que le gouvernement ne fixerait d’objectifs réellement ambitieux que pour l’après-2025.

Signe d’indécision sur la trajectoire climatique à prendre, l’objectif stipulé dans le 14ème plan en matière de réduction des émissions de CO2 reste identique à celui de 2016, à savoir de 18 % par unité de PIB pour les cinq prochaines années.

Les efforts de réduction de « l’intensité énergétique » (la quantité de CO2 rapportée au PIB par habitant) sont eux fixés à 13,5% : c’est 1,5 point de moins que l’objectif stipulé dans le 13ème plan, que la Chine avait d’ailleurs manqué (13,7% au lieu des 15% envisagés).

Par ailleurs, la production énergétique du pays devrait au moins atteindre 4,6 millions de tonnes d’équivalent charbon, pétrole, gaz naturel, et énergies non fossiles. Les plans quinquennaux précédents avaient opté pour un plafond maximal de production plutôt qu’un seuil minimum.

Le 14ème plan indique également que la part des énergies non fossiles dans le mix énergétique devrait représenter 20% d’ici 2025 (contre 15,3% en 2020), le document précisant que l’objectif est « indicatif » et n’a donc pas de caractère contraignant. Mais pas un mot sur la part que devra atteindre le charbon d’ici cinq ans. En 2016, une baisse de 64% à 58% avait été envisagée pour 2020.

Autre lacune du plan quinquennal : aucun objectif de capacité installée n’a été dévoilé pour le solaire et éolien. En 2020, le pays a installé pour 58 GW de fermes éoliennes (davantage que les nouveaux projets dans le reste du monde en 2019) et pour 40 GW de panneaux solaires, portant ainsi la capacité totale respective de ces énergies renouvelables à 281 GW et à 253 GW fin 2020, selon l’Agence nationale de l’énergie (NEA).

Surtout, le 14ème plan ne fixe pas de seuil de consommation d’énergie sur cinq ans ni de montant maximal d’émissions de CO2, contrairement au 13ème plan.

Faut-il s’alarmer de ces signaux pour le moins timides ? Pas nécessairement.

D’abord, parce que le gouvernement chinois a l’habitude de ne promettre que ce qu’il peut accomplir, se laissant ainsi une marge pour dépasser ses objectifs. Cette logique s’est déjà largement vérifiée dans le passé.

Ensuite, l’absence de différents indicateurs majeurs peut s’expliquer par un changement de stratégie de la part de l’Etat central : au lieu d’imposer aux provinces des objectifs environnementaux, souvent qualifiés « d’irréalistes » et pouvant parfois mener les cadres à prendre des mesures extrêmes (comme purement et simplement couper l’électricité de leur ville), Pékin attend cette fois des gouvernements locaux qu’ils fixent eux-mêmes leurs propres objectifs, avec promotions à la clé pour les dirigeants les plus « verts ».

Ces objectifs, communiqués par les provinces avant avril 2021, seront intégrés à un plan d’action du ministère de l’Environnement (MEE) attendu dans les prochains mois, et détaillant les mesures que la Chine compte prendre pour atteindre le pic de ses émissions de CO2 d’ici 2030.

Deux autres plans énergétiques de la NEA et de la tutelle de l’économie (NDRC) viendront compléter les objectifs quinquennaux en matière d’énergie éolienne, solaire, hydroélectrique, gaz, charbon…

Pour autant, rien n’est encore joué. Jusqu’à présent, les différents documents dévoilés durant le Parlement (le 14ème plan quinquennal, le rapport gouvernemental du Premier ministre, et celui de la NDRC) n’ont fait que révéler la contradiction qui existe entre les ambitions de développement d’une économie à bas-carbone et un investissement réaffirmé dans le charbon, qui représentait 56,8% du mix énergétique chinois fin 2020. L’an dernier, le pays a encore mis en opération pour 38,4 GW de centrales à charbon – c’est trois fois plus que le reste du monde.

À en croire la critique publiquement adressée fin janvier par une équipe d’inspection du MEE à la NEA, accusée « d’avoir lâché la bride » au charbon, le plus haut niveau de l’Etat pourrait bien se ranger du côté de l’environnement. Mais la bataille est loin d’être gagnée. Les provinces et les lobbies des énergies fossiles font feu de tout bois pour contrer (ou plutôt retarder) l’agenda « vert » du leadership, soulignant la nécessité post-pandémique de stimuler certaines économies régionales en approuvant de nouveaux projets houillers ou encore le besoin accru de « sécuriser l’alimentation énergétique » du pays suite aux coupures électriques de l’hiver dernier… Le sort de près de 37 GW de nouvelles centrales à charbon, approuvées en 2020, pourrait bien dépendre de cette lutte acharnée.

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Un 14ème plan qui fait la part belle au nucléaire

Hasard du calendrier, le jour de la clôture du Parlement (11 mars) marquait aussi celui des dix ans de la catastrophe de Fukushima. L’accident de 2011 avait provoqué en Chine un moratoire de trois ans sur toutes nouvelles mises en chantier de centrales, ce qui lui avait fait manquer son objectif quinquennal de 58 GW installés en 2020.

Aujourd’hui, tous les feux sont à nouveau au vert pour la filière nucléaire, le gouvernement affirmant vouloir développer « activement » mais de manière « ordonnée et sûre » l’énergie atomique. D’ici 2025, le parc nucléaire devra atteindre les 70 GW, contre 51 GW aujourd’hui. Un objectif que le pays devrait pouvoir réaliser sans trop de difficultés, puisque 19 réacteurs d’une capacité cumulée de 20,9 GW ont déjà été approuvés ou sont déjà en construction – essentiellement des réacteurs chinois et quelques russes. 

La construction « le long des côtes chinoises » de réacteurs de troisième génération, comme les modèles « Hualong-1 » et « Guohe-1 », mais aussi de petits réacteurs modulables et offshore, est spécifiquement mentionnée dans le 14ème plan, tout comme la construction de « nouveaux sites de stockage des déchets nucléaires et de retraitement du combustible ».

À ce jour, 4,9% de l’énergie consommée en Chine provient du nucléaire. Une part que la Chine compte porter à 10% d’ici 2035, au rythme de construction de 6 à 8 réacteurs par an, soit près d’une centaine en 15 ans ! La Chine est déjà le troisième producteur mondial d’énergie nucléaire et à cette allure, elle pourrait bien dépasser la France d’ici 2025, puis les États-Unis dès 2030. Toutefois, l’avenir de la filière en Chine dépend de bien d’autres paramètres, comme l’acceptabilité de la population, la composante économique ou encore l’évolution technologique.


Politique : Propositions en pagaille
Propositions en pagaille

Issus de tous les horizons de la société – scientifiques, entrepreneurs, sportifs, artistes, acteurs – les délégués de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois (CCPPC) ont encore une fois fait preuve d’inventivité dans leurs propositions soumises au Parlement.

Même si ces suggestions n’ont que peu de chances de se traduire par des politiques concrètes, celles rendues publiques reflètent les priorités du moment du gouvernement, lui permettant de jauger la réaction du public sur divers sujets.

On retrouve donc des thèmes comme la « réunification nationale » avec Taïwan, la réforme de l’âge du départ à la retraite, la protection des données personnelles, le recours aux nouvelles technologies pour revitaliser les campagnes, l’introduction d’un salaire minimum pour les livreurs de repas, l’allongement de la durée du congé paternité, la gratuité des examens médicaux pour les femmes enceintes, l’interdiction d’avoir recours à des mères porteuses, la « masculinité » enseignée à l’école, les violences domestiques, ou encore le fait de sanctionner les personnes abandonnant leur animal de compagnie en leur enlevant des points sur leur note de crédit social…

Parmi ce florilège de propositions, en voici quelques-unes qui ont fait débat sur la toile :

On sait déjà que le Président Xi Jinping n’est pas un grand fan de jeux vidéo, les accusant d’être trop violents et d’abîmer l’acuité visuelle des jeunes. « L’addiction aux jeux vidéo peut avoir une mauvaise influence sur des adolescents qui ne sont pas assez matures psychologiquement », aurait déclaré le leader durant le Parlement.

Ces remarques font écho à différentes propositions parlementaires, comme celle de mettre en place la reconnaissance faciale pour s’assurer que les joueurs sont majeurs – une fonction déjà mise en place sur certains jeux des géants Tencent et NetEase

D’autres édiles militent pour interdire aux célébrités de faire la promotion des jeux en ligne ou de limiter le nombre de publicités sur les smartphones. Premier marché au monde pour les jeux vidéo, avec 665 millions de joueurs dans le pays, la Chine est aussi pionnière en matière de règlementation contre l’addiction aux jeux vidéo. Plusieurs lois ont déjà été adoptées, visant à restreindre le nombre d’heures de jeu en s’enregistrant sous sa véritable identité ou à limiter la somme d’argent dépensée en ligne. Des restrictions facilement contournées en empruntant l’identité d’un parent ou en utilisant un VPN…

Inquiet du mauvais exemple que certaines vedettes donnent aux jeunes, Zhu Lieyu, avocat du Guangdong, suggère de bannir de l’industrie du divertissement, celles accusées de se droguer. Une proposition qui a été vue plus de 600 millions de fois sur Weibo. « Les personnalités publiques qui ont eu recours à une mère porteuse [comme l’actrice Zheng Shuang], ont été déclarées coupables de fraude fiscale [comme Fan Bingbing], d’infidélités, et de violences domestiques, devraient être mises sur liste noire », propose un utilisateur. « Toute activité illégale et tout comportement contraire à l’éthique sont certes intolérables de la part d’un artiste, mais cela ne veut pas pour autant dire que les autorités doivent prendre le contrôle de toute l’industrie. Les stars ne doivent pas devenir des outils politiques », avertit un autre. Pas par hasard, l’Association des arts du spectacle, affiliée au ministère de la Culture, a publié le mois dernier une directive exigeant des artistes « d’aimer leur pays, de soutenir le Parti, et de participer à des activités de bienfaisance » – une première depuis 1988.

S’appuyant sur les appels du Président Xi à stimuler l’innovation technologique dans le domaine militaire, Mo Changying, déléguée du Guangxi, a suggéré que les programmes télévisés soient « moins divertissants » et « plus scientifiques ». « Ce sont les chercheurs qui devraient capter l’attention du public, pas les stars de l’internet », a commenté l’édile. Une proposition qui a divisé les internautes. « Je suis d’accord ! Si la Chine veut espérer réduire sa dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis, davantage de talents dans ce domaine seront nécessaires. Nos médias devraient produire des programmes qui facilitent la compréhension scientifique et technologique pour que nos jeunes y trouvent la motivation d’étudier », écrit l’un d’entre eux. « Je ne trouve pas nécessaire pour chacun des 1,4 milliard d’habitants de s’intéresser à ces sujets. La société a besoin de diversité », répond un autre.

Une autre déclaration du Président Xi a retenu l’attention : « aujourd’hui, les Chinois, particulièrement les jeunes, sont sur un même pied d’égalité avec le reste du monde, à la différence de ceux appartenant aux générations précédentes qui se sont sentis inférieurs et démodés, comparés aux étrangers. Cette estime personnelle retrouvée est même perceptible chez les jeunes Chinois n’ayant jamais voyagé hors du pays », s’est réjoui le leader, qui en a profité pour vanter une proposition parlementaire voulant renforcer « l’éducation politique » des jeunes. Des propos qui n’ont pas tardé à être raillés par les internautes…

Sur une thématique voisine, celle de la « fierté culturelle », le délégué Cheng Xinxiang a proposé de dédier une journée au « hànfú » (汉服), costume traditionnel de l’ethnie Han, qui fait fureur ces dernières années sous l’influence des séries TV historiques et des blogueurs mode. « Je soutiens totalement cette idée. En tant que groupe ethnique majoritaire en Chine, la culture Han devrait être davantage mise en avant. Il est également temps de défendre cette tenue contre les tentatives d’appropriation des Coréens », écrit un utilisateur de Weibo. « Si l’intention est de promouvoir la culture chinoise, alors il faudrait appeler ce jour ‘la journée du costume chinois’ pour éviter d’offenser les 55 autres minorités ethniques du pays », met en garde un autre.

Toujours au sujet des fêtes nationales, 53 parlementaires ont proposé de changer la date de la « journée des professeurs » (10 septembre) en « journée de Confucius » (28 septembre), le jour de l’anniversaire du célèbre philosophe, également considéré comme le tout premier professeur du pays. Weibo n’a pas tardé à s’emparer du débat, certains utilisateurs croyant déceler une tentative de sauver l’image du sage en Chine, après la fermeture de plusieurs Instituts Confucius à l’étranger, accusés d’être des « outils de propagande » ou soupçonnés d’espionnage.

En matière d’éducation, Xu Jin, membre de la société Jiu San, l’un des huit partis politiques tolérés par le PCC, milite pour réformer le programme scolaire. Le délégué aimerait davantage d’heures de chinois et de mathématiques, mais surtout rendre l’anglais optionnel. « Apprendre la langue de Shakespeare n’est réellement utile que pour une minorité, étant donné les progrès des logiciels de traduction », affirme-t-il. La plupart des internautes ne sont pas d’accord : « l’anglais m’aide à voir et à comprendre le monde au-delà de la grande muraille de l’internet », témoigne l’un d’entre eux. Ce n’est pas la première fois que l’anglais est la cible des parlementaires les plus conservateurs. Toutefois, aucune proposition en ce sens n’a été adoptée, probablement sous l’effet d’une levée de boucliers des internautes.

Une dernière proposition consiste à intégrer, au cursus universitaire, un cours de « romance ». Yu Xinwei, déléguée venue de Canton, s’explique : « la compréhension des jeunes Chinois de leurs émotions et des relations sexuelles reste au niveau physiologique le plus basique (…). Lorsqu’ils font face à des revers amoureux, ils peuvent très mal réagir, devenir incontrôlables, voire commettre des crimes ». L’idée a été applaudie par les internautes, qui ont même suggéré d’instaurer une telle classe dès le secondaire.


Interview : « Trois questions à… Jean-Baptiste Carpentier, de Qihoo 360 »
« Trois questions à… Jean-Baptiste Carpentier, de Qihoo 360 »

« French Insiders » est une initiative de la nouvelle équipe de French Tech Beijing, présidée par Jean Dominique Séval, qui consiste à donner la parole à ces Français qui travaillent pour des entreprises de la tech chinoise, pour apprendre de leur expérience, de leur plongée au cœur des entreprises les plus innovantes, comme de leur témoignage sur le management interculturel. Jean-Baptiste Carpentier, directeur marketing de DSers et ex-responsable marketing et communication de Qihoo 360, s’est prêté à l’exercice, interviewé par Héléna Javitte, vice-présidente de French Tech Beijing.

Jean-Baptiste, votre carrière a commencé et se déroule exclusivement en Chine et avec des entreprises chinoises. Est-ce un choix ou les hasards de la vie ?

Un peu de hasard au début, certainement. Je suis venu en Chine très jeune dans le cadre d’un échange linguistique. Comme je souhaitais rester, j’ai trouvé un premier job de traducteur pour une société chinoise développant des jeux vidéo pour Facebook. Deux ans plus tard, j’ai intégré une filiale de jeux de Qihoo 360, firme pékinoise fondée par Zhou Hongyi en 2005 qui s’est fait connaitre pour son logiciel antivirus. C’est à l’occasion d’une pause cigarette que des employés de Qihoo m’ont convaincu de postuler pour rejoindre l’équipe marketing. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé, à 27 ans et sans être spécialisé dans ce domaine, à participer à une campagne de 1 million de $ avec pour mission de donner une nouvelle image au célèbre navigateur web norvégien « Opera », racheté par la firme en 2016.

Comment décririez-vous les spécificités du travail et du management dans les entreprises chinoises dans lesquelles vous avez travaillé ? Qu’est-ce qui vous a surpris le plus ?  

Je travaille depuis trop longtemps ici pour être surpris par tel ou tel comportement. Bien sûr, au début, comme beaucoup, je trouvais très étonnant de voir mes collègues faire leur sieste de midi ! Plus sérieusement, j’ai très vite compris que, pour mes supérieurs, c’est le résultat qui compte. Et que pour travailler avec un maximum de libertés, je devais gagner leur confiance. Cela demande de travailler dur, mais à mes yeux c’était normal, puisque je découvrais le marketing pour lequel je n’avais pas été formé. Par exemple, dans un grand groupe comme Qihoo 360, un de mes principaux challenges était de franchir les différents niveaux hiérarchiques pour obtenir une validation dans un délai raisonnable.   

Qu’est qui vous motive aujourd’hui pour continuer à travailler pour des firmes chinoises ?

Comme au premier jour, je suis conquis par la sensation qu’ici « tout est possible ». Depuis bientôt trois ans, je pilote le département marketing de DSers, une plateforme logistique innovante créée en 2018, qui a pour partenaire AliExpress. Nous sommes une petite structure de 40 personnes, ce qui me permet de travailler en direct avec le fondateur. Grâce à un travail d’équipe, nous avons pu faire de DSers le numéro 2 de son secteur en très peu de temps. Maintenant, j’encadre une équipe de collaborateurs chinois, loin des clichés qui parfois collent encore à la Chine : avec eux, pas de micro-management, mais je fixe des objectifs clairs, je les encourage et, le plus important, je leur donne des responsabilités et la liberté d’agir.    


Podcast : 10ème épisode des «Chroniques d’Eric»
10ème épisode des «Chroniques d’Eric»
Venez écouter le 10ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine : un vrai polar cette fois, qui vous tiendra en haleine !
 
Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 


Rendez-vous : Semaines du 15 mars au 18 avril
Semaines du 15 mars au 18 avril

17 – 19 mars, Shanghai : Laser Photonics China, le plus grand salon de la photonique de l’Asie

17 – 19 mars, Shanghai : Semicon China, Salon international de l’équipement et des matériaux pour les semi-conducteurs

17 – 19 mars, Shanghai : Productronica China, Salon international de la production électronique

18 – 21 mars, Zhengzhou : CCEME, Salon international des équipements de fabrication pour la Chine centrale

19 – 21 mars, Pékin : China MED, Salon des équipements et des instruments médicaux

21 – 23 mars, Shanghai : FIBOSalon international du fitness, du bien-être et de la santé en Chine et en Asie

24 – 26 mars, Shenzhen : PCHISalon des soins personnels et des cosmétiques

30 mars – 1er avril, Shenzhen : Guangzhou International Toy & Hobby Fair, Salon international du jeu et du jouet en Chine

30 mars – 1er avril, Pékin : CIOOE, Salon chinois international du pétrole et du gaz offshore

14 – 16 avril, Pékin : CIENPI, Salon chinois international de l’énergie nucléaire