La bombe démographique chinoise fait tic toc, le vieillissement de la population menaçant l’équilibre de la société. D’ici 2022, plus de 20 % des Chinois auront alors plus de 60 ans et 14 % plus de 65 ans. La Chine va donc passer d’un pays « vieillissant » à un pays « âgé » d’ici deux ans. Cette transition aura nécessité seulement 22 ans, contre 115 ans pour la France et 85 ans pour la Suisse, précise le China Daily. Cette évolution devrait se poursuivre jusqu’en 2050, échéance à laquelle les sexagénaires (et plus) seront 500 millions, soit environ le tiers de la population.
Pour répondre à ce problème, l’Etat envisage depuis plusieurs années de rehausser l’âge de départ à la retraite, fixé à 60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes fonctionnaires, et 50 ans pour les travailleuses à l’usine – une politique restée inchangée depuis 1978. A l’époque, l’espérance de vie était de 65 ans, contre 77 ans aujourd’hui.
La réticence du gouvernement à joindre l’acte à la parole s’explique par plusieurs raisons : la création d’emplois étant primordiale à la stabilité, Pékin a besoin que les plus anciens libèrent leurs postes pour les millions de jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail chaque année. Autre motif : en période de ralentissement économique, l’État peut compter sur les dépenses publiques liées à la protection sociale pour stimuler sa croissance (en réduisant les charges sociales des petites entreprises par exemple). Ce « petit » coup de boost pourrait tout de même représenter 1 point de PIB.
Mais cela devrait changer, tel qu’annoncé dans le plan « Vision 2035 », mentionnant « une réforme graduelle de l’âge de départ à la retraite ». Cette proposition aurait fait l’unanimité auprès des 364 membres du Comité Central lors du 5ème Plenum fin octobre.
Selon le China Economic Weekly, deux possibilités sont envisagées par le leadership : la première est de rendre l’âge de la retraite identique pour les hommes comme pour les femmes, puis de l’augmenter progressivement jusqu’à 65 ans ; la seconde est de l’augmenter séparément pour les deux sexes puis le rendre identique. Yang Lixiong, professeur à l’université Renmin (Pékin) penche en faveur du premier scénario, les Chinoises partant beaucoup trop tôt à la retraite selon lui.
Sans surprise, le débat a suscité la colère du public : les plus âgés craignent de ne pas vivre assez longtemps pour profiter pleinement de leur retraite, les plus jeunes redoutant que le recul de l’âge de la retraite n’impacte leurs opportunités professionnelles. « C’est déjà assez dur de trouver un emploi depuis la pandémie… Le gouvernement peut-il donner une chance aux jeunes nés dans les années 90 de survivre ? », plaide un jeune diplômé.
Les internautes ont également peur que ce recul de l’âge de la retraite réduise encore un peu plus le nombre de naissances. Les crèches faisant cruellement défaut dans le pays, c’est souvent aux grands-parents retraités qu’il revient de s’occuper de l’enfant lorsque les parents retournent au travail. « Sans cette aide précieuse, les femmes seront encore plus réticentes à avoir un enfant », affirme un utilisateur de Weibo.
Cela dit, il y a urgence : en 2035, la caisse nationale de retraite basculera dans le rouge. « Si les caisses sont réellement vides, le pays n’aura qu’à trouver l’argent nécessaire en réduisant les budgets ou en luttant contre la corruption », ironise un internaute. « Les fonctionnaires n’ont pas grand-chose à faire, ils passent leur temps à boire du thé et à regarder des films durant leurs heures de travail, bien sûr qu’ils sont prêts à « travailler » un peu plus longtemps ! Mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre nous, qui sommes impatients d’en finir », rajoute un autre. Pourtant, l’Etat ne pourra pas retarder l’inévitable beaucoup plus longtemps.
Sommaire N° 37 (2020)