Editorial : F. Hollande à Pékin – le retour du tropisme européen

F. Hollande à Pékin – le retour du tropisme européen

Au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 2 novembre, la rencontre de Xi Jinping avec Fr. Hollande connut une ambiance rarement chaleureuse. Xi évoqua une relation bilatérale « au zénith », Hollande souligna le « tournant historique » de la déclaration climatique que les chefs d’Etat venaient de lancer au monde. La déclaration visait à renforcer les chances d’accord à la conférence COP21 (Paris, 30 novembre-11 décembre). Il s’agit de faire adopter par les représentants de 180 pays, une première politique mondiale par laquelle ils s’imposeraient de réduire ensemble leurs émissions de gaz à effets de serre. 

Par cet effort, ils viseraient à contenir d’ici 2100 le réchauffement global à 2°C. Le problème est qu’à ce stade, les coupes envisagées par les nations, additionnées, ne limiteraient le réchauffement global, que de 3°C. Aussi, Hollande et Xi tentent-ils de convaincre les pays de presser le pas en montrant l’exemple : les deux nations s’engagent à publier avant 2020 des plans de coupes de CO2 d’ici 2050, « compatibles avec l’objectif de 2100 ». Hollande et Xi proposent aussi que l’accord à la COP21 soit «  vérifiable et révisable » tous les 5 ans, pour que l’effort de coupe inaccessible aujourd’hui, le devienne demain. Ceci, les USA n’en veulent pas, mais l’alliance France/Chine peut faire changer les choses. D’ailleurs, Xi Jinping compte être présent à Paris à l’ouverture de la COP21, pour peser de tout son poids dans la balance. C’est pour la Chine un tournant : en 2009 à Copenhague, elle œuvrait avec les USA à faire capoter la COP15, pour préserver leur droit à polluer.

Face à de tels enjeux, le volet commercial de la visite est resté dans l’ombre : Hollande et Xi assistèrent aux paraphes de 17 contrats ou intentions. Suez officialisa une JV avec Chongqing Water pour retraiter eaux usées et déchets à travers l’Asie du Sud-Est. La start-up Ennesys créa au Shandong une JV de recyclage de déchets par les micro-algues. Lesaffre prit le contrôle de deux levureries de Sungain, 8ème groupe sucrier (privé) du Guangxi. Ph. Varin, CEO d’ AREVA, signa avec le partenaire nucléaire CNNC, deux déclarations d’intention importantes : une coopération couvrant toutes les étapes du cycle nucléaire, et une entrée du n°1 nucléaire chinois à son capital (montant encore non fixé). La « sinisation » minoritaire d’AREVA rappelle celle de PSA en mars 2014, autre groupe alors en pleine turbulence financière. Pour AREVA, la perspective chinoise d’entrée au capital par CNNC, ouvre la porte à de nouveaux marchés en Chine, siège de 40% des centrales nouvelles sur Terre. 

Finalement, on croit aussi assister au retour du tropisme européen en Chine, avec une série étourdissante de déplacements depuis deux semaines – Xi au Royaume-Uni, puis le Roi des Pays-Bas, A. Merkel, et F. Hollande à Pékin. La vieille Europe déploie ses charmes auprès de l’Empire du Milieu, et celui-ci se tourne aussi vers elle, soit pour rééquilibrer ses priorités jusqu’alors trop tournées vers les USA, soit parce qu’après l’adoption du 13ème Plan au Plenum du Comité Central, la victoire complète de la ligne de Xi Jinping lui permet de le faire. Gardons-nous enfin d’un excès d’enthousiasme : la visite de F. Hollande en Chine, passa inaperçue pour l’homme de la rue. Et pour cause : le même-jour, était présenté à la nation entière, tout juste sorti d’usine, le prototype du premier avion moyen-courrier chinois, le C919. Celui-là causait la joie et fierté du pays, plus que les dernières initiatives diplomatiques des dirigeants.

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