Economie : Chine, mode d’emploi 2020

Après l’annonce fracassante de la fin de la politique de l’enfant unique le jour-même de la fin du Plenum, il a fallu attendre seulement cinq jours après le vote du 13ème Plan au Comité Central, pour la publication du rituel « complément d’information ». Un temps record—le délai normal étant d’une dizaine de jours. 

<p>Cette hâte est symptomatique de l’état d’esprit du moment : Xi Jinping, le « chef d’orchestre » n’a pas de temps à perdre pour changer les mentalités et le modèle économique. Ce qu’il veut : infléchir l’activité productive vers la qualité plus que le volume, et vers le durable plus que le profit à court terme. D’ici 2020, il s’agit de réduire la fracture sociale (étoffer la classe moyenne, arracher 70 millions de personnes à la pauvreté) et redistribuer plus efficacement les ressources. « 
Rêve de Chine » et «  Nouveau normal », ces concepts désormais bien connus, deviennent les leitmotivs d’un plan portant la griffe de Xi Jinping.

Une contradiction se présente : Xi veut conserver un taux de croissance « assez élevé », à 6,5%. On sait maintenant que ce choix a été précédé de vifs débats, des édiles réclamant un taux de 5% voire l’abandon de tout objectif afin de laisser plus de latitude au marché et au régulateur. D’autant que ce chiffre semble dangereusement haut : l’agence de notation S&P prédit des PIB en dessous du chiffre, 6,3% pour 2016 et 6,1% en 2017.

Mais Xi Jinping doit maintenir un haut seuil de croissance, d’abord au nom du pari lancé sous Hu Jintao en 2010, de doubler le PIB d’ici 2020. Il le doit aussi pour protéger les conglomérats dont la dette explose, à 77.000 milliards de ¥, dont 6.000 milliards rien qu’en septembre. De la sorte, Pékin est coincée entre deux contraintes antagonistes : (1) garder un PIB « moyen-haut » pour donner à ses dinosaures publics un sursis, temps de se débarrasser de leurs « mauvaises graisses », et (2) réduire le PIB pour permettre la floraison de réformes reportées depuis des décennies. Ces réformes sont d’ailleurs combattues pied à pied par les intérêts cachés qu’elles lèsent, arrachant leurs privilèges. Mais une fois inscrites au plan, leur mise en œuvre n’est que question de temps.

Finance : d’ici 2020, le yuan doit être convertible, une fois au FMI (Droits de Tirage Spéciaux) et le marché des capitaux ouvert. Le Plan ne parle plus de réévaluer le yuan de 2% par an. La bourse, elle, doit être nettoyée et ouverte—la place de Shenzhen va être reliée d’ici décembre à celle de Hong-Kong. Le cadre de la taxation sera complété – taxe foncière, héritages, TVA, taxe différentielle des énergies… Les conglomérats devront financer la sécurité sociale.

Paysans : tous devraient être couverts par l’assurance pension et maladie. Ils auront accès à de « nouvelles sources de crédits » (privé ? micro-crédit ?), et de formation pour se professionnaliser. Le démantèlement partiel du Hukou (permis de résidence) leur ouvrira en ville la même citoyenneté qu’aux citadins. Un nouveau droit foncier les protégera mieux de l’arbitraire des cadres, et leur permettra de mieux vendre, ou hypothéquer leur lopin, tout en favorisant la création d’exploitations plus grandes.

Environnement : il reçoit la part du lion. La pollution industrielle sera désormais réprimée sérieusement. Un réseau national de détection de la pollution de l’air et l’eau via internet sera mis en place. L’eau sera distribuée par un système de quotas et plafonds, et son prix réévalué. Eaux usées, CO2 seront soumis à quotas d’émission « cap & trade », assortis de droit de revente annuelle du reliquat et fermeture des entités incapables de tenir ces quotas. La déforestation commerciale est bannie. Un nouveau mécanisme « vertical-transprovincial» de dénonciation sera établi, pour décourager régions et usines de frauder. Tout cadre en fin de mandat sera soumis à un audit sur ses performances en fait de corruption et de pollution. Enfin, un réseau de recharge des voitures électriques et de primes à leur usage, doit être déployé. C’est un effort immense, justifié par l’épée de Damoclès d’une pollution de l’air hors contrôle : la Chine vient d’avouer une consommation en charbon en 2012 de 600 millions de tonnes de plus, soit +17% qu’admis initialement. 

Santé : pension, assurance médicale couvriront toute la population en règle – même aux opérations graves, et même hors de la province d’origine. La retraite et son âge légal seront relevés. Hôpitaux privés et publics doivent être traités à pied d’égalité, mais aussi renoncer à se financer sur les ventes de médicaments. Les hommes en blanc doivent voir leur salaire rehaussé, en contrepartie d’un abandon de la pratique des bakchichs.

Gouvernance : la série de réformes adoptée, témoigne d’un choix en fonction de leur utilité—non de leur adhésion à la démocratie. Le sibyllin système de crédit social et de note de moralité pour toute personne physique ou morale, sera mis en place d’ici 2020. Les universités auront plus de latitude pour recruter leurs enseignants et monter en autonomie, pour concurrencer leurs rivales mondiales. Elles sont aussi invitées à se convertir en écoles professionnelles. Enfin l’idéologie doit s’incruster partout, et l’internet doit être nettoyé sans état d’âme. 

En somme, la Chine de demain, sous la poigne de Xi Jinping et d’un PCC régénéré, doit pouvoir terrasser tous ses fléaux (ou ceux qu’elle considère comme tels) : pollution, corruption, séparatisme ou dissidence.

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