Le Vent de la Chine Numéro 37 (XX)

du 8 au 14 novembre 2015

Editorial : F. Hollande à Pékin – le retour du tropisme européen
F. Hollande à Pékin – le retour du tropisme européen

Au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 2 novembre, la rencontre de Xi Jinping avec Fr. Hollande connut une ambiance rarement chaleureuse. Xi évoqua une relation bilatérale « au zénith », Hollande souligna le « tournant historique » de la déclaration climatique que les chefs d’Etat venaient de lancer au monde. La déclaration visait à renforcer les chances d’accord à la conférence COP21 (Paris, 30 novembre-11 décembre). Il s’agit de faire adopter par les représentants de 180 pays, une première politique mondiale par laquelle ils s’imposeraient de réduire ensemble leurs émissions de gaz à effets de serre. 

Par cet effort, ils viseraient à contenir d’ici 2100 le réchauffement global à 2°C. Le problème est qu’à ce stade, les coupes envisagées par les nations, additionnées, ne limiteraient le réchauffement global, que de 3°C. Aussi, Hollande et Xi tentent-ils de convaincre les pays de presser le pas en montrant l’exemple : les deux nations s’engagent à publier avant 2020 des plans de coupes de CO2 d’ici 2050, « compatibles avec l’objectif de 2100 ». Hollande et Xi proposent aussi que l’accord à la COP21 soit «  vérifiable et révisable » tous les 5 ans, pour que l’effort de coupe inaccessible aujourd’hui, le devienne demain. Ceci, les USA n’en veulent pas, mais l’alliance France/Chine peut faire changer les choses. D’ailleurs, Xi Jinping compte être présent à Paris à l’ouverture de la COP21, pour peser de tout son poids dans la balance. C’est pour la Chine un tournant : en 2009 à Copenhague, elle œuvrait avec les USA à faire capoter la COP15, pour préserver leur droit à polluer.

Face à de tels enjeux, le volet commercial de la visite est resté dans l’ombre : Hollande et Xi assistèrent aux paraphes de 17 contrats ou intentions. Suez officialisa une JV avec Chongqing Water pour retraiter eaux usées et déchets à travers l’Asie du Sud-Est. La start-up Ennesys créa au Shandong une JV de recyclage de déchets par les micro-algues. Lesaffre prit le contrôle de deux levureries de Sungain, 8ème groupe sucrier (privé) du Guangxi. Ph. Varin, CEO d’ AREVA, signa avec le partenaire nucléaire CNNC, deux déclarations d’intention importantes : une coopération couvrant toutes les étapes du cycle nucléaire, et une entrée du n°1 nucléaire chinois à son capital (montant encore non fixé). La « sinisation » minoritaire d’AREVA rappelle celle de PSA en mars 2014, autre groupe alors en pleine turbulence financière. Pour AREVA, la perspective chinoise d’entrée au capital par CNNC, ouvre la porte à de nouveaux marchés en Chine, siège de 40% des centrales nouvelles sur Terre. 

Finalement, on croit aussi assister au retour du tropisme européen en Chine, avec une série étourdissante de déplacements depuis deux semaines – Xi au Royaume-Uni, puis le Roi des Pays-Bas, A. Merkel, et F. Hollande à Pékin. La vieille Europe déploie ses charmes auprès de l’Empire du Milieu, et celui-ci se tourne aussi vers elle, soit pour rééquilibrer ses priorités jusqu’alors trop tournées vers les USA, soit parce qu’après l’adoption du 13ème Plan au Plenum du Comité Central, la victoire complète de la ligne de Xi Jinping lui permet de le faire. Gardons-nous enfin d’un excès d’enthousiasme : la visite de F. Hollande en Chine, passa inaperçue pour l’homme de la rue. Et pour cause : le même-jour, était présenté à la nation entière, tout juste sorti d’usine, le prototype du premier avion moyen-courrier chinois, le C919. Celui-là causait la joie et fierté du pays, plus que les dernières initiatives diplomatiques des dirigeants.


Diplomatie : Vietnam, Corée du Sud, Japon – le printemps en hiver

Infatigable, Xi Jinping était à Hanoi le 6 novembre, pour une visite marquant un tournant à 180° dans les relations sino-vietnamiennes—10 ans après la dernière visite d’un chef d’Etat chinois. 

En effet, en mai 2014, un clash avait eu lieu entre ces deux pays, quand la Chine avait tracté dans des eaux limitrophes du Vietnam une de ses plateformes pétrolières. Du pays d’Oncle Ho, des milliers d’expatriés chinois avaient dû décamper en catastrophe, et voir saccagés leurs magasins ou usines. 

Ainsi, à Hanoi, Xi est arrivé main tendue, la besace chargée de (petits) cadeaux: un milliard de yuans pour des écoles et hôpitaux, et 550 millions de $ à prêt bonifié pour une route transfrontalière et un métro de surface à Hanoi. La presse chinoise faisait miroiter une aide « immense » au Vietnam (en cas de bonne attitude) en infrastructures, dans le cadre du plan mondial d’équipement « une route, une ceinture ». En effet le Vietnam, étiré tout en longueur sur 2000km du Guangxi vers le Cambodge, constitue potentiellement un axe stratégique de pénétration vers l’Asie du Sud-Est…Xi fut reçu avec les honneurs par le n°1 du Parti Nguyen Phu Trong bien conscient de l’impératif de rétablir les liens avec un voisin si puissant et riche. La visite était placée sous le signe de la fraternité socialiste – un choix pouvant accélérer la réconciliation. 

Autre bonne nouvelle : avec l’alter ego nippon Shinzo Abe et la Présidente sud-coréenne Park Geun-hye, le 1er novembre à Séoul, Li Keqiang tenait la première trilatérale entre ces pays depuis 2012. Entretemps, les relations avaient été orageuses, ponctuées par les visites de l’APL autour des îles Senkaku-Diaoyu. Et là, encore miracle : les trois s’entendaient pour reprendre ce « trilogue » annuel, en route vers une zone de libre-échange et vers une meilleure coordination face à la Corée du Nord. Aux industriels coréens, Li promettait de consentir un accès identique à celui aux firmes chinoises « hormis les secteurs sous une liste négative ». 

Avec Abe, « first things first », Li accepta de reprendre les palabres d’exploration/partage de ressources en mer de Chine du Sud, et les échanges de visites ministérielles.

Somme toute : avec l’Asie entière voire le monde entier, la Chine passe à la détente, veut faire oublier les tensions passées. Et cela se passe juste après l’adoption du 13ème Plan, où une longue série de réformes de fond était adoptée. Comme si une fois les ennemis intérieurs neutralisés, on pouvait se permettre davantage de civilité. C’est le printemps en hiver, et il semble parti pour se prolonger.


Taiwan : Fin de 66 ans de solitude avec la Chine

Cela ne s’était plus vu depuis 1949, un meeting entre leaders de Chine et Taiwan (Chiang Kai-chek et Mao Zedong, à Chongqing, en 1945). Or le 7 novembre à Singapour, Xi Jinping et Ma Ying-Jeou, présidents des « Chine » des deux bords du détroit brisaient la glace et avec elle, 66 ans de solitude. 

La décision était osée, mais ses auteurs n’avaient rien à perdre. En fin de mandat, Ma, du Parti nationaliste Kuomintang, est au bout du rouleau, mal-aimé pour avoir trop voulu arrimer son île au continent. Son traité d’association négocié avec Pékin, reste bloqué au Yuan législatif, Parlement de Taipei. Sous un tel climat, aux élections qui approchent, Mme Tsai Ing-wen, Secrétaire générale du DPP indépendantiste, part favorite sur le candidat du KMT Eric Chu. Xi Jinping pour sa part, ne sait plus que faire et s’impatiente du blocage qui s’éternise au processus de réintégration pacifique de l’île Formose et ses 23 millions d’habitants, à la nation. 

Pour ces retrouvailles entre frères ennemis, Xi et Ma avaient une question : par quel titre s’adresser, entre mandants de pays ne se reconnaissant pas l’un l’autre? Avec bon sens, ils avaient tranché le nœud gordien en se donnant du « Monsieur ». 

A travers l’île, la nouvelle de la rencontre subite, avait divisé. 19 millions de Taiwanais de souche (Hakka ou Min-nan) angoissaient ou s’irritaient d’un sommet où leur Président, outrepassant son mandat, ferait des déclarations intempestives. Pire, il a jusqu’à mai 2016, fin de son mandat, pour franchir on ne sait quel point de non retour vers l’adhésion à la RPC. 

A l’inverse, le million et demi de Chinois du continent qui a suivi Chiang Kai-chek, à Taiwan en 1949, savoure en silence ce pas effectué vers leur mère-patrie. Finalement, même sans nul texte signé, ce meeting aura eu les effets qu’on pouvait en attendre. Dès l’annonce de la rencontre, les firmes chinoises et celles taiwanaises présentes en Chine, virent leur valeur boursière s’envoler. Ce dégel promettait la fin de 20 ans de morosité insulaire : enfin un avenir, comme développeur privilégié de ce pays-continent. Le risque est de voir la population réagir négativement et d’offrir au DPP une victoire encore plus large en janvier 2016. 

En tous cas, le sommet Xi-Ma a créé un superbe effet sur la scène trop anémique de la politique taiwanaise – un électrochoc pour l’avenir.


Economie : Chine, mode d’emploi 2020

Après l’annonce fracassante de la fin de la politique de l’enfant unique le jour-même de la fin du Plenum, il a fallu attendre seulement cinq jours après le vote du 13ème Plan au Comité Central, pour la publication du rituel « complément d’information ». Un temps record—le délai normal étant d’une dizaine de jours. 

<p>Cette hâte est symptomatique de l’état d’esprit du moment : Xi Jinping, le « chef d’orchestre » n’a pas de temps à perdre pour changer les mentalités et le modèle économique. Ce qu’il veut : infléchir l’activité productive vers la qualité plus que le volume, et vers le durable plus que le profit à court terme. D’ici 2020, il s’agit de réduire la fracture sociale (étoffer la classe moyenne, arracher 70 millions de personnes à la pauvreté) et redistribuer plus efficacement les ressources. « 
Rêve de Chine » et «  Nouveau normal », ces concepts désormais bien connus, deviennent les leitmotivs d’un plan portant la griffe de Xi Jinping.

Une contradiction se présente : Xi veut conserver un taux de croissance « assez élevé », à 6,5%. On sait maintenant que ce choix a été précédé de vifs débats, des édiles réclamant un taux de 5% voire l’abandon de tout objectif afin de laisser plus de latitude au marché et au régulateur. D’autant que ce chiffre semble dangereusement haut : l’agence de notation S&P prédit des PIB en dessous du chiffre, 6,3% pour 2016 et 6,1% en 2017.

Mais Xi Jinping doit maintenir un haut seuil de croissance, d’abord au nom du pari lancé sous Hu Jintao en 2010, de doubler le PIB d’ici 2020. Il le doit aussi pour protéger les conglomérats dont la dette explose, à 77.000 milliards de ¥, dont 6.000 milliards rien qu’en septembre. De la sorte, Pékin est coincée entre deux contraintes antagonistes : (1) garder un PIB « moyen-haut » pour donner à ses dinosaures publics un sursis, temps de se débarrasser de leurs « mauvaises graisses », et (2) réduire le PIB pour permettre la floraison de réformes reportées depuis des décennies. Ces réformes sont d’ailleurs combattues pied à pied par les intérêts cachés qu’elles lèsent, arrachant leurs privilèges. Mais une fois inscrites au plan, leur mise en œuvre n’est que question de temps.

Finance : d’ici 2020, le yuan doit être convertible, une fois au FMI (Droits de Tirage Spéciaux) et le marché des capitaux ouvert. Le Plan ne parle plus de réévaluer le yuan de 2% par an. La bourse, elle, doit être nettoyée et ouverte—la place de Shenzhen va être reliée d’ici décembre à celle de Hong-Kong. Le cadre de la taxation sera complété – taxe foncière, héritages, TVA, taxe différentielle des énergies… Les conglomérats devront financer la sécurité sociale.

Paysans : tous devraient être couverts par l’assurance pension et maladie. Ils auront accès à de « nouvelles sources de crédits » (privé ? micro-crédit ?), et de formation pour se professionnaliser. Le démantèlement partiel du Hukou (permis de résidence) leur ouvrira en ville la même citoyenneté qu’aux citadins. Un nouveau droit foncier les protégera mieux de l’arbitraire des cadres, et leur permettra de mieux vendre, ou hypothéquer leur lopin, tout en favorisant la création d’exploitations plus grandes.

Environnement : il reçoit la part du lion. La pollution industrielle sera désormais réprimée sérieusement. Un réseau national de détection de la pollution de l’air et l’eau via internet sera mis en place. L’eau sera distribuée par un système de quotas et plafonds, et son prix réévalué. Eaux usées, CO2 seront soumis à quotas d’émission « cap & trade », assortis de droit de revente annuelle du reliquat et fermeture des entités incapables de tenir ces quotas. La déforestation commerciale est bannie. Un nouveau mécanisme « vertical-transprovincial» de dénonciation sera établi, pour décourager régions et usines de frauder. Tout cadre en fin de mandat sera soumis à un audit sur ses performances en fait de corruption et de pollution. Enfin, un réseau de recharge des voitures électriques et de primes à leur usage, doit être déployé. C’est un effort immense, justifié par l’épée de Damoclès d’une pollution de l’air hors contrôle : la Chine vient d’avouer une consommation en charbon en 2012 de 600 millions de tonnes de plus, soit +17% qu’admis initialement. 

Santé : pension, assurance médicale couvriront toute la population en règle – même aux opérations graves, et même hors de la province d’origine. La retraite et son âge légal seront relevés. Hôpitaux privés et publics doivent être traités à pied d’égalité, mais aussi renoncer à se financer sur les ventes de médicaments. Les hommes en blanc doivent voir leur salaire rehaussé, en contrepartie d’un abandon de la pratique des bakchichs.

Gouvernance : la série de réformes adoptée, témoigne d’un choix en fonction de leur utilité—non de leur adhésion à la démocratie. Le sibyllin système de crédit social et de note de moralité pour toute personne physique ou morale, sera mis en place d’ici 2020. Les universités auront plus de latitude pour recruter leurs enseignants et monter en autonomie, pour concurrencer leurs rivales mondiales. Elles sont aussi invitées à se convertir en écoles professionnelles. Enfin l’idéologie doit s’incruster partout, et l’internet doit être nettoyé sans état d’âme. 

En somme, la Chine de demain, sous la poigne de Xi Jinping et d’un PCC régénéré, doit pouvoir terrasser tous ses fléaux (ou ceux qu’elle considère comme tels) : pollution, corruption, séparatisme ou dissidence.


Aviation : Le C919 – une naissance difficile
Le C919 – une naissance difficile

Très attendue, diffusée en direct à la télévision, la sortie du  C919, premier avion de la COMAC, constructeur aéronautique national, eut lieu à Shanghai-Pudong le 2 novembre en présence de 4000 invités. Il avait fière allure, ce biréacteur en livrée blanche et vert-pomme, pour la première fois à la lumière du jour, fruit du labeur de 100.000 ingénieurs et experts, de 36 universités, 200 groupes technologiques et cabinets d’étude. 

<p>Conçu pour 158/174 passagers et une distance de 5500km, ce moyen-courrier veut concurrencer ses « grands frères » A320 et B737—d’où son sigle de « C » comme « Chine », comme l’étape suivante après « A » (Airbus) et « B » (Boeing). 

Pour l’équipement, la COMAC a fait son shopping en Europe et en Amérique. Le C919 dispose du moteur Leap de CFM (filiale Safran-GE) moins gourmand en carburant (-16%), d’un train d’atterrissage Honeywell, d’une avionique d’avant-garde et de matériaux composites dans ses ailes et sa carlingue, en recherche d’économie de poids. 

Pour ce premier bébé, la COMAC attend 2000 commandes en 20 ans. Un but sans doute raisonnable puisqu’elle en affiche déjà 517, presque toutes émanant de compagnies publiques locales. Son marché intérieur aura besoin de 5580 nouveaux appareils (780 milliards de $) d’ici 2035, selon Boeing.

Le C919 est maintenant prêt pour les tests et fait la fierté de la nation. En sept ans depuis le lancement du chantier, la performance mérite en effet d’être saluée, car le pays n’avait aucune expérience en matière de gros transporteurs civils, une technologie toute particulière. Son savoir-faire se limitait à la création du ARJ21, clone du MD-90 américain de 90 places. 

Premier bémol, ce lancement arrive avec au moins un an de retard, et le 1er vol, pour 2016 ou 2017, aura 2 à 3 ans de retard. Les livraisons elles, sont prévues pour 2020 au plus tard, 4 ans après la date annoncée.
Le poids de l’appareil a été maitrisé avec moins d’une tonne de surpoids. 

Plus gênant, mais normal sur un prototype, des renforts ont été rivetés aux racines des ailes, suggérant un problème structurel – qui devrait être solutionné sur les prochains C919. 

Un autre problème tient au cahier des charges qui exige un maximum de localisation en Chine. De ce fait, bien du temps a été perdu à (re-)trouver des solutions déjà inventées ailleurs. 

Néanmoins, la Chine reste dépendante de l’étranger en propulsion, tant pour le militaire que pour le civil. Elle investit massivement pour combler ce retard, mais le fruit n’est pas pour demain : « 2030 sera une étape décisive », nous confie ce professionnel. 

La plus grand difficulté est dans l’intégration des différentes fonctions, qui doivent coexister harmonieusement dans ce volume très réduit qu’est un avion. Selon cet expert étranger, sur le projet C919, « chaque atelier spécialisé (motoristes, informaticiens, experts en aérodynamique) travaille dans son coin », sans connaître les spécifications des autres équipes. Quand ils remettent leur travail, ils découvrent –trop tard– des incompatibilités et du travail à reprendre. 

Côté financement, la COMAC est une compagnie heureuse, touchant l’argent qu’elle veut pour son chantier stratégique prioritaire. En octobre, l’EximBank lui débloquait 7,9 milliards de $. 

Mais inévitablement, des dérapages se produisent : la CCID, inspection centrale anticorruption révélait le 18 octobre une série de manquements tels « l’irrespect du cahier des charges, la violation des règles des voyages à l’étranger, le saupoudrage de contrats pour échapper aux contrôles, le népotisme, et de nombreux « cadres nus » (fonctionnaires ayant envoyé à l’étranger leurs familles, avec un magot détourné) ». 

La certification aussi pose souci. Pour exporter le C919, le blanc-seing de la FAA (Federal Aviation Agency américaine) est incontournable. Or à ce stade, la Chine n’a pas lancé la démarche. Le C919 sera d’abord certifié par l’agence chinoise CAAC, très sérieuse mais non reconnue à l’étranger. Les premières années donc, le C919 devra limiter ses ambitions à son marché intérieur, voire à des pays voisins tels la Thaïlande. Toutefois, ceci ne devrait pas être un handicap à terme : quelques années d’exploitation en vol, et la différence de prix par rapport aux tarifs européen et américain devraient suffire à créer la confiance, et une certification américaine et/ou européenne est inéluctable. 

Le groupe Rand Corporation dans son rapport publié en 2014, est plus pessimiste : le C919 ne connaîtra pas le succès commercial. En effet, la Chine a déversé durant des décennies d’énormes ressources, à seule fin d’apprendre à faire un avion, au lieu de produire en masse en associant les constructeurs étrangers. De ce fait, le C919 devrait supporter 20 millions de $ de frais de développement par vente (dans l’hypothèse pessimiste de 1000 ventes seulement, la moitié des prévisions de COMAC). 

Toutefois, la Chine a le regard fixé vers l’horizon : d’autres modèles vont rejoindre la gamme, tel l’ARJ21 (90 places), ou le C929 (équivalent d’un A340) en cours de conception en collaboration avec un groupe russe. Et pour reprendre cet industriel étranger déjà cité, « 2050 verra peut-être la Chine au premier rang de la construction aéronautique mondiale. Il serait temps de la considérer avec plus de respect ».


Petit Peuple : Guandu (Yunnan) – l’argent perdu de grand-mère Xu (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : En 1953, Xu Zhanhua, paysanne yunnanaise de 24 ans, plaçait à la Banque Populaire ses 5 douzaines de taëls hérités de l’ancien régime. En échange, on lui donna un certificat d’une valeur de 50.000 yuans. Deux ans plus tard, dans la nuit, le yuan était dévalué de 10.000 contre un : le patrimoine de Xu avait fondu à 5 yuans ! Pourtant, loin de perdre sa foi en la Révolution, Xu gardait ardeur et espoir…

26 années passèrent…Xu Zhanhua, au village, fut témoin de différentes phases d’histoire révolutionnaire. Mariée, bientôt mère, elle vit passer toutes les campagnes, du Grand Bond en avant, de la campagne des Cent Fleurs, de l’éradication des oiseaux et des vermines, des Quatre Vieilleries… 

Durant ces temps de peur et de famine, Xu trimait dur, nourrissait ses enfants et se gardait de ne rien demander. Quiconque attirait l’attention sur soi, parlait d’argent, ou pire, osait en réclamer aux autorités, risquait gros…

Pour autant, elle conservait caché son précieux trésor : le titre imprimé avec son tampon rouge, libellé à son nom. Le jour venu, elle n’en doutait pas, il serait son sésame pour récupérer son argent.

Sagement, elle attendit 1977, l’avènement d’une ère plus propice (Deng Xiaoping pointait à l’horizon), pour retourner à la banque réclamer son dû. Mais à Guandu, là où 24 ans plus tôt, elle avait déposé l’argent, l’attendait sa seconde mauvaise surprise depuis la dévaluation de 1955 : l’édifice était toujours là, juste un peu plus décrépi, mais l’agence avait fermé depuis belle lurette ! Xu se précipita alors à la grande agence provinciale, à Kunming, rue Weiyuan. 

Là, les sous-fifres la firent poireauter quelques heures : le temps d’émettre un nouveau titre à cinq yuans, percevable auprès d’une quelconque des banques commerciales de la ville. Patiemment, le cadre gominé lui expliqua que depuis 10 ans, la Banque populaire, promue au rôle exclusif de Banque centrale, ne perdait plus son temps avec des comptes privés. Qu’elle aille donc à l’une de ces nouvelles unités. 

Sans faute, on lui rendrait ses cinq unités de monnaie du peuple, gentiment alourdies de 6% par an d’intérêts à compter du jour de la dévaluation. 

Zhanhua retourna au village—sans plus sourire, désormais. A 48 ans, sa sciatique lui faisait mal, et elle n’avait plus toute la vie devant elle, à attendre que les financiers du socialisme sortent de leur erreur et cessent de se comporter en vulgaires capitalistes. 

Dès lors, une fois l’an, elle s’en allait en ville réclamer ses 50.000 yuans auprès de l’une ou l’autre de ces agences. Peu importait laquelle, toutes étaient au gouvernement. Partout bien sûr, elle recevait la même fin de non-recevoir –proférée sur un ton ennuyé par un employé indifférent. 

A 86 ans, pourquoi se décida-t-elle de mettre un terme à cette attente d’une vie, ce 20 août 2015 ? 

Peut-être simplement, se sachant au bout du rouleau, sentait-elle que le moment était venu… 

Elle se rendit à la banque, rue Weiyuan, et brandit au comptoir son pathétique carré de carton déchiré et décoloré par 62 ans d’existence. 

Dépassé, le guichetier l’envoya au jeune directeur qui, après une heure de bruyants palabres, proposa « par pure charité » d’ajouter 50 yuans, aux 5 yuans du certificat et 20 yuans d’intérêts encourus. 

Alors, sans plus dire un mot, grand-mère Xu tourna les talons, plantant là le gommeux, abandonnant ses papiers sur place. Sa fureur lui faisait tout voir rouge-rouge comme le tampon du certificat. Depuis 1953, ce cercle écarlate en bas de page signifiait la promesse d’une administration au service du peuple. À présent, aux yeux de la vieille Xu, il était devenu le rouge de la trahison.

Dehors, d’un parterre de fleurs, elle prit un bout de brique, puis sans regard pour les 50 curieux qui s’agglutinaient, pour les inévitables donneurs de conseils, elle revint à la porte en verre et la brisa avec une énergie inattendue, faisant voler un million de grêlons. Puis elle s’assit à terre en grommelant. 

C’est là que la retrouva la patrouille de police, sur place en un temps record, et sur le champ bien embarrassée, constatant l’âge de la délinquante et son profil bien atypique de fauteuse de trouble sur la voie publique. 

Le trouble augmenta encore quand elle réalisa que Grand-mère Xu, restée à terre, refusait de se relever et de coopérer, se retranchant dans sa muraille de silence. Aux limiers de la société harmonieuse, il fallut plus d’une heure, par contact radio avec le fichier central, pour retrouver sa fille, et la faire venir pour ramener sa mère au village.

La fin de notre histoire est aussi insolite que son début : la mésaventure de Grand-Mère Xu lui a valu une notoriété dans sa rue, au village, et dans tout le pays, réverbérée via internet. Confusément, les gens admirent son énergie vitale, à continuer à réclamer justice à 86 ans, pour un tort commis six décennies en arrière, et son courage de se battre seule, jusqu’au bout, contre les autorités (孤军奋战 gūjūn fènzhàn) !


Rendez-vous : Semaine du 9 au 15 novembre 2015
Semaine du 9 au 15 novembre 2015

10-12 novembre, Nankin : SINOPHEX, API, Salons de l’industrie pharmaceutique : machine, technologies, matières premières, chimie fine

11-13 novembre, Shanghai : CEF, Salon de l’électronique

Fhcchina11-13 novembre, Shanghai : FHC China, Food & Drink, Salon international de l’alimentation et de la boisson, du commerce de détail et des équipements d’hôtellerie

Shanghaiartfair12-15 novembre, Shanghai ART Fair, Salon de l’art de Shanghai

12-14 novembre, Shanghai : PROWINE, Salon international du vin

Interwinechina

15-17 novembre, Canton : INTERWINE China

16-18 novembre, Shanghai : CIAAR, Salon de l’air conditionné et de la réfrigération

16-18 novembre, Shanghai : ICE Asia, Salon international de l’industrie du papier

16-19 novembre, Shanghai : TZMI Congress, Conférence sur le titane et le zirconium

16-21 novembre, Shenzhen, China HI-TECH Fair