Editorial : La locomotive allemande fait halte en Chine

Angela Merkel, Chancelier d’Allemagne, fut reçue en Chine ( 01-03/02), en leader d’une puissance dont les échanges bilatéraux s’élevaient à 169 milliards de $ (+18,9%) en 2011, avec rare excédent à l’Allemagne 92,7 milliards de $ (+24,9%). Aussi Angela Merkel fut-elle reçue par le Président Hu Jintao et le 1er Ministre Wen Jiabao, lequel prit soin de l’accompagner le dernier jour à Canton, à un forum d’affaires entre 500 firmes allemandes de la province, et le Gotha local en énergie, ingénierie, banque et l’électronique.

Ces égards virent cependant vite leurs limites. La patronne de l’Allemagne ne put pas dîner (à son ambassade) avec le dissident Mo Shaoping ni rencontrer à Canton le Rédacteur en Chef du Nanfang Zhoumou, un des journaux les plus courageux. Quand elle plaida au nom de l’Union Européenne, que la Chine s’abstienne de récupérer les volumes de pétrole iranien que l’Europe vient de mettre sous embargo, la réponse sèche tomba auQuotidien du Peuple : cette pression serait malvenue, «compromettant la reprise mondiale» en faisant flamber les prix du brut.

Pour ce voyage sous le signe du 40ème anniversaire des relations, le chancelier allemand était venu défendre l’image de l’Euro, et plaider pour un influx de devises chinoises à son secours.  Car depuis 20 ans, les réserves de l’Europe partent en Chine à sens unique, en échange de l’export chinois à bas prix. Il en résulte un vide dans les banques de l’Ouest, face aux 3200MM$ de réserves en Chine, dont 15% en euros (500MM² estimés). Certes, les fortunes du pays rachètent déjà en Europe des PME de pointe (cf notre photo p.3). Mais le soutien de l’Etat chinois est aussi indispensable. A Canton, pour Mme Merkel, Wen Jiabao confirma que son pays cofinancerait les fonds européens MSE ( Mécanisme Européen de Stabilité )et FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière). Surtout depuis que l’Union Européenne s’est engagée dans un pacte fiscal (à Bruxelles, le 30/01, à 25 Etats sur 27).

Le chancelier revendiqua aussi pour ses firmes concitoyennes, d’être traitées localement  «à pied d’égalité». Le contentieux porte surtout sur les marchés publics dont la Chine, sans l’admettre, écarte tout groupe étranger. Or en ce pays où le Parti tient toujours les affaires d’une main de fer, ces adjudications en centaines de milliards de US$ par an sont le ressort de sa croissance. Leur manipulation lui permet de créer, à partir de technologies «dérivées» de l’Occident, des géants industriels capables de lui damer le pion en énergies nouvelles, TGV, équipements à bas carbone. Une pratique envers laquelle, par temps de récession, la patience de l’Ouest s’évapore vite.

En janvier à Pékin, Michel Barnier, Commissaire responsable du marché intérieur, témoignait de «progrès», d’une volonté chinoise de dépasser ce protectionnisme et de rejoindre un accord de l’OMC à 30 pays pour s’ouvrir mutuellement leurs marchés. Mais le 30/01 à Bruxelles, un autre commissaire, K. de Gucht, annonce un règlement de l’Union Européenne sur les marchés publics, destiné à pénaliser les groupes chinois, si leur pays «continue à barrer aux firmes de l’Union Européenne l’accès … à son marché ».

Renseignements pris, les deux tendances sont réelles, et complémentaires. La Chine se prépare -peut-être- à éliminer ses pratiques cocardières. Mais l’Europe préfère se doter d’un levier pour l’inciter à accélérer le tempo.

Pendant ce temps, Pékin et Bruxelles peaufinent le 7e sommet Europe-Chine, reporté en octobre 2011, pour cause de crise grecque. Il ouvrira le 14/02, parallèlement à un sommet Chine-UE des affaires. Avec au moins, un litige de plus : le mécanisme européen qui  impose aux compagnies aériennes, une réduction de leurs émissions de CO2 dans son espace aérien, ou bien des taxes. Voté depuis 5 ans, le règlement est  irrévocable et applicable. Pékin mène un baroud d’honneur, prétendant (avec l’Inde) le boycotter, au nom des  100M² qu’il coûtera dès cette année à ses transporteurs : elle bloque les commandes d’Airbus A380, menace d’autres rétorsions. Il faudra, sur ce litige, trouver un modus vivendi : afin de matérialiser le vertueux espoir de J.T. Katainen, le 1er ministre finnois au Sommet de Davos, « Chine et Europe, aujourd’hui, sont dans le même bateau » !

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